Success Story - 29.09.2010

Mohamed-Dahmani Fathallah : un biotechnologue tunisien d'Oxford à Harvard

C’est dans le Kairouan de la fin des années 1950 que voit le jour Mohamed-Dahmani Fathallah dans une famille conservatrice mais ouverte où les six filles de la famille font des études, où le père théologien érudit, est féru d’histoire et de généalogie. Il veille sur le respect des traditions séculaires dans cette immense maison familiale en pleine médina, que se transmettent les Fathallah depuis 800 ans.

« Ne sois jamais 2ème ! » avait été l’exigence de son père dès son entrée à l’école. Il ne le sera jamais et ira de succès en succès dans ses études jusqu’au Baccalauréat en 1975. Med-Dahmani part alors en France et plus précisément à Toulouse, à l’Université Paul Sabatier où il enchaînera deux maîtrises en Biologie moléculaire et Immunologie, suivies de deux master, l’un en génétique moléculaire et l’autre en immunologie moléculaire et deux PhD,  s’ouvrant ainsi sur les Universités du Monde, Oxford et Harvard notamment, sans oublier plus tard l’Institut Pasteur.

Ces pérégrinations académiques lui font constater que les Universités anglo-saxonnes modernes sont bâties sur le même modèle que les antiques Beït El Hikma du monde arabo-musulman, cosmopolites et réunissant dans un même lieu, Arts et Sciences, ce qui leur octroie une diversité féconde d’idées et de découvertes.

Une passion sans limite pour la biologie

La biologie aura été le fil conducteur de la vie de Med-Dahmani Fathallah, un vrai sacerdoce. Cet intérêt lui vient tout simplement de sa passion et de sa curiosité pour la vie et sa complexité aussi bien sur le plan anatomique que spirituel. Depuis plus de 25 ans, il consacre ainsi sa vie aux recherches et développement dans les domaines de la biologie [Biologie intégrative, biologie synthétique] et leurs applications au développement de produits biomédicaux.  Vers la fin du millénaire écoulé, il  développe un intérêt pour le transfert technologique en tant qu’entrepreneur puis consultant pour le compte d’entreprises allant des Etats unis et l’Europe  pour s’étendre au pays du Golfe. Il n’oublie pas néanmoins, sur le tard nous confie t-il, d’enrichir sa formation dans le domaine en validant un MBA [biotech business] au Robert Kennedy School of business. C’est ainsi qu’il se forgea l’intime conviction qui deviendra comme il dit mon « drive » 

« Les technologies et particulièrement les TIC et les Biotechnologies sont en train de changer radicalement tous les aspects de notre vie. Le développement et le transfert de ces technologies est un « Must Do » si on veut survivre  la globalisation »

A l’origine c’est à l’Inserm [Institut Français de la Santé et de la Recherche Médicale] puis dans le laboratoire du prix Nobel 1972, Sir Rodney Porter, que Mohamed-Dahmani, tout en travaillant sur les théories de son illustre maître, affûtera ses premières armes de chercheur à l’Université d’Oxford. Mais ce dernier meurt subitement dans un accident de voiture l’année où le jeune tunisien soutient sa thèse de Doctorat en 1984. La mort de ce père spirituel l’affecte profondément. Son passage à Oxford fut aussi marquée par la chance qu’il  a eue de côtoyer d’autres illustres figures scientifiques britanniques du XXème siècle nommément Fred Sanger, Ed Southern et surtout Sir Alec Jeffreys  qui lui transmet en primeur [1984] le nouvel art du  profilage ADN et des empreintes génétiques.

Le rêve Américain s’ouvre a lui [un rêve scientifique nous précisa t-il]  quand l’Université de Harvard  lui offre un poste de chercheur à  la prestigieuse école de médecine au laboratoire du célèbre Fred Rosen. Med-Dahmani saisit cette opportunité et travailla comme un forcené pour se faire sa place au soleil. Il nous confie«  Quand je  pense aux deux premières années, je les qualifie de service militaire scientifique surtout à cause de l’intensité du challenge intellectuel et physique qu’il a fallu relever ».  Si la chance sourit aux audacieux, elle récompense surtout le travail. Après quatre années, il accède grâce à ses réalisations scientifiques au rang d’officier de l’université d’Harvard et se voit confier des fonctions de  scientifique senior au Massachussetts General Hospital, le fer de lance de la recherche biomédicale à l’université d’Harvard, mais surtout  une référence mondiale en la matière...

