Opinions - 28.11.2014

Relever les défis de l'emploi en dix mois …!

Face à l’impatience d’une jeunesse en chômage qui a tellement attendu son tour à un emploi digne à travers lequel s’affirmer, et qui se montre incapable d’attendre encore ; et face à une situation socio-économique pour le  moins délicate sinon difficile, où plaider pour le renforcement du capital humain parait comme une insulte aux entreprises à peine capables de survivre; le défi de l’emploi joint à celui de la formation professionnelle ne s’avère point être une tâche évidente, et les réalisations, même honorables ont du mal à répondre aux attentes.
Devant le paradoxe d’un marché de l’emploi caractérisé par des métiers en tension marquant une pénurie de main d'œuvre, au moment où la Tunisie affiche des taux de chômage des jeunes élevés, il est inconcevable pour tout gouvernement de prétendre pouvoir relever les défis du secteur Emploi/Formation en quelques mois.

Au cours des dix derniers mois, et malgré un taux de croissance ne dépassant pas les 2,5%, une régression importante des investissements aussi bien internes qu’externes, la fermeture de plusieurs entreprises et la réduction du nombre d’employés dans d’autres, le retour inopiné de nombreux tunisiens émigrés de Libye, la réduction des recrutements dans le secteur public, l’augmentation du nombre annuel des abandons scolaires dépassant les 100.000, le nombre annuel de diplômés de l’enseignement supérieur  atteignant 80.000 et de diplômés de la formation professionnelle atteignant 30.000, s’ajoutant à la cohorte des demandeurs d’emploi, le Gouvernement est parvenu en 2014 à œuvrer dans ce contexte difficile, ce qui a contribué à faire régresser le taux de chômage global de 1,3 points.

En effet, les derniers chiffres de l’Institut National de la Statistique, affichent un taux de chômage, et pour la première fois depuis la révolution, de 15,2% comparé à un taux de 16,5% pendant la même période de l’année précédente. Il est à noter que le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a également baissé pendant cette période de 1,8 points pour passer de 33,2% en 2013 à 31,4% en 2014.
Cette évolution mérite d’être enregistrée à l’actif du Gouvernement de Mr Mahdi Jomaa.
Pendant ces dix derniers mois, l’action et le terrain ont été privilégiés. La Formation Professionnelle étant indissociable de l’Emploi, des actions à effet immédiat sur les deux volets du secteur ont été entamées:

1. Le volet Formation Professionnelle

Dans la situation où se trouve le pays, la formation professionnelle se présente comme un pilier pour deux dimensions fragilisées : la dimension économique qui s’appuie sur un modèle de performance et un souci constant de compétitivité des entreprises, et la dimension socio-professionnelle pour la qualification des jeunes demandeurs d’emploi et la consolidation de leur employabilité.

Fort de ces convictions, le MFPE  a établi un plan structurel de réforme du dispositif national de la formation professionnelle, s’étalant sur cinq ans, afin d'en faire un système anticipatif, flexible, réactif et suffisamment ancré dans le milieu professionnel aussi bien régional que national, à même de faire face aux besoins, aux exigences et aux perspectives d’évolution socio-économique du pays. Ce plan vise trois principaux objectifs :

  • L'amélioration de la qualité des formations dispensées afin d'assurer une meilleure adéquation entre compétences et besoins du marché du travail;
  • Le renforcement de l'efficacité du dispositif de la formation professionnelle en lien avec les acteurs économiques;
  • Le renforcement des processus d'accompagnement vers l'emploi.

Le défi majeur en l’occurrence étant de valoriser la formation professionnelle et de lui attribuer sa juste valeur dans le dispositif de développement des ressources humaines, et afin de rehausser l’image de la formation chez les jeunes et d’en faire un choix d’orientation volontaire chez les brillants et non un refuge pour les ratés de l’enseignement, le MFPE, en coordination avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche Scientifique et des Technologies de l’Information et de la Communication, a intégré et pour la première fois, 40 spécialités de la Formation Professionnelle au niveau de Technicien Supérieur, dans le guide d’orientation universitaire de l’année 2014. Des travaux sont également engagés pour la mise en place d’un projet de création d’un baccalauréat professionnel et d’une université des métiers, ainsi qu’un projet de passerelles dans les deux sens entre la formation professionnelle et l’enseignement supérieur est en cours d’élaboration.

