Opinions - 09.04.2011

En attendant les mémoires-analyses de Mansour Moalla

Grand nombre de Tunisiens sont restés attachés à des Hommes célèbres, non ébranlés dans leurs principes fondamentaux et valeurs déontologiques, ayant tout sacrifié pour notre Pays, tant au niveau de leurs responsabilités dans l’Administration Publique, qu’à celui de leurs activités privées dans divers secteurs économiques.
 
Depuis la fin du règne tyrannique en Tunisie, un groupe de quelques dizaines d’amis, hommes d’affaires – universitaires et cadres supérieurs, ont convenu d’œuvrer pour la réhabilitation des Hommes & Femmes ayant beaucoup donné pour le développement de notre Patrie, et ayant résisté aux manœuvres d’intimidation et de chantage qui leur ont été infligées par ZABA.
 
Ils conviennent tous que M. Mansour Moalla constitue la première personnalité à laquelle un vibrant hommage devrait être justement rendu pour ses précieux services rendus à la Nation.
 
Dans son précieux ouvrage «De l’indépendance à la Révolution : système politique et développement économique» qui paraîtra vers la fin de ce mois, M. Mansour Moalla développera des idées et déblayera des pistes en vue de favoriser l’éclosion de stratégies de développement intégral, et l’émergence de plans d’actions permettant de cicatriser la fracture sociale et de redresser les fondamentaux macroéconomiques.
 
Avril 1993, une interview dans le Monde ‘‘Le Très Bon Élève de la FMI’’ a fait un ‘‘tollé’’, parce que l’interviewé a émis des réserves sur le projet ‘‘libéralisation économique’’ dicté par la FMI à la Tunisie. Dans cette interview, il avait émis des réserves quant aux conditions jugées excessives, imposées à une Tunisie fraichement industrialisée et dépourvue de toute forme d’immunité socio-économique lui permettant de faire face -sans trop de dégâts- aux ‘‘courants d’air’’ issus de l’ouverture – quoique progressive – des barrières douanières, tant administratives que tarifaires. A cette époque, voulant récupérer les premiers fruits d’une politique de développement longuement réfléchie depuis les années 70, et cédant à l’influence de ses conseillers subtilement formatés par les experts de la FMI et de l’ex-GATT, ZABA a fait montre d’un triomphalisme en décrétant la souscription graduelle de la TUNISIE aux accords OMC et la mise en œuvre d’un planning de démantèlement tarifaire avec l’Union Européenne s’étalant sur 1995-2007.

N’ayant aucune culture économique ni sociale, et étant très mal conseillé par ses fidèles, ZABA mit le pied dans le plat et crut ‘‘que le seul Programme de Mise à Niveau (PMN) soit capable de donner au tissu industriel le tonus requis pour résister aux bourrasques de la concurrence internationale, voire même la concurrence déloyale provenant des pays émergents’’. Naturellement, Si Mansour est revenu dans son bouquin à ce sujet, et a émis l’idée de remise en question de l’accord d’association de la Tunisie avec l’Union européenne et du principe de la réciprocité totale en matière douanière, d’industrie, de service et de commerce.
 
J’ai dû revenir à mon père, qui l’avait connu à Paris 1953-1955, pour recueillir les œuvres de Si Mansour depuis les premiers jours de notre Indépendance. Fondateur en 1957, avec Hédi Nouira, de la Banque centrale de Tunisie, il recruta/forma les futurs DG de banques tunisiennes et donna naissance au Dinar Tunisien avant de recevoir un coup bas de son coéquipier. Durant la présidence d'Habib Bourguiba, il est successivement ministre de l'Industrie et du Commerce (1967-1968), des PTT (1969-1970), du Plan (1970-1974) et des Finances et du Plan (1980-1983). Parallèlement, il fonde la SNI-SRI (convertie en la BDET) ainsi que l’ENA de Tunis, crée 8 banques de développement, et contribue activement à la création de l'Ordre des experts comptables de Tunisie en 1983. Conscient du rôle que doit jouer le secteur privé dans le développement économique et social du pays, il crée la BIAT en 1976, suivie par le GAT en 1981 et l’IACE en 1984 et la Fondation en 1992 (tuée dans l’œuf en juin 1993).
 
