Success Story - 26.12.2011

Ghazi Ben Othman ou comment thinking global and acting local

Ghazi Ben Othman, un autre de ces quadras tunisiens vivant hors des frontières de leur pays natal qui ont toujours voulu faire quelque chose pour la Tunisie et qui ont vu dans la révolution du 14 janvier une chance pour revenir et aider le pays à se relever de ses années de plomb. Ghazi nous parle de son parcours professionnel qui l’a mené de la Californie aux pays du Golfe et évoque pour nous les nouvelles opportunités d’affaires pour la Tunisie.

Son enfance, c’est entre plusieurs pays d’Afrique, d’Europe et du Golfe que Ghazi Ben Othman la passe au gré des affectations de son père, banquier commercial. Passionné d’informatique, c’est tout naturellement vers des études d’ingénieur qu’il s’oriente une fois son Bac obtenu en 1986. Mais ce n’est qu’à la rentrée universitaire qu’il décide, sur les conseils de son père, de tenter de s’inscrire à l’Université de Minnesota aux USA. Ghazi raconte que malgré ce retard, il a été admis rapidement grâce à l’excellente réputation des étudiants tunisiens qui sont déjà passés par cette université.

S’ensuivent alors quatre années au bout desquelles il obtient son diplôme d’ingénieur et enchaîne avec un master, toujours en computer sciences, en Californie du Sud, à Los Angeles. Pour son premier poste de travail, le jeune Tunisien change encore de décor pour passer au Texas dans l’entreprise Motorola où il affûtera ses premières armes durant cinq années pour rejoindre par la suite Dell Computer. Il se marie entre-temps avec une Japonaise.

En 1999, bien qu’il n’eût aucune expérience en business et en finance, Ghazi Ben Othman choisit de réorienter sa carrière vers ce domaine d’activités où il hésitera entre deux offres, celle de la Deutsch Bank et celle de Morgan Stanley. Dans les deux cas, il s’agissait d’analyser la valeur boursière des actions technologiques et des entreprises d’ordinateurs et d’informatique, de conseiller ces banques sur la compétitivité et la qualité des produits des entreprises de TIC et de leur recommander l’achat ou pas de ces actions.

Il choisit de rejoindre la Deutsche Bank, tout simplement, nous raconte-t-il, parce qu’elle se trouvait dans une région agréable à vivre, San Francisco, ce qui permet à Ghazi de dire qu’un climat modéré est, sans conteste, un facteur décisif en matière de choix de carrière. Cela l’amène à nous rappeler que la Tunisie possède, à ce propos, un atout majeur qu’il faut davantage mettre en valeur.

Durant ses deux années à la banque, le jeune Tunisien découvre que ce qu’il aime dans ce métier c’est le fait de travailler sur des produits nouveaux et des compagnies innovantes, ce qui le motive à rejoindre un fonds d’investissement dans les start-up technologiques. Par ailleurs, et malgré l’éloignement, Ghazi a toujours gardé des liens très forts avec la Tunisie. D’abord, parce que sa famille y vit, son frère et sa soeur s’y étant installés, et aussi parce qu’il a tissé des liens avec les nombreux Tunisiens qu’il a rencontrés lors de ses études et de son travail.

Il est également resté très proche de plusieurs personnes originaires de pays arabes qui travaillent dans le domaine des technologies aux USA. Il constate alors les énormes compétences et capacités de ces personnes. Il nous raconte notamment que parmi les meilleurs employés de Google, de Yahoo, etc. se trouvent des Libanais, des Palestiniens, des Jordaniens, des Tunisiens, des Syriens. Par ailleurs, plusieurs d’entre eux ont créé des entreprises dans le domaine des TIC qu’ils ont revendues par la suite à des centaines de millions de dollars aux grands groupes du secteur.