Et convaincus qu’un développement régional équitable passe à travers la valorisation des richesses de chaque bassin géographique, afin de diminuer l’écart entre les régions entre elles d'une part et entre l'offre et la demande d'emploi dans une même région d'autre part, le MFPE a, au cours de ces derniers mois, développé une réflexion innovante sur la valorisation de la formation professionnelle selon un découpage par bassins d'emploi, plutôt que par gouvernorat.

Les coûts de mise en œuvre de ce plan structurel de réforme du dispositif national de la formation professionnelle sont estimés à 400 millions de Dinars. Il est à noter que de nombreux bailleurs de Fonds y ont manifesté un grand intérêt et ont exprimé leur désir de contribuer à sa réalisation.

2. Le volet Emploi

Il est communément admis que l'économie nationale se trouve incapable de générer suffisamment d'emplois, à cause principalement de l’essoufflement du modèle de développement adopté depuis des dizaines d'années, basé principalement sur des investissements à faible valeur ajoutée.

Le chômage en Tunisie étant un chômage structurel, les solutions ne peuvent être que de la même nature, sans toutefois exclure des mesures conjoncturelles. Une réforme sur 5 ans est engagée en 2014, et qui consiste notamment à:

  • Favoriser la création d’emplois productifs et décents en vue de diminuer le taux de chômage touchant principalement les catégories les plus vulnérables,
  • Valoriser les potentialités des régions et les initiatives locales en vue de promouvoir l'emploi et le travail indépendant,
  • Promouvoir une économie tirée par l’innovation et la création de la haute valeur ajoutée et le fort contenu de savoir.
    Dans ce sens, il est notamment procédé à :
  • La mise en place d’un programme de formation et d’accompagnement des porteurs d’idées de projets afin de réduire le risque d’échec de leurs projets de presque 80% actuellement à 10% en 2020, et ce en collaboration avec le tissu associatif.
  • La mise en place d’un programme de soutien à la création d’entreprises sociales et solidaires, qui consiste en l’encouragement de jeunes à profils complémentaires à créer en commun des projets conjoints. Ce créneau innovant en Tunisie a fait ses preuves dans d’autres pays, à l’instar de la France où l’économie sociale et solidaire constitue un acteur économique de poids qui représente 10% du PIB et près de 12 % des emplois privés.  Le lancement de ce programme promet de générer, dans quelques années, une nouvelle composante dans l’économie nationale par la création d’une moyenne de 2000 entreprises et de 10.000 emplois par an.
  • Convaincus que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi à un coût modéré, le MFPE a programmé, en collaboration avec la Banque Tunisienne de Solidarité, le financement de 12.000 projets en 2014 en mettant en place un programme national de création de petites entreprises. Ce rythme de financement s’accélèrera pour atteindre un plafond de 15.000 projets/an à partir de 2015, avec la création de 30.000 emplois/an.
  • La mise en place, en collaboration avec le Ministère de l’Economie et des Finances, d’un projet national de redressement des projets en difficulté, afin d’assurer leur survie et de préserver les postes d’emploi, à raison de 2000 projets /an.
  • Le lancement de la mise en œuvre d'une nouvelle politique active de l'emploi à travers deux programmes pilotes « le chèque d’amélioration de l’employabilité » et « le chèque d’appui à l’emploi » assurant la prise en charge du coût de formation complémentaire des demandeurs d’emploi et de 50% des salaires à raison de 350 DT/mois ainsi que des cotisations patronales à la CNSS  durant une année en contre partie des recrutements des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur ou des titulaires de brevet de technicien supérieur des centres de formation professionnelle.

