Opinions - 02.05.2012

On n'accepte pas les autistes dans nos écoles !

Cette phrase retentit dans mon esprit de la même façon que celle disant  «  on n’accepte pas les Arabes » ou celle non moins ségrégationniste « on n’accepte pas les nègres »…Que de  discrimination  fondée sur l’égoïsme,  l’intolérance et l’inconscience.

  Certes un enfant autiste est un enfant à besoins spécifiques du moment qu’il peut avoir des troubles de communication « absence de langage ou langage réduit » et/ou de comportement « stéréotypé, automutilation »…

Mais chaque enfant autiste est un cas à part. Il a ses difficultés mais aussi plusieurs qualités : très bonne mémoire, beaucoup de précision, un don pour le calcul, l’informatique, la musique… Bien que le nombre des autistes soit en croissance (un sur 150),  ils restent une minorité dans la société. S’ils étaient une majorité, c’est le reste des humains qui seraient considérés comme handicapés.

Bref, ce sont des êtres doués d’une intelligence telle qu’ils perçoivent le monde d’une manière différente, chose qui les pousse à se comporter différemment. Et ils sont très corrects dans ce qu’ils sont : pas de faux-semblants , pas de mensonge, pas d’hypocrisie…
Et qui sait, peut-être que, dans ce bas monde, être autiste c’est mieux que de ne pas l'être…

Néanmoins, le plus important est que dans la majorité des cas, une prise en charge précoce et intensive d’un enfant autiste lui permet de s’améliorer même dans les domaines où il a le plus de difficultés c'est-à-dire la socialisation et la communication. Pour cela et mis à part les séances d’orthophonie, d’ergothérapie ou de psychomotricité, il faut les introduire dans des milieux communs aux enfants « normaux » pour les faire sortir de leurs bulles : les mettre dans des situations (un jeu par exemple) où ils seront conduits à faire des demandes, leur inculquer les règles du groupe : obéir aux consignes de groupe, attendre son tour, attendre la récréation pour prendre son goûter…

En effet, les jardins d’enfants et les écoles sont les meilleurs endroits où un enfant peut s'épanouir.
Sauf que, malheureusement en essayant d’introduire son enfant « pas comme les autres » dans une école, on se trouve confronté à plusieurs problèmes :
 Si on opte pour l’école de base étatique, on devrait depuis le mois de juin déposer un dossier auprès de la direction régionale de l’éducation, attendre la fixation d’un rendez-vous pour que l’enfant passe ensuite un entretien devant un jury composé  de professionnels de la santé publique afin de juger de son aptitude à suivre des études en classe d’intégration …Le peu d’agitation qu’il peut montrer ce jour-là pourrait le condamner à l’analphabétisme.

S’il parvient à montrer qu’il est stable, autonome et lucide, on l’affecte dans une école à faible effectif. Dans ce cadre, l’enfant à problèmes est parachuté tel un extraterrestre sans aucune assistance dans la vie scolaire. En effet, à l’école étatique, on interdit l’accompagnement des enfants en classe : l’argument-massue « C’EST LE REGLEMENT : pas de personnes étrangères en classe» et c’est à l’instituteur, à qui on a réduit de 5 l’effectif des écoliers de s’occuper de cet handicapé. «  Il est payé pour », vous dira-t-on, en oubliant toutefois de vous dire qu’il n’est pas formé pour ! Et dans la majorité des cas, un enfant ayant un bon potentiel de développement est ainsi conduit tout droit vers l’échec. En effet, l’assistant à la vie scolaire, que l’on exclut des écoles étatiques, a un rôle primordial dans la prise en charge des enfants à traits autistiques ;  il favorise leur intégration dans le cadre scolaire que ce soit en classe ou avec leurs camarades lors des récréations et offre aux instituteurs la possibilité de mieux comprendre ces enfants et savoir les gérer.