Une décennie "laborieuse, passionnante et passionnée" à l'Institut Pasteur de Tunis

Nous sommes en 1993. Mohamed-Dahmani évolue à l’étranger depuis une vingtaine d’années. « La vie est faite de cycles, nous dira-t-il ». Les psychologues appellent cela le mitan de la vie, un moment de bilan et réflexion sur soi. Le moment était venu pour lui de rentrer au bercail. Il rejoint alors  l’Institut Pasteur de Tunis pour fonder un groupe de Recherche & Développent  en Génétique et Biotechnologie  Moléculaire. La décennie qu’il passa a l’institut Pasteur fut  laborieuse, passionnante et passionnée mais surtout prolifique.

Le groupe  de recherche qu’il a fondé enchaina les succès qui se matérialise sous forme de plusieurs découvertes majeures et notamment  le développement de produits innovants et de procédures nouvelles dans le domaine de la santé et les soins par les biotechnologies, ce qui lui vaut plusieurs distinctions internationales et plusieurs brevets d’invention Mais pour lui sa fierté, il la doit au fait que son groupe fut le premier à initier le profilage génétique et son application à la détermination de la paternité en Afrique et dans le monde arabe et surtout au fait que la Tunisie a été le premier pays dans ces régions à assimiler la dimension sociale de cette technologie, à la  promouvoir  et à l’intégrer  dans sa législation par des textes de lois d’avant-garde. A ce propos il déclare :

J’ai eu la chance de faire partie de l’Institut à un moment ou le dynamisme était à son paroxysme et les ressources humaines et matérielles allouées par l’Etat  à l’Institut étaient excellentes  voir «  Outstanding »
Il travailla aussi à financer plusieurs de ses programmes de recherches par des organismes internationaux, américains et européens grâce au réseau qu’il s’est constitué.

Mais la réussite qu’il considère personnellement comme la plus importante, c’est d’avoir  pu partager ses valeurs et sa conception de la recherche & développement en biotechnologie moderne avec plusieurs jeunes chercheurs qu’il a accompagnés dans leurs thèses de doctorat [10] et masters [20] et de projets de fin d’études d’ingénieurs biotechnologues.

« Ces jeunes gens font partie de ma vie, c’est ma famille étendue, J’ai veillé autant que j’ai pu à ce qu’ils bénéficient de formations postdoctorale aux Etats Unis,  si  pour la plupart d’entre eux,  ils  ont été brillants certains ont dépassé mes prévisions les plus optimistes. Rien que pour cela,  si  tout était à refaire je referai de même ».

 Il donnera ainsi dix ans de sa vie à la recherche en Tunisie, dix années où, lui qui a quitté si tôt la terre de ses ancêtres, aura eu la chance de se retrouver  à côté de ses proches, dont les plus chers, ses deux parents, Hadj Othman et Mama Jnaina, auront disparu au début du nouveau millénaire.

Quand on est tourné vers le futur, le ciel  est la seule limite, et le voilà reparti pour une nouvelle étape de la vie, une nouvelle aventure marquée par le nouveau challenge qu’il s’est fixé : Le transfert de technologie. Cette aventure le mènera Jeddah et Riyadh en Arabie Saoudite et aussi aux quatre coins du monde. Là, il contribue à fonder et à diriger le premier groupe arabe privé de biotechnologie médicale, un méga projet de plus d’une centaine de millions de dollars. Ce fut l’occasion pour lui de se distinguer comme un fin stratège et de pratiquer un transfert de technologie de haut niveau entre les Etats Unis et les pays du Golfe, de développer ainsi des «  Joint Venture industrielles, des start-up, un fonds d’investissement spécialisé dans les biotechnologies, des parcs  scientifiques et incubateurs d’entreprises »  ainsi que tout les outils du transfert de technologie dans divers domaines des biotechnologies. A ce sujet, il nous dit :

C’est très fascinant de développer des stratégies de transfert de technologies et de les implémenter. On opère à la croisée des sphères scientifique, économique, juridique et politique.  On se sent plus utile et on contribue d’autant plus  effectivement  quand on fait du transfert de technologie  à partir de  sources académique et surtout quand on reste près  des universités et de les conseiller comment intégrer le transfert de technologies dans leur  stratégies globales.

C’est certainement pour cette raison qu’il continue à enseigner en tant que professeur  à l’Université du Roi Saoud et celle du roi Abdelaziz,  et comme professeur honoraire à l’université de Karachi au Pakistan et celle de Sour à Oman. Pour continuer ses activités, Il a chisi comme point d'ancrage, Manama au Royaume de  Bahreïn où il poursuit ses activités d’enseignement [Université du Golfe], de recherche et de transfert technologique dans le domaine des biotechnologies.

