Opinions - 06.03.2019

Moncef Ben Slimane: Le statut des universitaires est caduc, dirait l'Autre...

Moncef Ben Slimane: Le statut des universitaires est caduc, dirait l'Autre...

Le ministère de l’enseignement supérieur a publié les premiers résultats des travaux de la commission des présidents d’université concernant la révision du statut des enseignants-chercheurs.

L’actualité de ces derniers jours, nous apprend que cette commission a déclenché le courroux de la fédération syndicale des universitaires, ce qui laisse supposer qu’elle ne fera pas long feu. Elle a toutefois le mérite de provoquer le débat autour du métier d’universitaire.

Le décret est caduc…

Actuellement, les grades et la carrière des collègues sont régis par le décret N°93-1825dont on peut aisément dire qu’il est CADUC. Il est uniforme, simple et réducteur ne stipulant de façon claire et précise que la seule charge d’enseignement en présentiel.

De plus, force est de constater que la verve du service public d’enseignement est devenue une denrée rare laissant la place au découragement chez certains collègue sou, pire, à la débrouillardise et arrangements chez d’autres.

Quant à nos ministres de tutelle, la tradition veut que, face aux difficultés et contestations, ils ont souvent recours à une politique de replâtrage en décrétant  des mesures transitoires ou des correctifs de dernières minute aux textes en vigueur. Aucun ministre n’a été capable de créer un climat favorable à une émulation et discussion  sereine autour de la réforme universitaire. Excepté probablement Tijani Chelli.

Ceci dit, toute révision sérieuse et courageuse du statut des enseignants-chercheurs doit tenir compte du fait que leurs activités se sont fortement démultipliées et diversifiées. A l’enseignement et à la recherche se sont ajoutées la direction de publication, les conceptions de parcours de formation, les expertises et évaluations, sans oublier les activités syndicales, associatives et culturelles.

Des activités d’universitaires visibles et lisibles

Aussi, si on tient véritablement à l’identification et à la visibilité de toutes ces activités, il est préférable de penser à une nomenclature des grades universitaires articulés à des missions et des itinéraires  professionnels précis et aux émoluments qui vont avec.

Y’a-t-il besoin de rappeler ce que chaque universitaire sait fort bien ? Qu’on peut  exercer2 jours par semaine ou 7 jours sur 7 pour le même salaire Pourquoi ? Parce que la seule obligation statutaire quantifiable est, jusqu’à aujourd’hui, l’enseignement. Le reste relève de la bonne volonté ou de la disponibilité du collègue.

Les éléments de bilan précédents m’avaient incité à exposer, à l’occasion d’un séminaire syndical, une proposition de révision du statut. Luttes de clans  et petites stratégies pour monter dans l’échelle des responsabilités au  sein de l’UGTT, ont parasité, à l’époque, écoute et débats. Je note aujourd’hui,  avec satisfaction, que des aspects de cette proposition ont retenu l’attention des rédacteurs du projet syndical de statut.

En quoi consistent les orientations générales de la proposition de reforme du statut ?

Primo: la diversification et la valorisation du métier d’enseignant-chercheur n’ont de sens que s’ils font partie en amont d’une nouvelle définition de l’identité de la communauté universitaire. Ce qui veut dire que l’enseignant-chercheur d’aujourd’hui doit ainsi trouver sa place dans le collectif universitaire sans que  ses compétences individuelles ne soient étouffées ou sous-évaluées.

Secundo: il faudrait accorder plus d’autonomie et de prérogatives aux établissements et universités, tout en repensant la carte universitaire en fonction du processus de décentralisation et déconcentration en cours.

Tertio: La gestion des budgets d’établissements; actuellement sous la coupe de la comptabilité publique; doit d’urgence être remplacée par un système de gestion plus souple et moins bureaucratique.
Des grilles de missions identifiées et volarisées
Concrètement, cette reformulation du métier d’universitaire pourrait débuter par la fixation d’un service statutaire da base, une sort de SMIG académique, décliné  sous forme d’activités, masse horaire et émoluments.
Le complément au SMIG académique, serait listé dans des grilles ou  tableaux comportant des activités ventilées en 3 missions: formation, recherche, gestion.

Les 3 grilles prendront la forme suivante:

Missions  formation

Missions recherche

Missions de gestion

  • Orientation, accueil, sélection, tutoring d’étudiants;
  • Promotion, conception, expertise de modules ou/et de filières de formations présentiel ou virtuels;
  • Constitution de réseaux internationaux de formation, protocoles d’échanges des étudiants, harmonisation des cursus, équivalences;
  •  Création de ressources pédagogiques, bibliothèques et centres de documentation…
  •  Direction d’Unité ou de Laboratoire de recherche;
  •  Valorisation des projets de recherche;
  •  Gestion de programmes internationaux de recherche;
  •  Expertise de recherches et de publications;
  •  Participation à des projets de recherche opérationnelle…

 

  • Direction de départements, d’écoles doctorales, de stages, de formations, d’université;
  •  Participation aux jurys de recrutement, à des commissions (d’évaluation, de spécialistes, d’équivalences…)
  •  Direction et participation à des comités de lecture, diffusion de publications;
  •  Animation d’associations scientifiques, culturelles, structures syndicales…

Chaque enseignant disposera d’une  fiche individuelle comportant missions et activités auxquelles il a choisi de s’astreindre. Ces dernières seront consignées dans un emploi du temps affiché etcommuniqué aux étudiants.
Les grilles qui constitueront  un cadre national d’exercice à l’université doivent être assez flexibles pour s’adapter aux spécificités des institutions universitaires.
Evidemment, une politique universitaire efficace et motivante gagnerait à prévoir des mesures incitatives pour que les enseignants-chercheurs qui s’engagent dans des missions dépassant le SMIG académique bénéfice de modalités d’évolutions dans la carrière plus créatrices de droits et devoirs et des salaires conséquents.

Les missions clarifiées et identifiées, le statut pourrait comprendre deux grandes catégories d’enseignants et chercheurs : les Plein-Temps et les Temps-Partiels.

L’organigramme suivant explicite le profil de chacune de ces catégories :

Universitaires à temps plein

Enseignants à Temps-Partiel

De même, il faudrait réviser les modalités de recrutement actuelles en prenant en considération l’avis de 2 instances : l’une nationale (jury) et la seconde locale (établissement ou labo d’accueil possible).

Cette proposition de réforme n’est pas sans risque. L’administration et les hauts commis de l’Etat tunisien nous ont habitué à pervertir et étouffer dans l’œuf toute idée ou souffle nouveau.

Aussi la supervision et le suivi de la conception et de la mise en œuvre de la réforme du statut des universitaires sont aussi importants que le contenu même de la réforme de ce statut.

Autrement dit toute réforme du statut doit être accompagnée par celle des organes de gestion des universités et établissements universitaires pour qu’elle soit pertinente et efficiente.

A bon entendeur salut !

Prof.  Moncef Ben Slimane
(Ex SG du Syndicat de l’Enseignement Supérieur)

 

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