News - 05.05.2011

Mustapha Kamel Nabli aux chefs d'entreprises : « n'ayez pas peur de l'avenir »

« Créez l’avenir, ne le subissez pas ! ». Tel est, en substance, le message que le gouverneur de la Banque Centrale, M. Mustapha Kamel Nabli  a tenu à livrer jeudi à la centaine de chefs d’entreprise réunis au siège de l’IACE. Tout en reconnaissant, chiffres à l'appui, que la situation n’est pas reluisante, M. Nabli estime que le problème majeur de l’économie tunisienne est d’ordre psychologique. Il faut ramener la confiance et se départir de cet attentisme dans lequel se cantonnent les agents économiques qu’ils soient producteurs ou consommateurs. Travailler ensemble pour améliorer « notre anticipation collective ». Tel doit être le mot d’ordre pour la prochaine phase, d’autant plus que notre économie donne depuis un mois des signes de frémissement après avoir touché le fond au cours du premier trimestre 2011. C’est ainsi que les exportations des industries manufacturières se sont accrues de 11,2%, que les importations de biens de consommation ont augmenté, que celles des biens d’équipement ont certes continué à baisser en avril mais moins rapidement que les mois précédents, que les crédits à la consommation sont repartis à la hausse et que l’inflation a atteint 3% après avoir été nulle pendant le premier trimestre. « Il s’agit d’une inflation positive », commente le gouverneur de la BCT qui y voit le signe d’un renversement de tendance.

L’économie tunisienne revient assurément de loin.  Un ensemble de facteurs ont concouru à la crise qu’elle traverse depuis le début de l’année avec les fermetures d’usines, la baisse de la production industrielle de 12%, les mouvements sociaux, le climat d’insécurité, les destructions d’emplois, baisse des réserves en devises qui ne couvrent plus que 118 jours d'importations pour un montant de 10,5 Mds, la désorganisation des services publics, la désaffection des touristes et enfin la crise libyenne. Cette crise a été amplifiée par la baisse brutale de la demande intérieure que ce soit en matière d’investissement ou de consommation des ménages, résultat des incertitudes de la conjoncture politique et sociale : l’élection de la Constituante, l’insécurité, les négociations sociales etc.

Comment briser ce cercle vicieux ? se demande M. Nabli. « Tout se jouera au sein de l’entreprise », soutient-il. Il faut relancer les investissements, faire preuve de plus d’agressivité, prendre des risques calculés, relancer la consommation par des augmentations de salaires. S’agissant du tourisme, le marché algérien peut constituer une alternative aux marchés européens, d’autant plus que le pouvoir d’achat des Algériens  s’est amélioré ces derniers temps avec des augmentations substantielles des salaires.  Le secteur financier doit accompagner cet effort. Une circulaire de la BCT autorise les banques à procéder à la consolidation et le rééchelonnement des entreprises à chaque fois où cette opération est possible.

M. Nabli conclut par un appel pressant aux chefs d’entreprise : « n’ayez pas peur de l’avenir. Le succès de la transition démocratique dépendra de la bonne santé de notre économie ». Cela a l’air d’une lapalissade. Mais, cela valait d’être rappelé. Car l'économie est la grande oubliée de ces débats qui constituent désormais l'essentiel des réunions politiques et des programmes de nos stations de radio et nos chaînes de télévision. Comme l’a rappelé un intervenant : « on voit souvent des avocats, des magistrats dans les débats télévisés, mais jamais des hommes d’affaires comme si leur rôle était de moindre importance. On y discute des avantages comparatifs des différents modes de scrutin, de l’indépendance de la justice, de l’agenda politique, mais jamais d’économie comme s'il s'agissait d'un sujet mineur ». « On en reparlera dans quelques mois », répondit un homme politique connu à un jeune étudiant en économie qui lui reprochait le peu de place accordé à ce dossier lors d’un débat sur France 24 ». Un détail qui ne trompe pas : parmi les 63 partis légalisés jusque-là, combien se sont-ils dotés d’un programme économique ? Aucun.