Ce programme diffère de celui du SIVP  dans la mesure où, il ne s’agit pas d’un stage mais d’un recrutement effectif, en vertu des contrats de travail d’au moins 70% des bénéficiaires. Un mécanisme rigoureux de contrôle et de suivi a été mis en place par le MFPE spécialement pour ce programme, afin d’en garantir l’efficacité, dans un cadre conventionnel et transparent avec les entreprises dans l’objectif de combler les lacunes du mécanisme du SIVP, qui demeure en vigueur jusqu’à son remplacement progressif par ce nouveau mécanisme.
Le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur est la principale préoccupation du gouvernement, cependant le modèle de développement actuel basé sur des secteurs économiques à faible valeur ajoutée est incapable de répondre à cette demande croissante des jeunes. Le changement de ce modèle devient inévitable, et c’est dans ce cadre que s’inscrivent les deux chèques sus-indiqués, destinés principalement aux entreprises investissant dans l’économie à haute valeur ajoutée ou à haut contenu de savoir.

La mobilité de la main d’œuvre en vue de l'ouverture sur les marchés extérieurs de l'emploi constitue une autre piste à explorer pour faire face à la pression croissante que connaît le marché du travail tunisien. A cet effet, le MFPE a mis en place plusieurs actions dans ce sens:

  • La mise en œuvre d’un programme de création de bureaux d'emploi tunisiens dans certains pays étrangers où le marché d’emploi offre des opportunités de placement des compétences, à l’instar de la Libye, le canada, le Qatar, l’Arabie Saoudite …etc.
  • La mise en place d’un site web regroupant des offres d'emploi à l'étranger et permettant aux tunisiens désirant travailler à l'étranger de soumettre leurs CV en plusieurs langues.

Dix mois, ce n’est sûrement pas une période suffisante pour relever tous les défis de l’emploi, mais c’est par contre suffisant pour gravir les premières marches vers une meilleure visibilité du secteur pour, au moins, les cinq années à venir.

Le Ministre de la formation professionnelle et de l’emploi estime que grâce à la stabilité politique et sociale, l’amélioration des conditions sécuritaires, le déblocage des grands projets d’infrastructure et l’avancement des réformes déjà entamées par le gouvernement, notamment en matière de finances, de transparence et de bonne gouvernance, la Tunisie connaitra une relance économique effective à partir du deuxième semestre 2015, le temps nécessaire aux investisseurs et aux organismes financiers d’avoir une visibilité claire sur les programmes et les orientations du nouveau gouvernement.

Cette relance économique attendue, conjuguée avec les réformes structurelles déjà engagées par le MFPE pourrait aboutir à la création d’une moyenne entre 90.000 et 100.000 postes d’emploi par an, s’étalant sur les cinq années à venir, dans une grande partie pour les diplômés de l’enseignement supérieur.

Hafedh Lamouri
Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle

Tags : ch   Mahdi Jomaa  
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1 Commentaire
Les Commentaires
CHKOONIK - 04-12-2014 12:14

C'est un exposé éloquent. Il manque cependant de réalisme car le vrai problème de la création d'emploi réside dans les facteurs de la sécurité tout d'abord et de la stabilité sociale ensuite. Il réside, par ailleurs dans la conduite d'une bonne politique qui inclut entre autres paramètres, une fiscalité transparente et incitative et une politique financière notamment de crédit non exclusive. le retour d'une "croissance" forte, donc à fort potentiel de création d'emplois exige qu'on repense la banque et ses méthodes d'intervention devenues désuètes et purement mercantiles que dirigent les actionnaires dont le souci unique est dicté par le gain et non l'intérêt de l'économie. Le paysage bancaire montre que la banque tunisienne est soit publique, donc déficitaire et périclitante, soit étrangère et ses enjeux se jouent en dehors de nos frontières, soit privée et l'intervention est surtout basée sur les garanties pour l'enrichissement sans fin de l'actionnariat. Comment placer la plaidoirie du MFPE, si ce n'est par une refonte du système pour une action plus volontariste de financement, l'instauration d'une meilleure gouvernance des institutions de crédit loin des appartenances, et des droits de naissance mais plutôt basée sur les compétences et les hommes pouvant relever les défis.

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