Opinions - 20.01.2011

Elyès Jouini et Abdelwaheb Meddeb lancent un appel pour réussir la transition démocratique en Tunisie

Le peuple tunisien a fait preuve d’une maturité exemplaire. Pour achever sa révolution, il s’engage aujourd’hui avec fermeté et détermination dans la construction d’un véritable Etat de droit avec une justice indépendante, un processus démocratique transparent, un parlement représentant la diversité politique et régionale et un gouvernement responsable devant la Nation.

Réussir une transition démocratique après 55 ans de régime autocratique est une tâche lourde et difficile qui nécessite concertation et doigté. Les 6 prochains mois seront, sans nul doute, semés d’embuches.

A peine un gouvernement provisoire a-t-il été mis en place et déjà les premières tensions se font jour. Dissensions, négociations, démissions, … ce n’est que le début ! Cette révolution n’a que quelques jours même si les nuits sans sommeil, les espoirs si longtemps enfouis et qui éclatent au grand jour, l’attente et les craintes… ont accéléré le temps et rejeté l’avant 14 janvier dans un passé lointain.

Un passé lointain mais toujours présent dans notre esprit, suffisamment présent pour que toutes et tous aient envie de clamer « plus jamais ça ! »

Nul homme providentiel même si la révolution a déjà ses figures devant lesquels nous devons nous incliner car ils nous ont appris le don de soi et le rejet de la violence. Ils nous ont appris que l’on peut se battre pour les valeurs de justice, d’équité, de liberté d’expression et de solidarité et que ces valeurs nous transcendent. Bref, que notre combat vaut plus que nous.

Cette révolution n’a pas eu besoin d’un homme providentiel et chacun a peur qu’elle ne soit confisquée au peuple qui l’a portée. Et pourtant, il nous faut bien continuer à gérer les affaires courantes et pourtant il nous faut bien construire les institutions de demain. Et nous savons que pour ce faire, nous pourrons nous appuyer sur une administration, qui a longtemps été dévoyée au profit d'un  clan, mais qui a su préserver une réelle compétence et une culture de service public.

Le gouvernement actuel est il en mesure d’engager les réformes nécessaires? Il n’a pas, à ce jour, donné assez de gages ! Il aurait pu engager des poursuites, annoncer la séparation complète et définitive entre le parti et l’état, annoncer le calendrier et les modalités d’une procédure électorale au dessus de tout soupçon… Mais cette révolution n’a que quelques jours ! Il aurait pu faire appel à tel ou tel et éviter tel autre… Mais ce n’est qu’un gouvernement de transition ! Un gouvernement de transition pour gérer les affaires courantes, un gouvernement de transition pour préparer les prochaines étapes.

Alors oui, il faut qu’il s’engage, il faut qu’il s’engage sur les intentions de ses membres et sur ses intentions collectives, il faut que ses membres portent un regard lucide sur leur passé individuel et sur notre passé collectif, il faut communiquer sur les abus, les détournements de fonds et sur les moyens mis en œuvre pour les récupérer, il faut réorganiser l’appareil sécuritaire pour éviter toute tentative de déstabilisation, il faut qu’il s’engage sur un calendrier et sur des procédures, il faut qu’il donne des garanties tangibles pour que les élections ne soient pas confisquées, il faut identifier et dénoncer les pratiques de fraude électorale anciennes, il faut remettre l’organisation des élections à des femmes et des hommes nouveaux. Aujourd'hui, les jeunes sécurisent leurs quartiers, demain il faudra qu'ils soient en première ligne pour le contrôle du bon déroulement du scrutin.

Des femmes et des hommes ont souffert tout au long de ces années et ils voient leurs efforts couronnés de succès mais il faut aussi qu’ils voient leurs souffrances reconnues. Il faut reconnaître erreurs commises et souffrances endurées.

La tâche est difficile et pourtant un gouvernement prenant acte de ce qu’il est au service du peuple et non pour administrer le peuple est capable de relever ce défi. Non pas qu’il serait le meilleur, mais parce que le peuple tunisien est là, vigilant !

Il est vain, en effet, de chercher le gouvernement idéal, il sera toujours contestable. Face à tant d’incertitude et de complexité pour mener cette transition et organiser un nouveau paysage politique sans compromettre davantage l’économie et la solidarité, aucun gouvernement ne peut être à la hauteur de la tâche, à priori. C’est en avançant que nous apprendrons tous collectivement. Il nous faut nous projeter dans un modèle où ce ne sont pas tant les personnes qui comptent, mais les mécanismes. Cependant, dans cette construction progressive, des risques fondamentaux doivent être écartés par la prise de certaines décisions fortes et irréversibles et il faut y veiller.

