Lu pour vous - 16.04.2014

Hédi Bouraoui et les valeurs humanistes

Ce livre présente les Actes d’un Colloque International qui s’est tenu du 23-26 mai 2013 à Lectoure, Gers, France. C’est dans cette ville qu’Hédi Bouraoui a fait ses études secondaires, obtenant ses deux parties du Baccalauréat. L’initiative revient à Pierre Léoutre, Président de « Dialoguer en poésie », avec l’appui logistique de la Mairie de Lectoure et du Lycée Maréchal Lannes, où Hédi a fait ses études. Frédéric-Gaël Theuriau, universitaire de Tours, s’est chargé de rassembler les textes, et de leur mise en forme.

Ce livre contient une dizaine de textes des différents intervenants du Colloque, Ces auteurs proviennent de différents pays : la France, le Canada, l’Algérie, le Maroc, la Macédoine, l’Italie…, ce qui montre la portée intellectuelle de l’œuvre bouraouïenne.   

Dans une excellente introduction au livre, Frédéric-Gaël Theuriau fait remonter l’humanisme à la  période  pharaonique : « Au XXVe siècle avant notre ère, existait un texte connu sous le nom d’Enseignement de Ptahhotep  » (17-18). Sans oublier le fondement de la civilisation occidentale gréco-romaine. C’est sur ce fonds qu’il nous décrit l’apport de notre écrivain et il a mis ce paragraphe / résumé en quatrième de couverture :
    L’Humanisme bouraouïen passe avant tout par une acceptation totale de
    la différence et une lutte contre l’inacceptable, l’intolérance, l’injustice,
    l’exploitation. Hédi Bouraoui adopte une démarche humaniste ancestrale
    qui consiste à véhiculer des vertus telles que l’éthique, la dignité,
    l’esprit d’analyse et de critique, la précision, la ténacité, l’honnêteté,
    l’humilité, la compassion. Il diffuse dans son œuvre des valeurs
    pacifistes dont le point de départ se fonde sur l’échange dialogique.
    L’Italienne Angela Buono compare la poésie d’Hédi Bouraoui à celle de la Québécoise Cécile Clouter.

Plusieurs textes poétiques, et plus particulièrement l’essai fondateur, Transpoétique : Éloge du Nomadisme sont évoqués pour l’humanisme qui se dégage dans la notion du Transculturel et dans la « Transcréation critique. » À travers l’écriture le poète éclaire, souvent d’une manière métaphorique, les rapports de soi à l’autre.

La  poétesse Monique W. Labidoire souligne le thème de l’errance pour « Un Poète sans domicile fixe. » La nomaditude est ici traitée dans une vision dynamique de l’écriture du monde, en un mot de la vie. Identité et différence sont posées dans la quadrature de l’Émigressence. Ingénieusement Monique Labidoire traite de la mouvance et de la fixité dans la « pulpe des mots » (Nomadaime 20).

Marie-Andrée Ricau-Hernandez intitule son essai « Méditerranée. D’un rivage à l’autre, des cultures antiques à celles du IIIe millénaire, vent en poupe et voiles déployées, à la recherche de la petite île fortunée. » En effet, la Méditerranée est un centre de préoccupation majeure pour notre auteur, car cette Mer est le berceau des civilisations occidentale et moyen-orientale ?  Ce qui permet à Hédi Bouraoui de traiter de tout le pourtour méditerranéen du sud au nord, de l’est à l’ouest.

Dans « Poétique d’un vocabulaire et d’un langage spécifiques, » Frédéric-Gaël Theuriau traite de l’orientation populaire de Sfaxitude et d’Illuminations autistes : Pensées-éclairs, ce qui montre clairement que le poète n’oublie jamais son origine, ni sa ville natale, pour laquelle il ressent un attachement viscéral et en toute objectivité. Avec Illuminations autistes il remonte à une forme de langage - autre, aux émotions intérieures, et aux troubles de la communication. La poésie se fait alors « expression sociale » (102).

