News - 22.09.2011

Mansour Moalla : S'il faut une loi pour imposer les recrutements, réfléchissons-y !

« En tête des fragilités qui menacent la Tunisie vient le chômage, surtout que la demande ne cesse de se multiplier et que la nature des emplois à créer a complètement changé avec l’arrivée massive des nouveaux diplômés. En traitant les différentes statistiques et projections, nous devons nous rendre à l’évidence que nous ne pouvons nous en sortir qu’avec une forte détermination individuelle et collective, quitte à l’exprimer à travers une loi imposant le recrutement d’un certain nombre de demandeurs d’emploi chaque année ». Pour M. Mansour Moalla, ancien ministre du Plan et des Finance, aux grands maux, les grands remèdes. S’exprimant jeudi lors du Forum de l’Atuge, sur les contours du nouveau modèle de société le plus approprié pour le pays, il a placé la question de l’emploi au cœur des défis à relever, n’excluant pas de légiférer en la matière. « Evidemment, a-t-il relativisé, nous devons le faire avec souplesse, en définissant la capacité d’emploi sur la base de la taille de l’entreprise, de ses activités, de son potentiel, de son chiffre d’affaires et de ses effectifs, mais nous nous devons de fixer un objectif de 5 à 10% de croissance des effectifs et c’est ce qui créera  des emplois. »

«Je suis, comme vous ancien élève d’une grande école (ENA), le moins jeune pour ne pas dire le plus vieux, et je suis ravi d’être parmi vous », avait commencé par dire M. Moalla, avant d’exprimer sa réserve contre le concept de modèle de société. « Je n’aime pas beaucoup cette notion, a-t-il indiqué, d’abord parce qu’elle implique trop de systématisation, et, ensuite, elle impose une idéologie. Mais, elle a le mérite de nous questionner sur les principaux problèmes qui se posent à nous. »

Le préalable pour en débattre, pour M. Moalla, c’est l’aspect politique. « Nous avons passé un demi-siècle dans l’apprentissage du mode de gouvernement, rappelle-t-il. Le système présidentiel que nous avions choisi a engendré la dictature, puis la dictature mafieuse. A la tête de ce système un président qui détient tous les pouvoirs, avec à ses côtés quelqu’un d’autre qui tente d’être un chef de gouvernement alors qu’en fait, il n’est, avec les autres membres du gouvernement, que des fonctionnaires du chef de l’Etat. En apparence, ce dispositif offrait la stabilité, mais une stabilité du chef de l’Etat et non celle du pays. C’est ce qui doit nous inciter à opter aujourd’hui pour un régime parlementaire, moderne, solide. On nous agite alors l’exemple de l’Italie, mais on oublie de mentionner la réussite de ce régime en Angleterre, en Allemagne et dans de nombreux autres pays.»

Faire confiance au peuple et revenir le consulter

Au risque de heurter certaines sensibilités, M. Mansour Moalla a été, comme à son accoutumée, direct : « Personnellement, a-t-il affirmé, je fais confiance au peuple et je crois en sa maturité. Nous en avons eu la preuve lors de la collectivisation imposée et c’est le peuple qui l’a démantelée. Nous venons d’en avoir une nouvelle preuve à la faveur de la révolution et c’est le peuple qui en a été l’artisan et non pas l’élite. Alors faisons confiance au peuple, revenons vers lui pour élire ses représentants. »

Mais, pour que ce parlementarisme réussisse, l’ancien ministre estime que deux préalables sont indispensables à réunir. « D’abord, il faudrait inciter les partis à se regrouper entre eux pour former de grands partis, quitte à les obliger. Avant d’édicter la loi électorale, il fallait y procéder, en mentionnant dans une loi spécifique cet impératif de plus large représentation pour pouvoir accéder au parlement. Ensuite, instituer le droit du gouvernement de dissoudre l’assemblée en cas de conflit et de revenir aux électeurs. Aujourd’hui, comment les élus pourront « gouverner ensemble ». Quelles alliances solides peuvent se construire durablement. Nos approches ont toutes foiré et nous devons être plus raisonnables. »

« Pour être juste, poursuit-il, je ne dirais pas que rien n’a été fait en Tunisie durant les 50 dernières années. Les réalisations sont incontestables. Mais, nous souffrons de quelques fragilités, importantes. Pour y remédier, nous devons être pragmatiques en empruntant ce qu’il y a de mieux dans les autres systèmes. Du modèle social avancé, tel que le socialisme de l’Europe du Nord, nous nous enrichirons de cette fibre sociale avec cette large vision et tous les services mis à la disposition des citoyens. Du libéralisme, nous retiendrons surtout la nécessité de promouvoir la libre entreprise et le secteur privé, mieux géré et plus efficace que le public. A nous donc d’inventer notre propre modèle, non idéologique, mais pragmatique.

Parmi les fragilités qui s’ajoutent au chômage, Il y a aussi le déficit du commerce extérieur. Nous ne couvrons que 70% de nos importations et devons ainsi combler un gap de 1.5 milliard de dinars. Et c’est là un handicap sérieux. Les inégalités régionales constituent de leur côté une source grave de fragilisation et nous devons y remédier rapidement. Tous nos efforts doivent se concentrer sur l’investissement, la croissance économique et les réformes. Au cœur de ces réformes, celle du système éducatif, qui est bien centrale.

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