Opinions - 10.02.2012

Réflexion sur la nouvelle approche de la diplomatie et le développement

Le monde fait face aujourd’hui à des défis multiples et complexes sur le plan politique et économique. Les problèmes au niveau du globe concernent entre autres la récession économique, le chômage, la pauvreté, le changement climatique et les dangers de mouvements politiques extrémistes.

Tout cela demande une nouvelle approche politique et diplomatique pour trouver une solution collective par la communauté internationale qui demande des actions concrètes au niveau de chaque Etat. Beaucoup pensent que pour trouver des issues à ces problèmes multiples d’ordre économique et social, il faudrait d’abord concevoir de nouvelles approches en matière diplomatique consistant à adopter des stratégies associant diplomatie et développement comme deux axes superposés et complémentaires.
En d’autres termes, il faudrait réformer et  réorganiser les institutions économiques et financières nationales et les doter  de cadres capables de concevoir une vision plus réaliste des problèmes de ce monde et ce en associant les activités diplomatiques aux actions liées au développement.

De toutes les façons, les défis des divers problèmes rencontrés au niveau mondial, font que les solutions à apporter doivent êtres prises dans le cadre d’une vision globale des relations internationales.  

La réalisation des objectifs de toute diplomatie est mesurée aujourd’hui en fonction des gains acquis en matière de développement économique et social. Cela signifie que les progrès en matière de croissance vont dépendre de la qualité d’une  diplomatie active et intelligente.

 Chaque pays doit définir les priorités de sa diplomatie en concertation avec les institutions nationales concernées, tout en veillant à ce que ses objectifs et ceux du développement restent interdépendants.

L’intérêt que chaque pays doit porter à ses relations  aussi bien internationales que régionales et sous régionales, exige des dialogues actifs et continus avec tous les partenaires à propos des sujets d’intérêt mutuels. 

  Pour engager un dialogue à propos de solutions appropriées à certains problèmes communs, il est impératif de disposer de stratégies, d’instruments de négociation et compter sur des cadres de valeur. Tout cela implique que tout Ministère des affaires étrangères doit concevoir  une structure administrative moderne où les responsabilités des divers services doivent être clairement définies. Ces services doivent entretenir des consultations régulières et soutenues  entre eux et avec les autres départements publics du gouvernement.

En plus de ces concertations entre canaux gouvernementaux, il faut assurer la participation d’autres institutions nationales et les sociétés civiles. Les solutions des problèmes de développement ne peuvent plus relever de la seule responsabilité et de l’action des gouvernements. Ainsi le ministère des affaires étrangères ne doit plus s’intéresser uniquement aux dossiers dits gouvernementaux mais également aux autres secteurs situés hors de cette sphère. Il s’agit du secteur privé, les ONG, les syndicats, l’université, etc.… nationaux et internationaux….

La diplomatie doit  être impliquée au-delà des rapports gouvernement à gouvernement, car il est clair qu’avec le progrès de l’information  et de la communication, les acteurs qui n’ont rien à faire avec les gouvernements peuvent influencer le cours  des évènements politiques et économiques. Cela est bien vrai par exemple pour les pays occidentaux ou les ONG qui jouent un rôle très important dans les décisions d'octroi d'aide aux pays pauvres.

C'est pour cette raison que tout ambassadeur doit établir des relations dans le pays de résidence avec toutes les catégories d'acteurs à savoir  mass media, universitaires, artistes, hommes d’affaires, associations, ...etc.
Rappelons à ce, sujet que les résolutions des Nations Unies allant dans ce sens ont recommandé que les projets de développement économique et social peuvent être exécutés par des associations civiles. C'est ce qui explique que les agences spécialisées  des Nations Unies travaillent actuellement la main dans la main avec ces associations.

II faut rappeler que la guerre froide a crée également  un grand espace politique et économique sur le plan mondial qui a permis 1'emergence du phénomène de la globalisation. Celle-ci a facilité 1'ouverture des frontières à la circulation des personnes ( certes limitée) et des biens entre les pays et par conséquent au commerce, les investissements, les échanges scientifiques et culturels.

Du coup, on observe aujourd'hui une explosion de richesses dans les classes moyennes de plusieurs pays, qui sont devenues sources de production de nouvelles technologies et de services. Ainsi la Chine, 1'Inde, le Brésil et autres pays dits émergents sont devenus des acteurs importants dans l'élargissement de la globalisation. D'autres pays cherchent à copier leurs exemples en réformant leur système politique et leur stratégie de développement.

