News - 07.03.2011

La confiance retrouvée ?

Il est venu, il a parlé, il a convaincu. Il aura suffi de quarante minutes, vendredi dernier, pour calmer la rue, persuader les jeunes de la Kasbah de cesser leur « sit in »  et inciter les employés à mettre une sourdine à leurs revendications salariales. Pour sa première intervention, M. Béji Caïd Essebsi a fait un carton. A contrario, on comprend mieux l’échec des gouvernements  Ghannouchi  1 et 2.

Personne ne met en doute la bonne volonté du Premier ministre, ni en cause son bilan.  Ce qui faisait problème, c’était le déficit  de communication. Les  brillants technocrates qui constituaient la majorité du  Cabinet étaient avant tout des hommes de dossier à l’instar du premier d’entre eux,  un homme d’une parfaite intégrité, au faîte des grands défis économiques que notre pays a à relever mais dont le talon d’Achille était précisément la communication.

Certes, on a eu droit à une ou deux interviews et à une déclaration d'adieu, suivie d’une conférence de presse improvisée sur…Eljazeera, mais outre le fait qu’on avait l’impression d'avoir affaire à un homme qui forçait son tempérament, c’était trop peu en 40 jours alors que les rumeurs les plus folles circulaient,  que le gouvernement était attaqué de toutes parts, que La situation sécuritaire était catastrophique et que l’économie était pratiquement paralysée. Il fallait occuper le terrain, rassurer la population, lui donner des raisons d’espérer. A mesure que le temps passait, le hiatus entre le pays réel et le pays officiel  allait crescendo pour aboutir in fine à cet appel injustifié et injustifiable au meurtre lancé au cours d’un débat sur… la chaîne nationale  par un jeune exalté.  Découragé, M. Ghannouchi finira par jeter l’éponge, ne voulant pas être « l’homme de la répression ».

 Apparemment, la leçon a été retenue. Depuis, sa nomination, il y a une semaine, M.Caïd Essebsi multiplie les déclarations. Et les résultats ne se sont  pas fait attendre. La confiance retrouvée en quelques jours au point de nous faire oublier les scènes de pillage à Tunis qui remontent à peine à dix jours. Les Tunisiens semblent satisfaits de leur Premier ministre.  On ne sait pas trop  si cet optimisme reflète la situation sur le terrain ou si la population pratique la méthode Coué en espérant que ses désirs finiront  par se transformer en réalité. C’est un phénomène classique.   On appelle cela l’état de grâce, cette période d’euphorie où tout vous sourit, où même vos adversaires n’osent pas vous adresser la moindre critique, pour ne pas se mettre en porte-à-faux par rapport à l'opinion publique. Mais pour le moment, ne boudons pas notre plaisir, le pays remonte la pente, lentement, et espérons-le sûrement, irréversiblement. Le style bon père de famille du nouveau premier ministre plait. 

Bon vent, si Béji. A 85 ans, la révolution vous offre l'occasion d'entrer dans l'Histoire par la grande porte.

HB