Notes & Docs - 04.02.2011

Passation : Mohamed Naceur Ammar pointe les insuffisances en TIC

L’usage voulait que les discours de passation s’attardent sur le bilan des réalisations. M. Mohamed Naceur Ammar, quittant le ministère des Technologies de la Communication a préféré pointer les insuffisances du secteur. Dans le discours de passation qu’il a prononcé en présence de M. Afif Chelbi, ministre de l’Industrie et de la Technologie, en charge des TICs et son successeur direct, M. Sami Zaoui, Secrétaire d’Etat aux Technologies de la Communication, il a d’abord exprimé son adhésion « à la révolution du peuple pour la liberté, la dignité et la démocratie » et souligné surtout 9 grands défis à relever. Document.

« Je suis entré au sein du dernier gouvernement du président déchu un 14 janvier 2010 et je n’avais d’autre choix que l’acceptation d’assumer la responsabilité du secteur des TIC…

J’étais donc nommé  ministre des technologies de la communication une année jour pour jour avant le 14 janvier 2011, date de la révolution du peuple tunisien pour la liberté, la dignité et la démocratie…

Je voudrais d’abord exprimer ma grande émotion à l’occasion de cet événement historique qui porte des aspirations sociales, économiques, politiques et culturelles de tout un peuple. Qu’il me soit aussi permis de saluer la mémoire des martyrs tombés pour la Patrie.

En des circonstances pareilles, la règle veut que l’on parle des réalisations du secteur des TIC durant mon court mandat. Eh bien, je vais déroger à cette règle eu égard à la criticité de la période par laquelle passe notre cher pays. D’ailleurs, les réalisations accomplies –et il en existe- sont à mettre plutôt à l’actif de tous les agents sincères qui ont accepté de collaborer pour le bien du secteur. Je voudrais à cette occasion leur rendre hommage et saluer leur dévouement, leur patriotisme et leurs compétences.

Loin de toute langue de bois, je préfère parler des insuffisances du secteur ou plutôt des défis à relever pour que les TIC puissent retrouver leur place en tant que moteur de la croissance économique et facteur du développement intégral dans notre pays.

Les principaux défis auxquels le secteur doit faire face sont :

  1.  Le rattrapage du retard occasionné dans la libéralisation du secteur et la démocratisation de l’accès à l’Internet haut-débit, en comparaison non seulement par rapport à des pays économiquement avancés mais aussi par rapport à des pays économiquement comparables comme la Malaisie ou le Maroc. Ce rattrapage est d’autant plus urgent que l’on assiste à un développement effréné des TIC dans un contexte marqué par la convergence entre les télécommunications, l’informatique, l’Internet et l’audiovisuel. 
  2. La restructuration de l’Internet et le bon positionnement dans la chaine de valeur de tous les acteurs clés, les opérateurs de télécommunications, les fournisseurs de services et les fournisseurs de contenu, en vue d’un environnement concurrentiel propice à l’augmentation des débits d’accès, à  la baisse des tarifs et à l’amélioration de la qualité des services.
  3. La reprise, après un arrêt de plus de 3 ans, du programme des publinets dans le sens d’en créer davantage surtout dans les régions rurales et d’en diversifier les activités pour pérenniser l’espace économique qui leur est alloué.
  4. Le renforcement du rôle de l’Instance Nationale des Télécommunications dans l’instauration d’une concurrence saine et loyale entre les opérateurs des réseaux de télécommunications dans tous les segments des services offerts au public. Ceci passe inéluctablement par doter cette Instance des ressources nécessaires afin qu’elle s’acquitte mieux de sa mission de régulation dans les marchés des télécommunications et de l’Internet et qu’elle puisse imposer de nouvelles règles de jeu entre les opérateurs pour la fixation des tarifs de gros en matière d’interconnexion, de partage des infrastructures, de dégroupage de la boucle locale, de l’accès à l’Internet haut-débit et de la portabilité des numéros. Cette régulation devrait être par ailleurs synchronisée avec la politique sectorielle de développement de l’économie numérique.
  5. Une transformation en profondeur de Tunisie Télécom pour que cet opérateur historique puisse affronter le nouvel environnement concurrentiel et se positionner comme un acteur clé dans le développement du secteur. Une restructuration organisationnelle, financière, commerciale, sociale et humaine s’impose.
  6. La poursuite du programme d’édification d’espaces technologiques « Clusters », technopôles, techno-cities et cyberparcs pour l’attraction des IDE.
  7. La révision du programme national de certification des compétences en TIC dans le sens d’en assouplir les modalités de financement et d’en assurer la diffusion au niveau des régions, afin qu’il puisse atteindre les objectifs en termes de renforcement des capacités et d’amélioration de l’employabilité des jeunes diplômés du supérieur.
  8. Le développement d’une véritable industrie du contenu par la réalisation de grands projets stratégiques ou mobilisateurs dans différents domaines comme l’administration, la santé, l’éducation, l’assurance maladie, le transport, l’industrie, le tourisme, la culture, etc., d’une part, et par la promotion de l’externalisation des activités liées aux technologies numériques d’autre part.
  9. L’édification d’un système pour la promotion des activités de Recherche, de Développement et d’Innovation en TIC, par la mobilisation de tous les acteurs, opérateurs de télécoms, équipementiers, grandes entreprises du secteur, PME et SSII, structures de recherche, structures d’incubation et de financement de l’innovation, autour de projets fédérateurs orientés vers le marché et financés essentiellement par des ressources privées.

Il s’agit là des principaux défis que le secteur doit relever rapidement au risque de freiner le cercle vertueux source d’innovation et de croissance, basé sur la triptyque : déploiement du haut-débit, renforcement du capital humain et  développement du contenu numérique.

Dans le contexte actuel marqué par des transformations profondes en vue de refonder les bases d’un Etat démocratique, je suis confiant et optimiste quant à l’avenir de notre pays d’autant que le climat est plus que jamais propice pour une bonne gouvernance par le décloisonnement total ou le bannissement des barrières entre l’administration et le citoyen, entre l’administration et l’entreprise, entre l’entreprise et le système financier, entre l’université et l’entreprise, entre la production et la R&D, entre les technologies du futur et les jeunes chercheurs et entrepreneurs, entre le secteur public et le secteur privé, entre les projets nationaux et les projets internationaux, entre les activités de l’Offshore et celles de l’Onshore, et enfin entre les élites politiques, scientifiques et culturelles et le peuple. 

Ce décloisonnement devrait être accompagné par une séparation totale entre l’Etat et les partis politiques dans le cadre d’une rupture définitive avec les pratiques du passé.

Avant de terminer, je voudrai adresser mes félicitations au camarade atugéen Sami Zaoui lui souhaitant ainsi qu’autres membres du gouvernement transitoire du succès en vue de la concrétisation des aspirations du peuple tunisien.

Vive la Tunisie, ce petit pays mais néanmoins cette grande nation, jouissant désormais d’une reconnaissance du monde libre. Vive la démocratie. Vive le grand peuple tunisien.»