Les modalités de cette veille restent à finaliser. Elle s’appuiera, pour une large part, sur la liberté d’expression et, nous le savons désormais, sur les nouvelles technologies.

Il nous faut faire converger toutes nos énergies. Les manifestations, les comités de quartier, les échanges sur la toile, les manifestes, les groupes de réflexion, les débats,… tout révèle que nous souhaitons désormais prendre notre destin en main dans un énorme élan de mobilisation et de solidarité, avec nos demandes, avec nos exigences, avec notre vigilance !

Alors, oui, demandons, exigeons, soyons vigilants et jugeons sur pièce !

Elyès Jouini, universitaire,
Adel Kalai, médecin,
Sami Mebazaa, entrepreneur,
Abdelwaheb Meddeb, écrivain,



 

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22 Commentaires
Les Commentaires
Slaheddine Belaïd - 20-01-2011 10:58

Je souscris entièrement à l'appel des éminents professeur et écrivain Elyès Jouini et Abdelwahab Meddeb. Slaheddine Belaïd, ancien ministre

Hananchi Nadia - 20-01-2011 11:32

Bravo pour cet appel qui fait un constat juste et lucide de la situation actuelle et exprime ce q'une majorité de citoyens souhaite et est prête à réaliser

Bahri REZIG - 20-01-2011 13:29

Je fais confiance à des compatriotes dévoués et de valeur. leur analyse est pertinente et opportune. J'y souscris totalement. Mais il nous manquera des relais en Tunisie car c'est sur le terrain que tout va se jouer. Est venu le jour où l'université et les forces vives de la nation où qu'ils soient pourront DONNER et ALLER DE L'AVANT sans avoir à rendre des comptes auprès de petits tyrans en quête de promotion.

Marie-Noelle DUREGNE-SIFAOUI - 20-01-2011 13:45

Jugeons sur pièce est la conclusion de l'article. OK mais combien de temps faut-il attendre connaître les intentions politiques des membres du gouvernement, pour connaître leur position sur le système de parti unique, sur les corruptions et le clientèlisme?... Ca ne fait que 3 jours ? Je dirais que ça fait déjà 3 jours ! Aucune poursuite à l'encontre de Ben Ali et de sa femme, aucune rupture claire avec le RCD (démissionner de ses mandats ne suffit pas !), des commissions uniquement consultatives... C'est quand même inquiétant...

Lilia Kammoun - 20-01-2011 14:15

Je suis parfaitement d'accord avec les auteurs. Il faut se résigner et reprendre une vie normale. BOURGUIBA nous a appris que "??????? ?????" est le meilleur gage de réussite. Nous avons remporté une grande victoire et nous devons maintenant CONSOLIDER nos acquis. Faisons confiance à ce gouvernement TRANSITOIRE, laissons-le travailler, et reprenons nous-mêmes notre rythme de travail. Notre économie en a besoin. Dans 6 mois, nous ferons le point.

Ali Karrech - 20-01-2011 14:16

La vigilance est le prix de la liberté, mais donnons au gvt la chance de mettre le train sur les railles. Il me parait absurde de demander tout a' la fois. Il faut avoir de la patience pour que les choses avancent. Une chose est sure, nous sommes de nouveau fiers d’être tunisiens et c'est grâce au peuple tunisien et ses martyrs. Bonne chance a' toutes et tous.

marrakchi ouafi - 20-01-2011 17:53

merci messieurs merci pour votre patriotisme que vous avez toujours manifesté et que vous continuer a manifester. jugeon s sur piece: le premier ministre et les autres ministres de l'RCD demissionent de leur respensabilité au RCD mais pas du RCD!!! aucune action judiciere contre le RCD aucune saisit de bien aucune poursuite pour le detournement des bien du pays pour extorsion de fonds ....... la preuve une seule est suffisant la tour de l'av med 5 et son financement et ce n'est pas la preuve la plus apparente. Le peuple a donné les gages de son patriotisme c'est a ceux qui veulent ou qui 3acceptent" de se devouer pour le faire d'en donner. sur tout que leur passé est au moins remplis de naiveté pour ne pas de passivité ou de comprmotion. Mais soyant passions a condition que tout les tunisions et les plus intellectuels parmis eux jurent qu'ils seront vigilant qu'ils ne fairont pas de compromis en sous terrain. Jurer le mr ilyes et vous tous et on vous suivra pour donner une chance mais jamais plus jamais de cheque en blanc a qui conque

