Opinions - 23.02.2011

Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l'Education

Un vent de liberté souffle enfin sur la Tunisie. Ah cette liberté !  qui ne l’a pas espérée , désirée, rêvée. Maintenant  qu’elle est à portée de main , peut-être ne faudrait –il pas la bafouer ,mais plutôt  apprendre à la dompter. Il est vrai que nous sommes des novices et qu’on ne fait pas de gâteau sans casser des œufs.  Certes, mais quand on est chargé d’un ministère, qui de plus est celui de l’enseignement ,on n’a pas droit à l’erreur. Sauf votre respect, je pense Monsieur le ministre que vous en avez fait une en acceptant de débattre avec des élèves déchaînés, éructant la haine et qui plus est abonder souvent dans leur sens alors qu'il aurait fallu  leur expliquer ce qu’est la liberté d’expression, leur montrer ce qu'elle implique comme devoirs et responsabilités et leur préciser que la calomnie et la diffamation sont « des restrictions imposées à la notion de cette liberté d’expression pour toute parole publique », faute de quoi, elle risque d’engendrer les pires haines .En effet, l’expression d’idées « est à la source de toutes nos actions » mais  nos haines ne commencent-elles pas par des pensées ou plutôt par des « idées tordues ». Ne faudrait-il pas empêcher que de telles idées germent dans les esprits encore fragiles de certains de  nos adolescents. Vous avez cru bon de canaliser l’énergie de nos enfants en rébellion en leur permettant de se trouver un bouc  émissaire en la personne du « professeur » et du même  coup vous en faisiez des alliés. Pour une fois, le premier responsable de l’enseignement est du côté du plus « faible ».  Je ne veux pas revenir dans le détail  sur ce débat où l’enseignant bon ou mauvais a été livré en pâture , mais  juste en  énumérer quelques malheureuses conséquences :

  • un élève a failli étrangler une surveillante qui lui demandait de se calmer
  • un autre un peu plus indulgent a juste injurié une surveillante qui lui faisait remarquer qu’il était 8H25 et qu’il ne pouvait pas se rendre en classe 
  • un professeur s’est vu reprocher par ses élèves de faire trop de cours de rattrapage pour une matière à coefficient 1 au bac(il faut savoir ce que l’on veut….) A la suite de quoi, ces élèves ont  pris la liberté de boycotter les cours tout en essayant de ridiculiser leur enseignant
  • les agressions verbales et même physiques ne se comptent plus…….
  • les élèves s’immiscent dans les  petites disputes entre employés de l’administration, prenant parti pour tel ou un tel. Tout cela est, bien sûr, filmé avant d'être lancé sur facebook.
  • les règlements de compte ne se comptent plus. Tel prof   note large, tel autre est  trop exigeant ou  a réprimandé tel ou tel élève (bien qu’à juste titre) et bien ! il va en baver.
  • un autre prof croyant bien faire en fixant son devoir en dehors des heures de cours se voit pratiquement agressé par des élèves furieux . 

Monsieur le Ministre, vous le savez certainement mieux que moi, l’expression de votre liberté « c’est la façon dont votre liberté se réalise, se montre et se donne…». La liberté qui a été proposée à nos enfants au cours de ce débat est synonyme d’indiscipline, d’irrespect, d’arrogance, de manque de jugement , d’impolitesse, d’ingratitude ,de calomnie , d’anarchie, de violence…? Ce qui est sûr, c'est que ce genre de débat  n'est pas de nature à faciliter ma tâche en tant que parent et enseignante.

Tout en vous priant d'agréer l'expression de ma parfaite considération, permettez-moi de  vous rappeler  enfin que votre premier objectif est de sauver l’année scolaire.  Faire miroiter à ces enfants leurs droits sans leur préciser  où sont leurs devoirs ne me parait pas être la meilleure façon d'y contribuer
 

Mm Bennys-Slama Aicha
( Professeur en SVT)