L'emploi : une urgence absolue
Les grèves générales se multiplient dans les régions laissées pour compte du pays. Des villes entières se mettent en grève, fermant les écoles et les administrations. Les sit-in demandant le départ des gouverneurs sont de plus en plus nombreux et tournent à la violence. Des personnes déclarent la grève de la faim. Certains autres tentent de s'mmoler par le feu. C’est un spectacle désolant et déprimant que l’on voit se dérouler tous les jours dans les quatre coins du pays.
A cet égard deux points fondamentaux devraient être soulignés. D’abord, les jeunes et les moins jeunes qui manifestent et demandent de l’emploi pour subsister ne font que réclamer un droit essentiel de l’homme. Ils sont venus à ce monde pour vivre décemment à la sueur de leur front et nourrir, éduquer et soigner leurs familles. Ce n’est pas de leur faute que, pendant plus de cinquante ans de dictature, ils se trouvent sur le carreau sans travail, sans dignité, sans espoir. C’est de la faute de ceux qui ont accédé au pouvoir, assis dans leurs fauteuils, rassasiés par la propagande officielle et qui laissent des masses entières et des régions entières dans le dénuement.
Ensuite, il faut que les dirigeants actuels, avec leurs bonnes intentions, se rendent compte que le chômage a un coût alternatif. Il coûte cher au pays. Ces masses sans emploi sont une énergie qui s’évapore dans le vide alors qu’employées, elles auraient crée des richesses, de la valeur ajoutée, des points de plus dans le taux de croissance du PIB. Chaque jour qui passe, avec des centaines de milliers de jeunes au chômage, des richesses potentielles sont perdues pour le pays. Plus ils restent en chômage, plus leurs aptitudes à travailler s’émoussent et leurs désespérances s’amplifient. Il est urgent, très urgent de mettre fin à ce gaspillage inouï d’énergie créatrice de richesses.
Que faut-il faire ?
D’abord, nos élus à l’Assemblée constituante devraient montrer plus de sérieux et adopter la nouvelle loi de finances rectificative. Ils devraient réaliser que le peuple qui les a élus ne peut plus attendre. Ils ont été élus pour doter le pays d’une constitution et non retarder, par des discussions sans fin, l’approbation d’un instrument de politique économique aussi important que le budget de l’Etat. Le Président de l’Assemblée devrait tenir une séance marathonienne de 24 ou 36 heures pour faire approuver, sans plus attendre, le budget rectificatif.
Ensuite, le Chef du gouvernement devrait créer, rattachée au Premier ministère, une Direction générale des grands travaux qui mettra en œuvre le plus rapidement possible les grands chantiers d’investissement pour éviter les rouages gangrenés des ministères et leurs longues procédures. Une telle direction existe dans un nombre de pays, En Afrique, l’exemple patent est celui de la Côte d’Ivoire qui réalise, un an à peine après une terrible guerre interne, un taux de croissance de 8%. La réalisation rapide des grands chantiers met en œuvre des effets multiplucateurs de revenus et de croissance, surtout dans les régions déshéritées.
Un des chantiers le plus facile à lancer est celui du développement rural. Des études qui remontent aux années soixante existent. Des consultations régionales viennent d’être lancées par le Ministère du Plan. Avec un coefficient capitalistique faible, on peut lancer des travaux de pistes rurales, de recherche de points d’eau potable, de d’irrigation, de reboisement, de mise en valeur. L’Inde garantit un minimum d’emploi par an à tout demandeur d’emploi dans les zones rurales. Pourquoi notre pays ne lance-t-il pas un tel programme immédiatement dans une région comme Gafsa pour permettre au seul bassin minier du pays de fonctionner et fournir des recettes fiscales et des devises au pays ? Utilisons les montants affectés au développement régional d’abord à Gafsa pour permettre à la Compagnie des phosphates et au Groupe chimique de respirer. Si c’est une question de financement, on pourrait accepter un déficit budgétaire plus important que prévu pour une année ou deux. L’essentiel c’est que les équilibres globaux soient restaurés dans le moyen terme. Et puis, on peut demander aux sources de financement tels que la Banque islamique ou le Fonds arabe de développement le soutien d’un tel programme générateur de revenus et d’activités dans les régions intérieures du pays.
Il est grand temps d’oser.
Dr Moncef Guen