Par ailleurs, Ghazi Ben Othman observe avec intérêt l’expérience de plusieurs entrepreneurs de la Silicon Valley d’origine chinoise et indienne qui sont retournés dans leur pays d’origine pour y créer avec succès des entreprises dans le domaine des TIC. « A partir de là, dit-il, l’idée m’est venue de discuter avec d’autres entrepreneurs, banquiers, avocats, comptables, etc. d’origine arabe et nous nous sommes regroupés dans une petite société de conseil aux USA pour aider les entrepreneurs arabes qui souhaitent se lancer dans le domaine de la technologie. En 2010, nous avons commencé à nous implanter dans les pays du Golfe, en Arabie Saoudite, à Dubaï, en Jordanie, etc. C’est là que nous avons été surpris par la révolution tunisienne. J’étais sans cesse branché sur Facebook et ma première réaction après le départ de Ben Ali, c’est qu’une grande opportunité s’ouvrait en Tunisie».

De partout dans le monde, des centaines de Tunisiens s’organisent alors, encouragés par la nomination de ministres qu’ils connaissent et qui leur ressemblent comme Jaloul Ayed ou encore Taïeb El Aïdi. Ghazi Ben Othman, lui, se concentre sur des actions d’encouragement de jeunes Tunisiens au démarrage de leur start-up, avec à l’horizon une revente à une grande société internationale du secteur. Pour cela, le produit doit être innovant et la compétition se situer au niveau mondial. C’est dans ce cadre qu’il parvient à convaincre l’association MENA, Private Equity Association, qui regroupe toutes les plus grandes compagnies d’investissement dans le monde arabe à organiser au mois de juillet dernier une conférence à Tunis.

Au mois d’octobre dernier, trois petites entreprises tunisiennes ont été sélectionnées pour être appuyées par cette association. Ghazi considère ces actions comme un premier pas. Il sait que ses partenaires américains sont venus une première fois pour soutenir le processus démocratique par le développement économique mais qu’ils ne reviendront encore que si l’on parvient à passer rapidement à la vitesse supérieure en réalisant des projets à l’échelle du Maghreb qui, seul, possède la taille critique pour envisager l’implantation de projets importants.

Ghazi Ben Othman appelle aussi à un changement des mentalités de l’entrepreneur tunisien qui ne doit pas créer une entreprise dans l’optique d’en devenir le PDG mais dans l’esprit de la développer, de la revendre avec une réelle valeur ajoutée et de réinvestir par la suite dans d’autres projets innovants. La Tunisie n’a pas besoin d’aide, assure-t-il.

Elle possède les compétences qui lui permettent d’être compétitive dans certains domaines de la technologie de pointe comme le sont Singapour, la Suède ou Israël. Elle ne possède pas la taille critique pour être compétitive dans la fabrication de masse, un domaine où les Chinois nous battront toujours, c’est pourquoi on doit s’orienter vers les innovations dans différents domaines comme l’agriculture, les TIC, la pharmacie, la gestion de l’information, les applications mobiles, les énergies renouvelables, etc.

Un autre facteur qui conditionne aussi, selon Ghazi Ben Othman, le passage vers une économie innovante est la création d’un cadre juridique qui encourage la flexibilité du travail. En effet, les entreprises innovantes travaillent par projet et elles peuvent avoir besoin de passer, en une semaine, de 30 ingénieurs à 10, et vice-versa. L’existence d’une véritable Silicon Valley au Maghreb est à ce prix mais la dynamique qu’elle introduit fait en sorte que la perte de son travail dans une entreprise permet d’en retrouver rapidement un meilleur, et mieux rémunéré, dans une autre entreprise.

Ghazi conclut en disant qu’il faut aussi arrêter de penser à offrir des produits pour un marché bien déterminé, en Tunisie ou en France, mais chercher sur quels produits nous pouvons nous positionner dans notre pays mais aussi dans notre région, au niveau de la compétitivité mondiale, une manière de concrétiser le fameux Think global, act local.

Anissa Ben Hassine
 

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