News - 26.09.2011

La stratégie que confiera le Gouvernement Caïd Essebsi à son successeur : Dix grandes idées pour la prospérité et la justice sociale

Quelle que soit sa composition finale, le nouveau gouvernement qui se mettra en place après le 23 octobre 2011 ne trouvera pas les tiroirs vides de toute stratégie de développement économique et social et ni contraint à redémarrer à zéro. Un plan intégré, riche de «10 grandes idées pour la prospérité et la justice sociale», vient d’être élaboré afin de servir de plateforme commune ouverte à toutes les parties.

En plus de 180 pages, le document part de l’analyse du contexte général, avec ses perspectives à court terme et les actions urgentes nécessaires, pour cerner les problématiques et défis de développement, avant de définir la stratégie appropriée et aboutir au schéma de croissance. En annexes figurent les tables statistiques ainsi que le programme d’investissements publics et des notes sur l’initiative technologique, le plan solaire et la réforme financière.

Les Tunisiens n’ont pas dû s’en apercevoir! En pleine effervescence du démantèlement du régime déchu, la réflexion stratégique prospective quant aux nouvelles orientations du développement économique et social ne s’était pas mise en congé au sein du gouvernement de transition et de la haute administration. Sous le pilotage du cabinet du Premier ministre, une analyse approfondie a été engagée afin de concevoir la vision d’avenir, à la hauteur des ambitions de la révolution, et à même de les réaliser. Actions à court terme, pour les programmes d’urgence qui ne peuvent attendre et stratégie pour les cinq années à venir (2012 – 2016), dans une dynamique qui accélère la croissance, consolide la stabilisation et prépare l’ancrage effectif de la Tunisie nouvelle dans l’économie mondiale.

L’oeuvre n’était guère aisée, tant il fallait rompre avec des schémas classiques, explorer des voies innovantes et se fixer des objectifs tangibles afin d’amorcer le processus de transformation économique et sociale. Les radars ont dû être recalibrés pour permettre une lecture plus affinée des différents indicateurs et scruter les horizons qui s’ouvrent.

Le Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, en a fait un véritable devoir: transmettre à la nouvelle équipe la quintessence de la réflexion en la matière, fondée sur des indicateurs fiables, et dessinant, avec perspicacité et profondeur, les contours de la Tunisie nouvelle. En plateforme ouverte, paramétrable et évolutive, cette stratégie détaillée et immédiatement opérationnelle fait gagner au pays, non seulement beaucoup de temps, mais aussi et surtout plusieurs longueurs d’avance.

En attendant sa présentation intégrale, Leaders a pu accéder à certaines de ses parties, notamment la synthèse des actions à court terme, l’énoncé des 10 grandes idées de la stratégie de développement, articulées autour de 5 principes, et le schéma de croissance et des politiques globales et sectorielles. Extraits

La Tunisie se retrouve donc aujourd’hui à la croisée des chemins avec les grands acquis de la Révolution mais également les graves dangers qui la menacent. Le pays a su globalement maîtriser la situation sur le plan économique, social et sécuritaire. En dépit de l’enjeu politique et des pressions sociales, il est resté en paix et a continué à fonctionner. Mais les mois prochains sont cruciaux avec deux chemins possibles, diamétralement opposés:

• Le premier chemin est celui de la prospérité, fondé sur un nouveau modèle de développement, la Tunisie recueillant les fruits de la Révolution, à la condition essentielle de réaliser un consensus sur les grandes questions politiques et de développement, rassurant les parties prenantes au processus de transition et les partenaires de la Tunisie et mobilisant toutes les forces vives du pays.

• A défaut, c’est le deuxième chemin qui guette le pays, l’année 2012 pouvant être le début d’un cycle de récession, avec toutes les conséquences sur l’emploi, la situation sociale et les finances publiques. Et les exemples historiques sont nombreux qui montrent que des révolutions échouent par dégradation des situations économiques.