Un vrai citoyen du monde

Au cours de cette vie riche et passionnante, Med-Dahmani Fathallah n’oubliera jamais l’érudition de ses ancêtres, continuant à lire énormément, se passionnant pour la littérature et particulièrement pour Jabrane Khalil Jabrane, cet autre Arabe qui aura vécu comme lui à Boston.  Pour se détendre, il joue  toujours au golf [Un super exercice d’introversion et  un moyen efficace de lutter contre le soi négatif  commenta t-il]. Comme musique, il écoute Sarah Brightman et Faiza Ahmed [c’est une vraie lady, c’est la première artiste « performer » à chanter du Nizar Qabani nous dit-il]  du Jazz [surtout Miles Davis et Stan Getz]  et de l’opéra  [les grands classiques]. Il écrit aussi beaucoup. Il avouera que d’avoir la chance d’intégrer des universités aussi prestigieuses qu’Oxford et Harvard ouvre des horizons insoupçonnables.

On ne se rend pas assez compte de l’aubaine que représente le fait de pouvoir accéder et échanger librement en dehors de toutes contraintes, avec une diversité de personnes extraordinaires, en bref  de devenir un vrai citoyen du monde.  Il ajoute :

« L’avenir du monde  s’ébauche dans les « Think tank », On espère que  la sagesse du politique fera bien le reste »

Un jour, probablement à la retraite si dieu le veut,  Med-Dahmani partagera avec les autres, les détails et autres anecdotes de son vécu, ses réflexions personnelles. Ses écrits,  il les garde encore pour lui.

Je ne suis pas un écrivain, comme la plupart de nous tous, mais la vie de chacun est un  vrai trésor qu’on ne peut partager  avec les autres qu’a travers l’écriture »

Un regret ? « Je me suis retourné un jour et j’ai vu que mes enfants étaient devenus grands, je ne les ai pas vus grandir ». Omar, qui entame au Canada des études de mathématiques financières et Aïcha qui passera son Bac cette année et se passionne déjà pour la para-pharmacie, ne lui en tiennent pas rigueur. Maman était là, sacrifiant en partie sa carrière de psychologue. D’ailleurs, ils sont si fiers de leur papa … Nous aussi …

Anissa Ben Hassine
 

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19 Commentaires
Les Commentaires
A.S. - 30-09-2010 01:08

Que dire,sinon respect,chapeau bas... Quel itineraire! Quelle vie! Rien ne vaut l'exemple pour tirer une société vers le haut; celui de Monsieur Fathallah doit-être porté à la connaissance de tous, surtout à celle de notre jeunesse,parmi laquelle "couvent" sans doute de futurs prix Nobel! Pour peu que l'on glorifie la connaissance,la science... Votre site contribue à le faire:merci,vous avez vraiment tout compris!!

braiki ahmed - 30-09-2010 11:19

Bravo MR Mohamed et bonne continuation,j'espère qu'on verra un de ces jours un tunisien lauréat du Nobel vu la diversité des recherches et le nombre de nos savants dans les plus prestigieux centres de recherche du monde entier ce serais une juste récompense pour vous tous. Merci leaders de nous présentait de temps un temps un de nos imminents savants et comme on dit en arabe (?????? ????? ??????),et je vous demande de grâce à quand un livre sur nos savants éparpillés aux quatre coin du monde

Monia Braham - 30-09-2010 13:08

Moi, j'ai tant rêvé de poursuivre mes études à Oxford sur les biotechnologies et le développement durable. Mon ambition était d'être la première dame de la région arabe qui accède à la CBD en tant secretaire exécutive. Votre parcours d'Oxford à Harvard n'était pas facile, certes. Le mien de Tunis à Montréal, n'est pas facile également mais il sera ICA possible.

Hamdi - 30-09-2010 13:19

Bravo Monsieur Fathallah, vous etes un exemple type pour tout les jeunes ambitieux d'un avenir plein de succes et de sacrifices. Merci Leaders de nous faire connaitre ces succes story, on ne peut que etre fier voir meme tres fier.

Naima Remadi Nour - 30-09-2010 13:39

Professor Mohamed Dahmani Fathallah, nous sommes si fiers nous aussi; la Communaute Tunisienne aux USA, le Staff du Centre Tunisien de Culture et Information de New York de vos realisations et de votre succes. Nous serions honores de Votre Visite dans Notre Maison Tunisienne aux USA lors d'une visite a New York. Bienvenue et encore nos complimets les plus sinceres.

