News - 21.02.2011

Mouldi Kefi, nouveau ministre des Affaires Etrangères: les dossiers prioritaires de la diplomatie tunisienne

C’est finalement, M. Mouldi Kéfi, diplomate de carrière et ancien ambassadeur qui a été nommé ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire, après la démission d’Ahmed Ounaies. Il a prêté serment lundi matin, devant le Président de la république par intérim, M. Foued Mebazaa.

Courtois, mais strict, fin connaisseur de l'Amérique du Nord, de l'Afrique et de l'Asie, en plus de l'Europe, il jouit du respect de ses collègues. Le gouvernement provisoire est allé le chercher de sa retraite, pour présider aux destinées de la diplomatie tunisienne.

A 65 ans, qu’il vient de boucler le 10 février dernier, ce licencié de Philo de la Faculté des Lettres de Strasbourg (1971) a grimpé un à un les échelons des affaires étrangères, de simple Attaché des Affaires étrangères à Ministre Plénipotentiaire hors classe, alternant affectations au siège et en poste à l’étranger, notamment à Prague, Berlin et Londres, avant d’être nommé ambassadeur à Lagos (1990-1994), Moscou (1996-1999) et Jakarta (2002-2005), dernier poste avant la retraite.

Sur la colline du Nord Hilton, dans cette nouvelle bâtisse qui abrite le siège du ministère, M. Mouldi Kéfi doit faire d’urgence à de nombreux dossiers pressants. D’abord rassurer les équipes et remettre le ministère en action, mais aussi redéployer la diplomatie tunisienne, dans cette délicate phase de transition. Reprendre contact avec tous les pays frères et amis, renouer les fils avec les organisations internationales et les institutions financières, porter le nouveau message de la Tunisie, contribuer à l’organisation et à la réussite de la conférence de Carthage, faire aboutir le dossier du statut avancé avec l’Union européenne et préparer le terrain au nouveau gouvernement qui prendra la relève. S’il parvient à s’assurer du soutien du personnel, le nouveau chef de la diplomatie a de fortes chances de réussir dans sa mission

Pourquoi Habib Kaabachi s'est désisté

Plusieurs noms avaient circulé la semaine dernière pour pourvoir à ce poste,  notamment celui d’Habib Kaabachi, étant parmi les plus tangents. Pressenti, et appelé à Tunis pour des premiers contacts avec le Président de la République par Intérim et le Premier ministre, cet ancien ambassadeur exerçant actuellement à l’OCI à Djeddah, a du essuyer une campagne virulente de rejet que l’intéressé attribue à certains de ses détracteurs de longue date. Dans une interview à notre consoeur Fatma Ben Abdallah Karray (Ech-chourouk), Habib Kaabachi est revenu sur ce qu’il considère comme une cabale montée contre lui par un ancien collaborateur ce qui lui avait valu d’être traduit devant la Chambre de Discipline Financière de la Cour des Comptes, avant d’être réhabilité et nommé à nouveau  ambassadeur, cette fois-ci à Amman, puis directeur général pour le monde arabe. Face à ces attaques, il a préféré décliner le poste et sauvegarder sa dignité, refusant de se prêter à la moindre polémique et se déclarant toujours prêt à servir le pays, là où il peut se trouver.

Ceux qui connaissent bien Habib Kaabachi, disent de lui d’abord qu’il a « un caractère racé » et n’a pas été gâté par la chance. A peine nommé à son premier poste ambassadeur, il a été surpris en août 1990, par l’invasion du Koweit qu’il a vécue pleinement. Nommé en Jordanie, après sa réhabilitation, il a été rappelé en pleine année scolaire, le poste étant convoité. Une troisième épreuve l’attendra, alors qu’il  était directeur général du monde, il a été relevé de ses fonctions tout simplement pour des instructions qu’il n’avait pas reçues.

« L’histoire ne s’arrête pas là, ajoute un de ses proches. La maison qu’il avait faite construire sur un terrain obtenu de l’AFH, après une attente de 20 ans, sur l’autre versant de Gammarth vers les quartiers populaires et où il avait  mis toutes ses économies et surtout toute sa vie en souvenirs et documents a été pillée et incendiée lors des évènements du 14 janvier . Trop, c’est trop, pour Habib Kaabachi qui ne pouvait plus supporter le moindre choc, la moindre calomnie. »

Une nouvelle diplomatie doit s'inventer

Quel que soit le titulaire du poste à la tête de la diplomatie tunisienne, une refonte totale de l’approche, du discours et des outils s’impose, tant au siège que dans les missions consulaires et diplomatiques tunisiennes. L’appel le plus forts qui doit être entendu, c’est celui de la professionnalisation, de la modernisation et de la recherche de la performance, en plus d’une rupture totale avec les anciennes pratiques et le style salonnard désuet. Le choix des chefs de postes et de tous ceux qui sont affectés à l’étranger, la nature de la relation entre eux et les méthodes de travail doivent changer complètement pour n’obéir qu’au seul  critère de la compétence, en plus du patriotisme.

Des contrats par objectif gagneraient à être mis en place et rigoureusement respectés, nos postes doivent fonctionner, tels des entreprises, sous bonne gouvernance, en toute transparence, avec le souci permanent de la relation avec les Tunisiens à l’étranger et les partenaires de la Tunisie et dans l’optimisation des ressources allouées. Et surtout, il faut en finir avec cette vieille pratique qui consiste à confier les postes les plus prestigieux à d'anciens ministres ou hauts cadres de l'administration pour services rendus.

Pour rendre justice à la grande majorité de nos diplomates en poste à l’étranger, nous devons aussiréclamer une revalorisation de leurs émoluments afin de leur permettre de faire face à l’augmentation substantielle du coût de la vie dans le pays de leur résidence. Il ne faut pas percevoir l’affectation à l’étranger uniquement comme une opportunité de constituer une petite épargne, au prix de grands sacrifices, pour acquérir un logement et une voiture, mais une occasion exceptionnelle pour servir son pays et rayonner.

Les budgets des postes consulaires et diplomatiques ont souvent été comprimés au maximum pour ne laisser que des conditions difficiles de travail. Les coupes continues, alors que tout augmente, privent nos diplomates des moyens d’agir. Maintenant que l’argent public n’ira pas pour soudoyer les thuriféraires et les fausses ONG, comme cela se pratiquait couramment par le passé, on saura au moins puiser dans ces fonds occultes les premières rallonges indispensables.Il ne suffit pas d'avoir  de grandes ambitions pour notre  diplomatie, il faut lui en donner les moyens.

Une nouvelle Tunisie est née, une nouvelle diplomatie doit s’inventer.