Samira Étouil, de l’Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc, traite du rapport entre le corps et l’écriture, plus particulièrement dans Livr’errance. La « cadence des cœurs » est une reconnaissance du passage des mots, comme dans ces vers cités : « Dans les poumons du mot/ Féminin   le souffle/ Fulgure sa foi et sa prestance// Prémonitoire quotidien/ Qu’un astre de paix/ Martèle en cœurs reconnaissants » (115). Elle traite enfin cette triade-clé chez Bouraoui, « Corps-texte, Auteur et Lecteur » avec tous les liens humanistes qu’ils peuvent engendrer.

L’Algérien Boussad Berrichi signale que « l’écriture bouraouïenne » manifeste souvent « un humanisme poétique » tel qu’il se dégage entre une Laotienne et un Maghrébin dans La Réfugiée. Humanisme infatigable qui attire pour l’écriture plurielle qu’il déploie et surtout lorsqu’il rend à chaque culture traitée sa propre originalité.

Elizabeth Sabiston se concentre surtout sur un recueil bilingue français-italien intitulé En amont de l’Intuition. Le rapport dialectique imagination-intuition est analysé d’une manière subtile et perspicace. La distinction de ces deux notions opératoires lui permet de dégager les rapports de Bouraoui au mouvement intuitiste, et de le faire « nager à contre-courant. » Elle souligne plus particulièrement les deux poèmes-clefs du recueil, « Intuitire » et « Barbarituitif ». Ces deux termes ne sont pas des jeux de mots, mais des « mots-concepts, » comme le dit si bien l’auteur, puisqu’il forge, pour l’un, une nouvelle notion, et pour l’autre, l’ancrage à la figue de Barbarie, écho de son enfance. Ainsi, l’humanisme, dans ce cas, traverse un espace-temps autre.

Irina Babamova, de Macédoine, traite de deux livres important, Struga, suivi de Margelle d’un Festival, et un Hommage à Prlicev. Dans Struga Bouraoui esquisse le portrait d’une cinquantaine de poètes rencontrés dans un festival de poésie dans cette ville. Ici, l’humanisme bouraouïen prend les couleurs d’un transculturalisme mondial, avec ses forces et ses faiblesses.

Éric Jacobée traite de deux notions essentielles pour Bouraoui : « écriture du désert et écriture de l’interstice. »  Il analyse le déploiement pluriel des émotions qui restent parfois inachevées, et parfois bordées par une limite.

Des correspondances de valeurs s’ébauchent ainsi, comme le dit si bien Hédi Bouraoui : « Rose surgie de terre/ et Bourse nourricière/ revenant à la terre trouvent/ à leur insu/ des liens de parenté/ Ainsi naissent/ dans le mystère des choses/ le murmure de la chair » (185-6).

Rachid Aous fait le compte rende de Paris Berbère, et montre à quel point Hédi Bouraoui est préoccupé par  tout le Maghreb, ses références historiques, culturelles, et ses aléas de l’actuel.

Le livre se termine par une conclusion, « Culture globale et valeurs humanistes », de Pierre Léoutre et Marie-Andrée Ricau-Hernandez. Enfin, deux articles parus dans la Dépêche du Midi du 18 mai 2013. Un livre à lire et à méditer !

Signalons que Frédéric-Gaël Theuriau a eu la bonne idée d’inclure quelques extraits de Vers et l’Envers publié en 1982. Ces fragments poétiques montrent à quel point la poésie de Bouraoui est loin d’être « hermétique » comme on l’a parfois cataloguée. Mais elle est souvent axée sur les  problèmes sociaux-culturels  de notre temps. Citons  cette pensée-clé de voûte  de la vision bouraouienne :
LA CULTURE EST LE CHEMIN DE LA TOLÉRENCE
ET L’IGNORANCE NE PEUT ÊTRE QUE SOURCE DE VIOLENCE.
Un livre à lire et à méditer.
Samy Ben Ghorbel

N.B. Ce livre a été publié en France : Contacter Les Editions BOD: www.bod.fr
Et au Canada aux CMC Editions : cmc@yorku.ca

Textes réunis sous la direction de Frédéric-Gaël Theuriau. Toronto : CMC Éditions, Collection « Mosaïque », 2014. 237 pp.


 

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