BELAJOUZA Yamina - 20-01-2011 19:43

je souscrit entièrement à cet appel

Chafika Chamas - 20-01-2011 23:09

Je dirais un seule citations paraphrasant Albert Einstein: "On ne règle pas un problème en utilisant le système de pensée qui l'a engendré. Ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre." Oui nous devons tous nous remettre au travail, oui nous devrons faire des sacrifices pour rebondir, oui à la solidarité, mais n'oublions pas que c'est le peuple qui nous a libéré du joug de cette dictature, et que depuis quelques jours le peuple n'est plus "entendu". On reste sourd à ces revendications légitimes et on ne prend même pas la peine de communiquer sur ce silence. les vieux réflexes de langue de bois devraient être bannis à JAMAIS. Je reste tout à fait optimiste quand même, la Tunisie peut compter sur ses hommes et ses femmes de tout bord à présent qu'ils ton ARRACHE le droit à la liberté de parole.

mahdaoui - 21-01-2011 06:33

merci . poursuivez s'il vous plait vos commentaires et analyses. persipicacité vivifiante.

Wahib Berrayana - 21-01-2011 09:29

Heureux pour notre liberté, et disponible pour agir en sens,

Ezzine Nabil - 21-01-2011 09:40

On est bien d'accord, maintenons la pression, exigeons, et jugeons sur pièce. Le timing dans les prises de décisions est essentiel pour que les vieux crabes ne tablent pas trop sur un endormissement collectif d'ici quelques mois et n'aient pas à rendre de compte. Aux fameuses commissions et à la justice, pas à la rue. Dans les démocraties qui se respectent, quand un élu ou un grand commis de l'Etat, est soupçonné d'implication dans une affaire frauduleuse, il démissionne immédiatement par respect pour son institution dont ils ne veut pas troubler le fonctionnement, et pour être disponible vis à vis de la justice. Chez nous, ceux sur qui pèsent de fortes présomptions de culpabilité ou de complicité avec l'ancien régime mafieux utilisent de la colle Super Glue pour ne pas dégager! Des décisions doivent être prises très rapidement pour rétablir la confiance, et que l'activité économique, l'investissement et les créations d'emplois et de rechisses reprennent.

Kaabi moncef - 21-01-2011 12:06

Merci pour cet appel que je quotiones entièrement.

Hichem Jouaber - 21-01-2011 16:36

Je suis en complet accord avec cet appel et je le soutiens fermement. D'aucun n'a le droit de priver notre peuple de ses droits et de ses acquis chèrement payés. La démocratie doit maintenant s'inscrire dans les gènes de chaque tunisien quelque soient sa position, son opinion et son rôle C'est notre devoir à tous d'apporter chacun et pour tous, sa pcontribution individuelle et collective à cette aventure fantastique que vie notre chère Tunisie enfin retrouvée

Soulillou Muriel - 21-01-2011 17:14

Le peuple tunisien est admirable! Quelle leçon de maturité et clareté pour tous les peuples! Vive la démocratie en Tunisie!

Kilani JAOUADI - 21-01-2011 21:00

Je suis en accord avec votre texte, aucune composition du gouvernement ne peut être parfaite, mais pour continuer cette revolution du "jasmin, soyons capable de preserver notre demande d'une véritable democratie moderne et garantissant la dignité de chacun. OUI, il faut une justice indépendante...Merci pour cet appel

Hachicha Riadh - 25-01-2011 14:30

Declaration magnifique, des paroles justes, vrais et tres belles, mais tout en adherant totalement a vos idees, permettez moi d'etre inquiet, vous avez employes des dizaines de fois 'il faut' mais penssz-vous vraiment que nous allons pouvoir faire, sommes nous vraiment maitre de nos decitions: le sous secretaire d'etat americain pour le proche orient est comme par hasard a Tunis le jour du remaniment, Larbi nasra et son fils sont remis en liberte, qui a pris ces decisions? mais restons optimistes.

yasmine - 25-01-2011 19:29

Ne soyez pas deçu de se que fait NOTRE beau peuple TUNISIEN il faut en etre fier de plus profond de soit BRAVO a tous les tunisiens et courage yasmiiiine@live.be si vous avez des nouvels sur la tunisie dites le moi svp

besma - 28-01-2011 11:03

J'adhère, sans compromis, à vos idées. Seulement, un aussi beau discours politique doit être forcement suivi d'actes mesurés. Et, je ne peux me retenir, à défaut de paraître cynique,de dire que le tour n'est pas encore joué. En effet, la démocratie "réelle" est la clé de voute d'une cohésion sociale qui permet une convergence des énergies. Or, la méfiance règne dans les rapports entre citoyens tunisiens. Pour progresser, nous devons donc apprendre à vivre, de nouveau, ensemble. Converger nos énergies exige que la paix civile soit instaurée. De ce fait, nous devons retrouver des conditions de vie fondées sur l'entente entre citoyens. Il nous faut alors édifier la paix civile. Cette paix qui concerne la collectivité nationale. Celle ci, passe principalement par l'encouragement de la réconciliation nationale. Le respect des droits de l'homme est, à ce titre, le pillier de tout retour des conditions de vie basées sur l'entente entre citoyens. Ce mode de vie en société est à même de ramener la démocratie. A ce niveau, on peut désoemais prendre notr destin en main.

