Tunisie-Corée du Sud : Comparaison économique pour une sensibilisation citoyenne (Album photos)
Par Abdellaziz Ben-Jebria - J’avais eu dans le temps un instituteur exemplaire que les camarades survivants de ma génération villageoise se souviennent sûrement de lui. Il prenait tous les jours le bus de Sousse jusqu’à Zaouiet, puis continuait le reste du chemin à pied jusqu’à notre école primaire de Ksibet-Sousse; c’était son exercice de marche quotidienne qui lui permettait de rester en bonne forme physique. Il s’appelait Ezzeddine Chattali, un maitre dévoué à sa profession, qui aimait ses élèves profondément, réellement, sincèrement. D’ailleurs, il consacrait une bonne partie de ses vacances estivales à nous donner, volontairement et gratuitement, des cours particuliers matinaux de soutiens scolaires, dans une ancienne école coranique, transformée en "Maison de la Femme", du temps de Bourguiba. Si Ezzeddine Chattali était un passionné de l’enseignement, et un grand pédagogue qui ne manquait jamais d’instiller, avec son habituel talent, un peu d’humour traditionnel, qu’il puise dans les bonnes mœurs plébéiennes, pour trouver des exemples concrètement amusants qui attirent notre attention, et rendre ses cours clairs et perspicacement pénétrants.
L’actualité politique du pays m’a alors incité de m’inspirer de la pédagogie de mon maitre Ezzeddine Chattali pour transmettre un modèle d’une politique-non-politicienne exemplaire, qui avait parcouru le laborieux chemin pour donner d’excellents résultats. Il s’agit d’un exemple économique authentiquement probant qui a montré son efficacité, et qui a démontré au monde entier la réussite de son exemplarité, grâce à une démarche patriotique disciplinaire, et une clairvoyance asiatique du savoir-faire. Ce faisant, comme mon instituteur, j’ose espérer sensibiliser pédagogiquement la population, et surtout la jeunesse tunisienne, à prendre conscience, et peut-être même à se culpabiliser, afin de rattraper le retard économique piétinent du moment. Et c’est en utilisant la méthode de mon cher enseignant que j’expose le modèle exemplaire en question, celui de la Corée du Sud, en comparant concrètement l’évolution historique de son économie à celle de la Tunisie, d’antan et du présent.
En effet, contrairement à la Tunisie qui a une plus grande superficie et une moins dense population (≈ 164 000 km2, 72 habitants/ km2) que la Corée du Sud (≈ 100 000 km2, 500 habitants/km2), ce minuscule, mais dynamique, pays asiatique se trouve en plus dans une situation géographique très défavorable par rapport à notre plus petit pays nord-africain qui, lui, ne manque pas de ressources naturelles de matières premières industrielles, tels que le phosphate, le pétrole, et les minerais de fer, de plomb, de zinc et de sel. En outre, la Tunisie dispose d’abondantes richesses agricoles, à l’instar de la diversité de ses arbres fruitiers, de ses dattiers, de ses agrumes, puis de ses cultures céréalières, et surtout de ses oliveraies qui se classent en quatrième place mondiale, après l’Espagne, l’Italie et la Grèce, mais en première position par tête d’habitant ; et pour finir, on ne peut surtout pas oublier le secteur clé du tourisme qui, attiré par ses 1600 km de son beau littoral, représente presque 14% de son PIB.
Pourtant, la Corée du Sud qui a le désavantage d’être 7 fois plus dense en population que la Tunisie, ne dispose ni de ressources naturelles ou de terres agricoles, à part ses grandes forêts bien boisées, ni de tourisme abondant qui ne représente qu’à peine 0.7% de son PIB. Mais les deux pays ont en commun des jeunesses éduquées et qualifiées; ce qui devrait être en soi un facteur crucial de développement, pourvu qu’il soit intégré dans une vision socio-économique adéquatement planifiée.
Et pour soutenir mes arguments, je me rappelle encore, par mémoire, que dans les années 1960, la Corée du Sud était un pays économiquement pauvre, avec un PIB nominal par tête d’habitant (≈ 260 $/hab.) comparable à celui des pays sous-développés de l’Asie et de l’Afrique, y compris la Tunisie (≈ 230 $/hab.). Cependant, les Sud-Coréens ont su, depuis, d’abord planifier intelligemment pour pouvoir par la suite remonter la pente courageusement, en passant d’un sous-développement agraire à une industrialisation qui stimulait l’exportation concurrentielle sur tous les marchés mondiaux. Cette formidable dynamique industrielle a propulsé gigantesquement l’économie de la Corée du Sud vers le sommet de l’échelle mondiale pour la placer aux premiers rangs des grandes puissances économiques des pays développés, avec un PIB par tête d’habitant qui se situe, de nos jours, aux alentours de 35 000 $/hab.
