News - 03.10.2012

Yadh Ben Achour taxe Ennahdha d'«incompétence»

Yadh Ben Achour est connu pour sa placidité et son sens de la nuance. Il l’a prouvé notamment pendant la période où il avait eu à présider la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution. Mais les erreurs accumulés par le nouveau régime l'ont fait sortir de ses gonds. Après son interview à La Presse où il brossait un tableau sombre mais réaliste de la situation dans le pays, il récidive dans un entretien au quotidien français, "La Croix". Le gouvernement provisoire s'y voit attribuer un « zéro de conduite », alors que le principal parti de la coalition au pouvoir, Ennahdha, est taxé d’ «incompétence ».

M. Ben Achour estime que « l’incompétence du premier parti au pouvoir dépasse l’entendement », mettant en doute la capacité de ce parti de recomposer le paysage politique par la formation d’un « gouvernement d’union nationale basé sur le consensus » à l’échéance du 23 octobre. A cette date, en effet, souligne-t-il, « l’ANC et les autorités qui en découlent auront perdu toute crédibilité politique ». Il reproche également à Ennahdha d’entretenir « des relations dangereuses avec les salafistes ».

Pour n’avoir fait bouger aucun des grands dossiers prioritaires du pays, « le gouvernement mérite un zéro de conduite », déclare encore le juriste. Au lieu de cela, regrette-t-il, « Ennahda agite inutilement la société avec des thèmes archaïques. Avec les extrémistes salafistes, il joue avec le feu. Il ne se passe pas de semaine sans événement qui secoue la société. La manifestation devant l’ambassade américaine le 14 septembre s’est déroulée avec la complicité des forces de police ».

A la question de savoir s’il attribue lui aussi à Ennahdha la pratique du double langage, Iyadh Ben Achour ne va pas dans la nuance : « Cela ne fait aucun doute ! Le parti est tiraillé entre ses différents courants réformistes, salafistes et centristes (…) Rached Ghannouchi, le chef historique, fait la « synthèse » en chantre du double discours » selon que l’interlocuteur est occidental ou local, tranche-t-il.

« Nous vivons une période de turbulences susceptible de mal tourner. Les salafistes, petite minorité très agissante, gagnent du terrain avec la complicité d’une partie d’Ennahda au moins. On ne peut écarter le risque que le pays sombre vers une violence généralisée », déclare encore le nouveau représentant de la Tunisie au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui se dit toutefois « confiant dans la capacité des Tunisiens à affronter leurs contradictions et à les régler par le pluralisme et la démocratie ».

Iyadh Ben Achour déplore par ailleurs que l’ANC se soit « arrogé le pouvoir législatif au lieu de se consacrer à la rédaction d’une nouvelle Constitution et perd ainsi beaucoup de temps », reprochant au gouvernement d’ « entretenir le flou » concernant le calendrier des échéances à venir et de ne prendre aucune décision au sujet de l’instance indépendante pour les élections et la loi électorale.

« Vu le retard accumulé, des élections ne pourront pas se tenir, au mieux, avant fin 2013 », estime-t-il.

 

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