Abdelhamid ABIDI - 31-01-2011 02:10

Chers Messieurs, Votre appel émane d'un esprit de patriotisme dont je suis fier et je m'adjoins à vous volontairement. Néanmoins, je ne partage que la moitié consistant à donner crédit à l'actuel gouvernement et jugeons sur pièce. Mais je ne suis pas d'accord sur le fait que la classe politique est garante d'un vrai changement. Voyons ensemble. Les deux présidents ayant gouverné la Tunisie sont des tunisiens, nés, socialisés et vécurent en Tunisie. Ils sont les fils du peuple dont ils partagent la personnalité de base. Ils n'ont pas été envoyés du ciel ni venant d'une autre planète. Je ne veux pas dire par là que nous méritons ce que nous avons eu comme type de régime mais si ces régimes et notamment le dernier n'a pas trouvé des hommes et des femmes acceptant la soumission pendant des décennies, par des pratiques de clientélisme et de favoritisme, certes il n'aura pas été rester aussi longtemps. Ces hommes et ces femmes qui ont servi hier le régime de Ben Ali dans différentes instances politiques, administratives et économiques, sont toujours là et si on connaît quelques uns de par leurs responsabilités publiques, les agents en bas de l'échelle tournent la veste et la vie continue. C'est pour cette raison, ce n'est pas les politiques qui ont la clé du décollage démocratique tant que la société n'adhère pas par conviction à ce changement en changeant soi-même. Chacun de nous est responsable là où il est, de veiller tout d'abord sur ses pratiques et participer, à travers les mécanismes qualifiés, au contrôle des instances politiques dans un second temps. Le changement qui vient d'être vécu en Tunisie est un changement tout simplement politique, suite à un soulèvement populaire, mais n'est pas un changement culturel. Les deux changements n'ont pas la même temporalité. Le premier peut se faire brusquement mais le second, le changement culturel, garant et support du premier, ne peut se produire que le-long d'un processus auquel participe l'ensemble des acteurs de la société civile (intellectuels, associations, artistes,..). Ainsi, la démocratie, pas dans le sens représentativité électorale, est une tradition à instituer pour qu'elle soit intériorisée par les esprits et par les corps. Elle est un fait social total. Autrement-dit, elle est à cultiver comme une plante et dont l'ensemble de la société participe à son irrigation. Nous avons devant nous un travail de génération à socialiser sur des valeurs autres que celles du clientélisme, de favoritisme et de copinage. Je vous rappelles chers Messieurs que le 3 janvier 1984 un soulèvement populaire de même taille avait fait couler beaucoup d'encre. Bien qu'il était un soulèvement pour une raison précise et ponctuelle (doubler le prix du pain) mais les acteurs sont les mêmes que ceux mobilisés du 17/12/2010 au 14/01/2011 (étudiants, syndicats, intellectuels, artistes, classes populaires, associations de droits de l'homme...). Quatre ans après, le 7/11/1987, le peuple tunisien avait été enlisé dans une nouvelle ère dictatoriale. Alors quelle leçon tirons-nous ? Est-ce une fatalité ? certainement pas. C'est que les mécanismes sociaux n'étaient pas prêts à fonctionner pour assurer une mutation démocratique réelle. Espérons cette fois-ci, ces mécanismes sont fonctionnels pour accompagner ce changement, je rappelles, de nature politique. Donc, à la limité de mes connaissances, nous devons se battre sur les deux fronts: 1- Front politique d'indépendance des pouvoirs et pluralisme politique des forces de la société civile ainsi que la liberté d'expression. 2- Vulgariser à toutes les couches sociales les valeurs de la démocratie comme valeur sociale tout d'abord (respect de l'altérité, respect de soi, la non soumission, la justice sociale, la liberté,...). Merci pour votre initiative et bon courage à Mr. E. Jouini dans sa mission politique.

SAMI FOURATI - 09-02-2011 08:07

TOTALEMENT D'ACCORD POUR CET APPROCHE IL FAUDRAIT FEDERER LE MAXIMUM DE COMPETENCES POUR FAIRE AVANCER L'IDEE

Tahar - 10-02-2011 20:28

On est en plein dans l'unanimisme. Comme du temps du dictateur et de la dicature: 99,99% sont pour l'"appel". J'ai envoyé un message pour dire mon sentiment sur cet "appel", apparemment, il a été censuré. Bravo les "leaders"!!! On n'est pas sorti de l'auberge!!!

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