Opinions - 27.05.2012

Jouini: Le G8 et le partenariat de Deauville, un an après, qu'en est-il exactement ?

Que n’a-t-on pas dit sur le G8 et sur le partenariat de Deauville. Un an après, qu’en est-il exactement ?

Tout d’abord, il faut rappeler que le G8 n’est pas une instance de financement mais une instance de concertation et de leadership. La Tunisie n’a donc pas été à Deauville pour signer des contrats de prêts, comme certains se sont évertués à le répéter allant jusqu’à parler d’aliénation des générations futures, de vente du pays… Elle a été présenter sa vision d’un développement économique possible et a obtenu, sur la base de la crédibilité de cette vision, la mobilisation de la communauté internationale en vue d’un possible soutien économique et financier. Ce que les pays et les instances présentes ou représentées ont donc affirmé, c’était leur disponibilité à mobiliser des moyens et à entrer dans des concertations bilatérales ou multi-latérales pour définir les besoins et les modalités de financements éventuels. Le tour de force consistait à obtenir ce que l’on appelle en termes financiers, une option. C’est à dire un engagement mobilisable à la demande. 

Mais quelles sont ces instances du partenariat de Deauville?Que n’a-t-on pas dit, en agitant le chiffon rouge de l’assujettissement à l’Occident? Outre les pays du G8 (FMI, USA, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et Russie) et les invités permanents du G8 (FMI, Banque Mondiale et Union Européenne), les participants au partenariat de Deauville sont : l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, le Qatar, la Turquie, la Banque Africaine Développement, le Fonds Arabe pour le Développement Economique et Social, le Fonds Monétaire Arabe, la BERD, la BEI, la Banque Islamique de Développement, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. Est-ce là l’Occident ? N’y a-t-il pas eu de la part de ceux qui poussaient des cris d’orfraie, tentative de manipulation de l’opinion ?
 
Ainsi, c’est dans ce cadre que le Qatar a annoncé en avril dernier le prêt d’un milliard de dollars à la Tunisie, que la BERD a annoncé la mobilisation de 5 milliards d’Euros à partir de 2013 pour le soutien à l’économie tunisienne ou que la BAD et la Banque Mondiale ont annoncé des financements à hauteur de 500 millions de dollars chacune. C’est dans ce cadre aussi que les Emirats ont fait un don de 200 millions de dollars annoncé au début de ce mois ou que l’UE a annoncé 110 millions d’euros de dons. C’est dans ce cadre enfin que la BID a annoncé des financements pour 50 et 75 millions de dinars ou que le FADES a annoncé des financements à hauteur de 285 millions de dinars en mars dernier. 
 
On se souviendra que les partisans du Président Marzouki étaient à l’avant-garde de la contestation quant à la participation de la Tunisie au G8 accusant le gouvernement de transition de tous les crimes, le plus grave d’entre eux étant de vendre la Tunisie. Et cela aurait effectivement été d’une gravité extrême si cela avait été vrai !
 
On constate aujourd’hui que c’est sous la présidence de Monsieur Marzouki que les prêts sont en train de se concrétiser et de se signer ! Il faut croire que ce ne sont pas de si mauvais financements que cela ! On a reproché au gouvernement de transition d’avoir endetté la Tunisie à Deauville alors qu’il n’a fait que mobiliser pour que d’autres puissent, s’ils le souhaitent, profiter de cette mobilisation. Ces autres qui hurlaient hier, qui nous endettent aujourd’hui en profitant de la crédibilité construite par le gouvernement de transition! Ainsi, lorsque le gouvernement actuel communique sur les financements obtenus comme autant de victoires, il ne peut en fait même pas se prévaloir de les avoir mobilisés. Tous ces financements résultent des engagements pris par les pays et instances du partenariat de Deauville !
 
En revanche ce que le gouvernement actuel a réussi sans conteste à faire c’est à casser la crédibilité que le gouvernement de transition avait réussi à construire. Alors que, même lorsque l’incertitude était maximale, en janvier 2011, la Tunisie n’avait pas perdu son investissement grade, le gouvernement actuel a réussi à nous faire passer en speculative grade et le verdict est sans appel «le gouvernement de transition, en place depuis décembre 2011, n'est pas en mesure de redresser suffisamment l'économie».
 
Alors oui, on peut choisir la voie de l’incantation, comme certains conseillers du Président, invoquant en vrac la contre-révolution, l’occident honni, l’incompétence des agences, la suspension du service de la dette… Mais cela n’empêche pas que c’est sur la base de ces notations que les investisseurs (et pas seulement les prêteurs) prennent leurs décisions ! Quant à suspendre la dette, comment peut-on raisonnablement proférer de telles énormités lorsque l’on fait partie d’une coalition qui a continué à signer des contrats de financements à tour de bras.
 
Que les choses soient claires. Je pense que les financements obtenus sont utiles et que notre économie peut, si elle est bien pilotée, en profiter utilement, c’est à dire générer à la fois du bien-être et des résultats permettant de rembourser ces dettes de manière indolore. Ce que je pointe du doigt en revanche, ce sont tous ceux qui criaient à l’endettement lorsque le gouvernement de transition construisait la crédibilité, s’appuient sur cette crédibilité et les promesses qu’elle a engendrées pour s’endetter et enfin détruisent cette crédibilité par leur manque de vision ! Il est plus que temps de mettre fin à l’amateurisme et à l’inaction !
 
Elyès Jouini