Conscient à la fois de l’acuité des problèmes qui exercent des effets handicapants sur la reprise économique et les perspectives de développement à moyen terme et de la nécessité de mobiliser toutes les forces nationales pour y faire face et engager le pays sur le chemin de la prospérité, le Gouvernement propose une stratégie de développement économique et social ayant un double objectif :

• Répondre aux besoins à court terme en termes de soutien à l’emploi et aux régions, d’appui aux entreprises, d’aide sociale et de maintien des équilibres du pays.

• Préparer l’avenir dans le cadre d’une stratégie s’articulant autour de dix grandes idées se rapportant aux priorités de développement au cours de la prochaine étape.

L’action à court terme

L’action à court terme comporte notamment l’engagement et la mise en oeuvre d’un programme d’urgence axé sur trois principaux volets :

1. Dynamisation de l’activité économique;
2. Introduction de réformes immédiates pour améliorer la gouvernance au niveau central et local;
3. Mobilisation de financements extérieurs additionnels.

Le programme économique et social d’urgence comprend quatre axes : i) l’intensification des créations d’emplois moyennant un recrutement exceptionnel de 30.000 jeunes dans le secteur public et le lancement de projets dans les TIC dans le cadre du partenariat public-privé, ii) la promotion du développement régional à l’aide d’une enveloppe additionnelle du budget de l’Etat affectée aux régions de l’intérieur, iii) l’impulsion de l’investissement privé et iv) le raffermissement des actions sociales pour améliorer les conditions de vie des habitants dans les régions défavorisées, en plus de l’amélioration des conditions sécuritaires qui constituent le garant de la redynamisation de l’activité économique.

Le programme de réforme à court terme vise à renforcer le cadre institutionnel, la transparence et la gestion administrative et financière et à adopter une approche ciblée pour s’assurer de l’affectation des aides sociale à bon escient. Le plan de financement extérieur à court terme vise à mobiliser des ressources financières d’origine publique et à décaissement rapide tout en veillant à maintenir l’endettement de l’économie à un niveau acceptable.

La stratégie de développement

La stratégie proposée pour la période 2012-2016 a pour objectif d’élaborer un nouveau modèle de développement pour la Tunisie favorisant la prospérité et la justice sociale, autour de dix grandes idées :

1. Construire la confiance par la transparence, la responsabilité sociale et la participation citoyenne
2. Assurer le développement inclusif et équilibré
3. Transformer la structure de l’économie par la science et la technologie
4. Créer une dynamique interne favorable à la productivité, la création et l’initiative libre
5. Désenclaver le pays et s’engager dans une intégration mondiale approfondie et agissante
6. Former et retenir les hautes compétences nationales, attirer les meilleures compétences internationales et renforcer l’employabilité
7. Consacrer la justice sociale et l’égalité des chances
8. Assurer un financement adéquat et viable du développement
9. Réhabiliter le service public et l’action civile
10. Optimiser l’utilisation de nos ressources et préserver notre environnement naturel

Cinq principes d’action

Pour la mise en oeuvre de ces idées, cinq principes d’action doivent guider les politiques nationales au cours de la prochaine période :

1) L’Etat est le principal régulateur et catalyseur du développement dans le cadre d’une approche républicaine et démocratique. Il doit promouvoir un développement économique et social équitable respectant la liberté individuelle et l’égalité des chances et favorisant la cohésion sociale.

2) La libre entreprise est le principal moteur du développement économique. La création de richesse et d’emplois dépend du dynamisme des chefs d’entreprise et des promoteurs, du rendement des travailleurs et de l’adhésion et de la participation de ces deux acteurs à l’action et au processus de développement.

3) La liberté individuelle et la justice sociale sont les fondements du progrès, que seule la coopération entre les acteurs sociaux par le débat public et la recherche du compromis social peuvent en réconcilier les exigences. Le Gouvernement doit initier, faciliter et favoriser cette coopération.