Si on opte pour une école privée, on doit commencer par la prospection depuis janvier en exposant l’enfant - tel une marchandise périmée ou un grand problème dont on veut se débarrasser - à des responsables qui veulent bien de votre argent mais pas de ce taré qui pourrait faire fuir d’autres parents qui pourraient refuser que leurs enfants soient dans la même classe qu’un demeuré alors qu’ils PAYENT pour son enseignement.

Alors qu’à partir d’une observation, dans des jardins d’enfants qui ont accepté des autistes, plusieurs enfants « normaux » s’acharnent pour attirer l’attention de leur ami qui a le regard fuyant et sont contents de le voir  prononcer ses rares mots pour demander un stylo ou une gomme.
Quand on est  enfant, on accepte plus facilement la différence. Face aux difficultés de leur ami à besoins spécifiques, les enfants décident spontanément de l’aider ce qui leur permet une ouverture d’esprit, leur apprend la tolérance et la responsabilité et les aident à devenir de meilleurs adultes.

L’autiste, quand à lui, apprend à être semblable aux autres enfants et adopte des comportements adaptés aux différentes situations à laquelle ils se trouvent confrontés tous les jours : rester assis le long des séances de cours, prendre ses affaires, faire ses exercices, lever le doigt pour demander quelque chose. Dans certains cas d’autisme léger, on ne peut pas différencier un enfant autiste du reste de la classe. Pour d’autres, ce travail nécessite l’intervention d’une assistante à la vie scolaire (AVS) qui, par guidance, pousse l’enfant à adopter le comportement adéquat jusqu'à ce qu’il soit acquis puis spontané.

En résumé, dans les écoles, l’enfant à traits autistiques ne demande rien d'autre que d’être considéré comme le reste de ses camarades de classe : exiger de lui ce qu’on exige de tous les écoliers et tenir bon. En effet, c’est par l’exercice que l’enfant autiste apprend ce qui est naturel et inné chez les autres enfants et c’est le plus grand challenge. Car les apprentissages scolaires ne posent pas vraiment de problèmes chez ces enfants. En effet, ils ont bien des moyens et des dons qui peuvent se révéler extraordinaires et qu’il convient d’exploiter pour ne pas engendrer de retard dans les acquisitions scolaires en attendant l’amélioration du comportement.

Pour conclure, exclure des écoles publiques un enfant ayant des traits autistiques, c’est le priver de son droit de s’intégrer dans la société et ériger devant lui d’autres obstacles à toute forme de communication pour l’enfoncer dans sa bulle et en faire, à l’age adulte, un être totalement dépendant, imprévisible et incontrôlable. Bref, un réel fardeau pour sa famille et pour la société.

 Je plains les responsables des écoles qui se cachent derrière le prétexte du manque de moyens ou de dérangement des instituteurs par les AVS pouvant révéler leurs lacunes et incompétences.

 En effet, se concentrer sur des enfants « qui ne posent pas de problèmes » afin de maximiser le profit contre le minimum d’efforts n’est pas l’objectif de l’école publique soit-elle ou privée. C’est l’objectif d’une usine gérée à la taylorienne pour manufacturer des produits bien identiques, bien remplis et bien carrés mais difficilement commercialisables sur le marché de l’emploi. Les responsables de ces usines doivent se faire des soucis pour la survie de leurs entreprises.

Pour ne pas rester pessimiste, il y a lieu de remarquer que certaines écoles, grâce à l’ouverture d’esprit de leurs directeurs, ont bien accueilli des enfants en difficulté et grâce à la tolérance et à l’amour de la profession et des enfants,  sont parvenus, grâce  à un enseignement adapté, à dépasser les difficultés et à préparer ces enfants à la vie « la vraie », tout en respectant la spécificité de chaque enfant : son caractère et son rythme. 
Enseigner n’est pas écraser le caractère d’un enfant, ce n’est pas non plus sa programmation tel une machine pour un optimum bourrage de crâne. Bien au contraire enseigner, c’est  développer les compétences d’un enfant en puisant dans ce qu’il aime afin de lui permettre de s’épanouir et de se développer.

Imen BAHRI BEN ROMDHANE
Cadre dans un établissement public
Et mère d’un enfant à traits autistiques