En dépit de la complexité des idéologies et des problèmes économiques, gouvernements, sociétés et diverses communautés commencent a s'adapter à ce nouveau phénomène de globalisation dans un monde devenu plat » selon Thomas Friedman, journaliste au New York Times.

Aujourd’hui on observe de plus en plus des pays qui définissent leur sécurité beaucoup plus en termes  de sécurité économique que militaire.L'histoire a d'ailleurs démontré que la sécurité et la souveraineté des Etats dépendent en grande partie de leur puissance économique.

Toutefois cette sécurité tant souhaitée par les pays riches se révèle d'un autre coté fragile car elle ne peut être garantie face à l'accroissement de la pauvreté dans le monde, le chômage endémique et la misère qui sévissent dans plusieurs pays du globe.

C'est pourquoi, de crainte des guerres civiles, des mouvements extrémistes et des fléaux d'émigration qui ne cessent de s'amplifier à travers le monde, les Nations Unies ont recommandé une stratégie d'aide en faveur des pays en développement en vue de lutter contre la pauvreté et l’exclusion.

Ainsi, en l’an 2000, les chefs d’états de tous les pays réunis a New York a l'occasion de 1'AG des Nations Unies ont adopté une déclaration et se sont engagés à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à 1'horizon 2015.II s'agit d'un plan des Nations Unies de neuf points pour assister les pays pauvres durant la période 2000-2015.

Ce plan a retenu un certain nombre d'objectifs et défini des actions concrètes pour lutter entre autres contre la pauvreté, la faim, 1'analphabétisme et les maladies.Ces actions s'adressent également à la promotion des droits de la femme, et la protection de 1'environnement.

Pour une fois, la communauté internationale sans se perdre dans des débats idéologiques, a promis de travailler ensemble en faveur d'une approche globale d'un développement  solidaire en vue de  créer un monde meilleur.

Une première évaluation en 2010 des programmes exécutés les dix dernières années a démontré que lorsque des décisions internationales sont prises collectivement et  appuyées par un engagement politique ferme et un financement sûr, les résultats ne peuvent être que positifs.

Toutefois, il reste beaucoup à faire pour faire face à d'autres défis à cause de la crise économique actuelle qui s'est prolongée.

Des dizaines de millions de personnes dans le monde continuent de  vivre dans le chômage alors que d'autres, bien qu'employés, ne gagnent pas assez pour nourrir leurs familles et n'ont pas réussi à dépasser la ligne de pauvreté d’un dollar par jour. Ainsi,  la globalisation ne comporte pas seulement des avantages mais implique également beaucoup de contraintes et d’obstacles.

La questions qui se pose pour les pays à revenu moyen comme la Tunisie est de savoir comment faire face aux effets de la crise économique actuelle, résister à la compétition internationale surtout aux flux des  produits provenant de la Chine, 1’Inde, la Malaisie   etc... Les spécialistes suggèrent diverses réformes et solutions tout en recommandant quelques mesures à court terme et d'autres à moyen ou long terme .Il est essentiel que tout pays  y compris la Tunisie qui cherche encore une niche dans le marché international doit entreprendre une réforme totale de son système d'éducation couvrant tous les niveaux du  primaire à l’  universitaire. Cela doit permettre de produire un capital humain de haute qualité surtout dans le domaine de l'ITC. En plus, il faut développer une infrastructure routière, portuaire et de télécommunication, promouvoir de nouvelles sources d'énergie peu coûteuses et élaborer un cadre institutionnel capable d'attirer les investissements étrangers. A tous ces avantages, il faut entreprendre une mise à niveau non seulement des administrations publiques et privées mais aussi des institutions financières. Pour devenir efficaces et modernes, ces institutions doivent suivre le rythme des innovations technologiques dans le monde. Il est important d'élaborer un programme destiné à la formation de la main d'oeuvre à faible qualification afin d'améliorer le niveau de la productivité et ainsi aider a relancer les activités des PME créatrices d'emplois et de technologies.