L'idée de la création de banques de développement revient à Si Mansour, alors Ministre des Finances et du Plan (1980-1983). En effet, Les banques de développement ont été créées pour financer des projets de développement par l'octroi de prêts à moyen et long terme et des prises de participation au capital des entreprises financées. A leur constitution, le capital initial de ces banques a été pour moitié apporté par l'État tunisien et pour moitié par des organismes publics de pays arabes. L'objectif initial était de contribuer à la mobilisation des ressources nécessaires au financement du VIème plan de développement (1981-1986). En plus des banques de développement nationales (BDET, BNDT...), six banques tuniso-arabes, ont été créées : la BTKD avec le Koweït, la STUSID avec l'Arabie Saoudite, la BTEI avec les Émirats Arabes Unis, la BTQI avec le Qatar, la BCMA avec l'Algérie et la BTL avec la Libye. Ces banques ont largement contribué à l'essor du secteur touristique et à la création des projets industriels. Mais, face à l’interruption de la politique d’incitation de l’investissement privé, aggravée par la suppression brutale de la protection douanière, l'activité des banques de développement s'est progressivement essoufflée, pour succomber à un assassinat. Même la BDET, fleuron des banques d’investissement prise comme modèle par les pays amis a été absorbée par sa fille.
 
A la BIAT, ayant fait confiance à ses amis et ses élèves, il a conduit une stratégie d’ouverture et de filialisation des activités annexes (GAT, SOFIAT, SINAT, PROTECTRICE, ….). De retour du Gouvernement Mzali, son Conseil d’Administration a confirmé son ami à la présidence de la Banque, et lui a consenti le poste de Président Fondateur-Honoraire. Ses performances lui ont attiré la jalousie ses amis, et lui ont causé en Mai 1993 une embuscade vicieusement tendu par certains loups de Carthage.
 
Le plan diabolique subtilement cousu a conduit la Banque à observer une pression autocratique, jusqu’à forcer le départ de son fondateur. Je me souviens du Jeudi noir, le 13 Mai 1993. En faisant ma toilette au petit matin, je n’ai pu maîtriser mon émotion, le rasoir électrique se mouillant par des larmes déversées sur mon visage. A 9h30, Si Mansour me reçoit agréablement dans son bureau. J’ai pu converser avec lui en toute sérénité, avant qu’il ne quitte définitivement la Banque. Quelques jours après, et connaissant mon dévouement pour Si Mansour, on me chargea de convoquer les actionnaires de la FONDATION en Assemblée Générale Liquidative, instruction que j’ai été amené à concrétiser non sans amertume.
 
A présent, un cercle d’amis s’est montré très enthousiaste à l'idée l’idée de mettre à contribution Si Mansour dans des ateliers de réflexion stratégique, auxquels entendent participer activement grand nombre de concitoyens, n’ayant pas de coloration politique et ne voulant pas s’engager dans des partis, pour réfléchir et débattre ensemble des sujets de l’heure.
 
Cette orientation trouve également sa motivation dans l’absence de débats socio-économiques, dans une phase de transition démocratique particulièrement assoiffée au traitement des problématiques les plus épineuses, impactant à la fois l’emploi et l’entreprise, dont notamment :