4) L’éducation, la culture, la santé et la protection sociale, en tant qu’éléments constitutifs de la liberté des individus, fondements majeurs de la société et garants de la cohésion sociale, sont des biens sociaux indissociables du développement économique et social. La société doit y assurer l’accès libre, égal et juste pour tous les citoyens. L’Etat doit employer tous les moyens à sa disposition pour réduire les contingences sociales limitant l’accès des personnes démunies à ces biens.

5) La société doit assurer le bon usage des ressources, des moyens et des opportunités. Le Gouvernement doit prendre des mesures de réglementation et de motivation favorisant cette finalité.

Le schéma de croissance

La stratégie de développement s’appuie sur un schéma de croissance et des politiques globales et sectorielles. Ce schéma retient, pour les cinq années 2012-2016, l’objectif de réaliser une croissance moyenne de 6,3%, atteindre un revenu par tête d’habitant de 9746 dinars et créer 500 mille emplois additionnels dont 300 mille pour les diplômés du supérieur permettant de réduire le taux de chômage à 10,5% en 2016.

Le secteur public se chargera de la création de 100 mille emplois, essentiellement au cours de 2012-2014, en attendant l’accélération des créations d’emplois par le secteur privé. Si les conditions d’une reprise plus rapide sont réunies, le nombre de créations peut même atteindre 575 mille et le taux de chômage peut encore baisser de 2 points pour être ramené à 8,5%.

Le schéma comprend trois phases, urgence, transition et émergence :

1) Urgence : répondre aux besoins à court terme au cours des mois restants de 2011 et de l’année 2012, en termes de soutien aux régions et à l’emploi, d’appui aux entreprises et d’aide sociale et rétablir les équilibres économiques et financiers pour préparer la phase suivante.

2) Transition : reprendre un rythme de croissance supérieur à 5% tout en se rapprochant de 6% durant les années 2013 et 2014, à travers l’emploi d’un effort de rattrapage exceptionnel et l’engagement de réformes globales touchant les différents domaines politiques, économiques et sociaux.

3) Emergence : amorcer un processus de convergence avec les pays développés à partir de 2015, en ciblant des niveaux de croissance supérieurs à 7%.

La réalisation des objectifs économiques du schéma implique trois impératifs :

• L’augmentation de la part des activités à contenu élevé de connaissance et de technologie dans le PIB
à 30% en 2016 et de la part des biens et services à fort contenu technologique dans les exportations à 50%.

• Le doublement des exportations de biens et services pour atteindre environ 60 milliards de dinars en 2016, le relèvement de leur contribution à la croissance à plus de 40% en fin de période et le triplement des investissements étrangers pour atteindre un volume total de 21,9 milliards de dinars et représenter 5% du PIB en moyenne.

• Le relèvement de l’investissement à des niveaux sans précédent. L’enveloppe globale proposée s’élève à 125 milliards de dinars, dont 50 milliards pour les zones de développement régional. Elle est répartie entre 50 milliards de dinars d’investissement public et 75 milliards de dinars d’investissement privé.

Les besoins de financement sont estimés à environ 150 milliards de dinars. L’équilibre financier repose sur le renforcement de l’épargne nationale pour atteindre 25,8% du revenu national disponible brut en 2016 et couvrir 70% des besoins de financement au cours de la période 2012-2016. Dans ce cadre, le schéma préconise de limiter le déficit du budget de l’Etat à 4% du PIB et le déficit courant à 5% du PIB en moyenne, les ramenant respectivement à 3% et 3,1% en 2016. Cela permettrait, malgré les pressions, de maintenir la dette publique inférieure à 40% du PIB et la dette extérieure en deçà de 40% du revenu national disponible brut sur le plan social, le schéma se propose d’améliorer l’indice du développement humain (IDH) pour atteindre 0.733 en 2016 contre 0.683 en 2010, en rapport avec l’objectif d’assurer les attributs du progrès social à l’ensemble de la population, notamment dans les domaines couverts par l’IDH qui sont la santé, l’éducation et le niveau de vie.

(Le schéma fixe des objectifs pour chacun de ces domaines)