À l’inverse, avec un bilan financier catastrophique, et un PIB nominal (≈ 3400 $/hab.) dix fois plus faible que celui des Sud-Coréens, la Tunisie se trouve actuellement dans le périgée des pays sous-développés; sa situation économique est malheureusement désespérante sur tous les plans, aussi bien imaginatif, incitatif que productif, malgré tous les atouts de ses richesses naturelles, agraires, marines, touristiques, et éducatives.
Alors, comment peut-on expliquer qu’au bout de 60 ans, la Corée du Sud s’était hissée énergiquement et d’une manière impressionnante à la hauteur de cette puissance économique mondiale ? Alors qu’en même temps, la Tunisie continue de croupir dans la politique de la malversation, la vision du néant, la paresse de ses nonchalants, et la misère de sa population ? Et ce faisant, elle traine nonchalamment dans le sous-développement, malgré tous les aspects avantageux que j’ai largement et explicitement énuméré?
Il est vrai que la corruption est un cancer typique à de la société tunisienne, et c’est un des principaux inhibiteurs de sa prospérité économique ; il est aussi un facteur déterminant de ses vénaux hommes politiques. Mais, l’autre raison fondamentale est réellement culturelle. En effet, les Sud-Coréens-et-Coréennes sont des patriotes exemplaires qui aiment potasser et qui travaillent efficacement presque 24h/24 en se reliant, alors que les Tunisiens, surtout les hommes, passent la plupart de leurs temps sur les terrasses des cafés en fumant du tabac et en aspirant des chichas, à la longueur de la journée, qui coûtent aussi chers que des repas familiaux, pour ceux qui sont mariés; et que font les Tunisiennes, pendant ce temps-là ? Elles se tapent évidemment les corvées de la maison quotidiennement, les tâches ménagères et l’éducation des enfants, mais aussi les soins des parents, journalièrement.
Par ailleurs, nombreuses sont les Tunisiennes qui travaillent professionnellement, après avoir accompli leurs études préalablement, avec des taux de réussite aux baccalauréats (≈ 67%) qui dépassent aisément et constamment ceux des garçons (≈33%), quelques soient les disciplines, scientifiques, économiques, ou littéraires. Nombreuses aussi sont celles de la jeunesse féminine qui raflent majoritairement des diplômes des hautes études universitaires, contre une minorité de la jeunesse masculine.
Pour finir, je me rappelle toujours de ce proverbe populaire tunisien que mon père répétait souvent, pendant ma jeunesse, et que je traduis à ma guise, comme je le comprends : "le travail méritoire est un luxe méritant" (ﺍﻟﺨﺪﻤﺔ ﺗﺤﺒﻟﻫا ﺍﻟﺮﺠﺎﻞ). Faut-il alors aimer son travail pour le mériter? Telle est la question du jour, puisqu’elle fait actuellement l’objet de discussion en France où certains jeunes, plus particulièrement, viennent même de créer une association qui s’intitule "Droit à la Paresse", remettant ainsi en cause la notion du travail ? Libres à eux de se sentir ainsi, pensant au fond de moi, et tant mieux pour eux s’ils ont les moyens à portée de leurs mains, pourvu qu’ils ne vivent pas des efforts d’autrui.
Mais, l’exemple des Sud-Coréennes-et-Coréens en particulier, et des asiatiques en général, démontre clairement que leur engouement pour le travail, leur goût pour le boulot, et leur désir pour le rendement est un luxe bien mérité par ces citoyens, pour leurs propres intérêts, et pour le bénéfice de leurs pays, bien aimé. Je me demande alors si un jour les Tunisiens apprendront à suivre l’exemple des Sud-Coréens, et comprendront que la nonchalance et la paresse sont les voies de décadence, alors qu’aimer travailler est un acte vital d’épanouissement social, une voie culturelle de prospérité sociétale, et un désir de participation citoyenne au développement du pays natal.
Abdellaziz Ben-Jebria