Tout cela doit faciliter l'intégration de l'économie tunisienne dans le système économique international crée par la globalisation, à condition que le pays  jouit également d'une stabilité politique  sous  un régime démocratique,
Aujourd'hui les grands succès des pays industrialises résident dans l'expansion du commerce, l'accroissement des investissements étrangers, la conquête des marchés et 1'accroissement de la productivité, ce qui contribue à maintenir un niveau de développement équilibré.

Le groupe des pays appelés BRIC (Brazil, Russie, Inde et Chine), en plus de 1'Indonesie, le Mexique, l'Afrique du Sud et la Turquie cherchent en priorité à se concentrer sur la réalisation d'objectifs plutôt économiques que militaires.C'est ce qui explique le profil bas suivi par la chine en dépit de petites crises de temps à autre avec les pays occidentaux et particulièrement avec les USA.

La chine n’est pas intéressée actuellement par la confrontation politique avec quiconque et on peut dire c'est le cas des USA. La diplomatie est aujourd'hui largement orientée vers la réalisation de plus de progrès économique et social en un mot le développement.

Tout pays doit savoir s'armer de patience et de vision réaliste en matière de relations internationales en gardant en vue ses intérêts économiques et sociaux. La diplomatie est en train de devenir un instrument de choix pour conquérir de nouveaux marchés, attirer des investissements et, encourager le progrès technologique afin de garantir un développement humain durable.

La  crise économique actuelle a  ainsi mis à nu les facteurs d’instabilité dans le système capitaliste et touché l' ensemble des pays dont la Tunisie. De plus, l’énorme défi postrévolutionnaire a engendré une conjoncture économique et  sociale très sérieuse.

Nos problèmes sont graves et complexes et par conséquent exigent la mobilisation rapide de sources de financement international sous formes d'investissements et  d’aides. La plupart de nos partenaires ont exprimé à ce jour le désir de nous aider à réussir notre révolution. Toutefois, tout ce monde attend de la Tunisie une politique claire et une diplomatie rassurante. C’est  pour cette raison que toute politique doit être décidée sur la base d'un consensus entre les partenaires au pouvoir et une harmonie dans l action. Personne ne peut se fier à une diplomatie a plusieurs tètes ou triple langages. A l'heure actuelle, le pays a grand besoin  d'un gouvernement ayant une vision claire  des problèmes et offre des solutions concrètes et urgentes...Toute politique nationale doit tenir compte de l'environnement  géopolitique  aussi bien sur  le plan sous-régional, régional et mondial est pourquoi et plus que jamais, on doit faire appel a des technocrates et diplomates chevronnés et de talon pour servir le pays en ces moments critiques et exceptionnels. Il s'agit  d'assurer tout le succès à nos démarches diplomatiques visant l’ouverture  de nouvelles perspectives de coopération économique, financière et technique avec le reste  du monde.

Le ministère des affaires étrangères dispose de cadres compétents, expérimentes et dévoues pour remplir cette mission. Est il nécessaire  de rappeler que la diplomatie  tunisienne jouit encore  d'un grand prestige, en dépit d'un certain déclin  qu’elle a connu durant la période de dictature. En effet, le MAE a joué  un grand rôle depuis notre independance dans le developpement du pays grâce surtout à ses cadres chargés de la coopération et des organisations internationales.Ceux là ont assumé avec l'aide des ministères techniques la responsabilite de mener des négociations et ratifier d'importants accords avec les pays tiers et les organisations internationales.De grands  projets de developpement ont vu le jour suite à ces accords.

Il faut ajouter que la position tunisienne à propos des divers dossiers complexes et brûlants sur le plan international a été de tous les temps caractérisée par le réalisme, le pragmatisme et le sens de la mesure. La Tunisie  a été toujours consciente de sa modeste position géopolitique qui lui dicte la neutralité constructive et l'équilibre dans ses positions visant le renforcement de la paix internationale. Rappelons à ce sujet ce que Bonaparte disait que «le seul crime en politique consiste à avoir des ambitions plus hautes que ses capacités ». Ajoutons également qu’en politique, les déclarations de bonnes intentions et les promesses sont des chèques sans provision donc sans aucune valeur. En un mot, il faut avoir les moyens de sa politique. La diplomatie est une profession qui s'apprend avec le temps exigeant la patience, le savoir faire, l’ouverture de l'esprit et la tolérance. La diplomatie est un métier qui ne s'improvise pas.

Dr. Salah Bourjini
Universitaire,
Ancien Résident /coordonnateur et Représentant des  Nations Unies…