1) analyse des motivations et enjeux de la révolution de la dignité : injustice sociale, disparité des richesses, précarité de l’emploi, chômage particulièrement des jeunes diplômés, ….
2) identification de solutions de résorption du chômage : préservation des emplois, création de nouveaux emplois
3) diagnostic du système éducatif et de son inadaptation aux besoins économiques : pistes de solution
4) adaptabilité de l'enseignement supérieur aux besoins futurs en compétences humaines
5) analyse rétrospective des investissements et identification de moyens de relance
6) redressement des fondamentaux économiques : stratégie & plan d’actions
7) restructuration du système financier et reprofilage des leviers financiers
8) benchmark des pays compétiteurs de la Tunisie et récepteurs d'Investissements extérieurs
9) benchmark des modèles économiques & sociaux, et success stories
10) motivations & enjeux de l'établissement de barrières douanières (techniques, normatives, et anti-dumping)
11) mécanismes incitatifs à l'investissement: Industrie, Agriculture, Tourisme, ...
12) identification des grands projets ‘‘locomotives’’ viables économiquement et rentable financièrement
13) recherche de fonds d’investissement arabes pour le financement des grands projets & investissements privés
 
Animé encore d’une bonne volonté pour s’investir pour la Patrie en dépit de son âge avancé, Si Mansour bénéficie de la légitimité requise pour rassembler les forces vives du pays autour des sujets de l'heure et catalyser l'éclosion de débats féconds. En outre, sa neutralité politique fait de Si Mansour la personnalité la plus crédible et la mieux placée pour animer des ateliers de réflexion stratégique, dont les livrables pourraient être utiles pour le Gouvernement transitoire actuel et celui issu de la Constituante, voire même aux divers Gouvernements qui émergeront après l’adoption du nouveau Destour.
 
Ayant abordé avec lui le sujet, il me répondit : ?? ???? ????????? ?????? ????
 
L'idée partagée avec certains amis consiste à le convaincre de parrainer un groupe d'Intellects (Hommes d'affaires, Économistes, Ingénieurs, Universitaires, .....), en vue de débattre périodiquement des thématiques cruciales, dominant la phase de transition démocratique que traverse notre pays pouvant se prolonger en 2012.
 
NOTA 1: Dans son interview à La Presse (du 04/04/2011), Si Mansour  pose le véritable problème politique de l'heure qui n’est autre que le cafouillage des partis sur le terrain : (1) tenter de séduire la masse sans programme, (2) attirer des sympathisants parmi les jeunes, (3) s’obstiner à limiter la montée de l’extrémisme sans alliance au centre. 

«Je peux comprendre les ambitions propres des uns et des autres, mais il faut penser à l’avenir du pays. Si les uns se laissaient tenter par une alliance avec Ennahdha et les autres avec l’extrême gauche, ils se laisseraient phagocyter et le pays avec». Par cette phrase, M. Mansour Moalla a traduit l'angoisse que vit la plupart des tunisiens partisans de la tolérance, la clémence et la médiation (valeurs prônées par notre religion).

Au sujet de la gouvernance de la Nation, M. Mansour Moalla souligne des précisions de taille: ''La majorité du pays n'est ni pour l'extrême droite ni pour l'extrême gauche - La période de transition devrait favoriser l'éclosion d'une majorité centriste - Le parti Ennahdha doit s'adapter à cet avenir que voulons tous pour le pays, et montrer qu'il n'a pas de vues extrémistes.''
 
NOTA 2: Dans son  nouvel ouvrage «De l’indépendance à la Révolution : système politique et développement économique», Si Mansour Moalla considère que la plus grande priorité est le sauvetage de l’économie nationale, et la plus grande réforme à long terme concerne le système éducatif.  Trois grands problèmes sont alors à résoudre:

1)    Aggravation du chômage, notamment le chômage des diplômés (150.000 à 200.000), d'où une urgence d'inverser la tendance par la promotion de l'Emploi durable

2)    Divorce entre le Système Éducatif et le Système Économique, problème à soigner par une meilleure adaptation de la formation des jeunes aux besoins de l’Entreprise. Il faudrait créer des universités vivantes, indépendantes et incitatives, accompagnant l’économie nationale. Le challenge consiste à former des jeunes employables.

3)    Baisse importante du taux de croissance économique aggravée par une stagnation des investissements. Après avoir représenté 30% du PIB en 1970-1980, les investissements ne pèsent plus que 22%. La politique d'investissement est donc à revoir.
 
Mohamed Chawki Abid