Makram Essafi - 30-09-2010 13:40

Merci Patron pour te ce que vous avez fait pour moi votre fidèl étudiant Makram Makram Essafi, PhD, Biologiste àl'Institut Pasteur de Tunis grâce à Monsiieur M.D.Fathallah

hela - 30-09-2010 16:21

Je ne connaissais pas Mohamed Dahmani Fathallah. Mais suite à la lecture de cet article, je ma sens vraiment fier de lui. Il donne l'exemple pour nous, les jeunes de la Tunisie et du monde musulman qu'on peut laisser nos empreintes dans la vie. It is a very good success story

Kaouther Ajroud - 30-09-2010 18:45

Je suis très fière d’être l'un des chercheurs encadres, soutenus et surtout encourages par le Professeur Dahmani Fathallah. Son esprit innovant et son souci de l’excellence nous a propulse vers les meilleures plateformes scientifiques mondiales. Grace à des citoyens du monde comme lui, la recherche scientifique continuera avec les nouvelles générations. merci Si Dahmani

NABLI ZOHRA - 01-10-2010 20:30

Mes hommages Monsieur ! Un parcours digne de tous les éloges, Que la vraie Tunisie brille à travers ses talents et compétences !!!

TALBI Seifeddin - 01-10-2010 23:31

Vraiment Mille Merci de m'avoir donné la chance de connaître un si grand Homme. A la fin de l'article j'étais presque aux larmes, surtout que je serais Inchallah ingénieur dans un mois, alors le parcours de cet imminent savant et grand homme m'inspire beaucoup, et doit nous inspirer tous. "Allah yitawel fi 3omrou", et que tous les jeunes scientifiques tunisiens tiennent la même route pour le bien de notre généreuse Tunisie.

charfeddine sarra @soussi abderraouf - 02-10-2010 00:52

Congratulation, félicitation, c'est vraiment un honneur d'avoir un oncle comme Mr docteur DAHMANI.

faouzi fakhet - 02-10-2010 06:04

Bonjour. J'ai lu cet article et je suis très content de voir un tunisien, qui grace à son travail et à son énergie, a grimpé dans l'échelle de la connaissance et du savoir. Bravo et bon travail. La biotechnologie c'est l'avenir. Je me permettrai de vous envoyer un mail plus tard pour mieux m'ex^rimer.

Abdelhamid Kilani - 01-11-2010 22:50

Kairouan et Toulouse sont bien fiers de toi , ainsi que les membres de la famille Kilani qui ont de vraies racines dans les deux belles villes de la Tunisie et de la France

Alain Gilles Devilliers - 16-11-2010 12:31

Je viens d'etre dirige sur Leaders que je ne connaissais pas et je suis ravi de renouer avec la Tunisie que je porte dans le coeur depuis ma tendre enfance.Je voudrais apporter un temoignage et rendre hommage a ce grand monsieur que vous avez bien fait de presenter au public. J'ai eu l'occassion de le rencontrer et de travailler avec lui.i. C'est un homme plus que brillant, il est exceptionel par son intelligence, sa culture, sa ferveur au travail et aussi par ses grandes qualites humaines. Tres peu de gens connaissent le grand travail caritatif qu'il fait. Merci Leaders de s'intresser a cette categorie de personne somme toute assez rare.

Imen RABHI - 04-12-2010 11:05

Merci Madame Anissa Ben Hassine pour cet article qui relate bien l'acheminement scientifique du Pr Dahmani FATHALLAH. Moi même étant une des ses étdudiante en thèse, j'affirme qu'on a tous beaucoup appris à ses côtés. C'est certainement un pionnier de la Biotehcnologie en Tunisie. disons que nous avons été contaminé par le virus de la recherche dévellopement!! merci encore Si Dahmani

khaled zerria - 08-12-2010 15:32

khaled Zerria, Ph.D. J'ai eu de la chance d'être encadrer par Mr M.D. Fathallh, j'en été et j'en serais toujours fier. Ex chercheur.

cherif amel - 17-12-2010 18:01

Bravo Pr Mohamed dahmani FATHALLAH et bonne continuation. Merci Leaders de nous faire connaitre ces succes story. L'or de votre parcoure en Tunisie j'ai eu la chance de vous connaitre comme professeur à la faculté de pharrmacie de Monastir et aprés comme encadreur, j'en été et je serait toujours fier de vous.

FATHALLAH AICHA - 11-08-2012 13:53

Mohammed Dahmani Fathallah n'est pas seulement un excellent biotechnologue mais aussi LE meilleure père qui puisse exister. Nous(Omar et moi) sommes si fière de toi papa !Tu as toujours été présent dans nos études et c'est pour ça qu'on a pu réussir! On t'aime énormément !!! Tu es notre fierté, Bravo papa !

mouna - 12-06-2014 16:16

SVP je veux contacter MR mohamed comment ? merci

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