Opinions - 08.07.2018

Slaheddine Sellami : La politique en Tunisie, une fiction cinématographique

Slah Sellami : La politique en Tunisie, une fiction cinématographique

Le scénario

Je suis incapable de vous dire s’il s’agit de la réalité, de la fiction ou d’un simple cauchemar qui m’a réveillé ce matin. Les quelques jours qui viennent vont nous permettre de le découvrir. Mais la politique en Tunisie semble relever d’une fiction cinématographique.

  1. Ce scénario a été écrit et mis en scène par deux personnes ayant une reconnaissance internationale. Elles ont décidé de draper la Tunisie d’un voile multicolore ayant les couleurs du printemps « arabe » ; mais s’il est beau et joli en apparence, la réalité est beaucoup moins reluisante.
  2. Le film est joué par quelques centaines d’acteurs qui occupent des postes importants au sein du gouvernement ou au sein des grandes organisations nationales : UGTT, UTICA, UTAP, …
  3. Le public est représenté par l’ensemble du peuple tunisien. Le malheur c’est que ces spectateurs sont en réalité en train de se visualiser, sans le savoir, dans un film où ils ne verront jamais le « happy end » à l’américaine tant attendu.
  4. Les figurants sont nombreux. Ils sont sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans les couloirs des ministères et parmi ceux qui passent leur temps à faire du lobbying et qui changent de camp en fonction de ceux qui sont au pouvoir. Certains de ces figurants sont manipulés, d’autres le font d’une manière inconsciente mais il y a aussi ceux qui le font moyennant finances. Et tout cela sous couvert de la stabilité politique qui est en réalité synonyme de catastrophe économique.
  5. Le thème du film c’est le document de Carthage 2. Officiellement, les acteurs sont d’accord sur 63 des 64 points. En réalité, ils sont d’accord sur le dernier point, celui du sort réservé au gouvernement, mais n’arrivent pas à s’entendre sur les 63 autres points. 
  6. Le nœud du film se trouve à Washington, au siège du FMI puisque tout dépend du sort réservé à cette tranche du prêt consentie par le FMI sous conditions.
  7. En attendant la BCT et le gouvernement ont montré au FMI qu’ils ont compris le message et qu’ils vont appliquer ses recommandations : ils ont relevé le taux directeur et allégé la caisse de compensation par une nouvelle augmentation du prix des carburants.
  8. Maintenant que ce prêt est consenti, on va pouvoir assister au déroulement puis au dénouement du film.
  9. Entre temps, il y a des intermèdes ou entractes meublés par des rumeurs et des discussions inutiles comme la querelle entre le chef du gouvernement et le directeur exécutif du parti dont il est issu ou encore le limogeage d’un ministre de l’intérieur qui semblait faire correctement son travail avec cerise sur le gâteau de fausses rumeurs de coup d’Etat et remplacement de plusieurs cadres responsables de la sécurité du pays. Nous espérons que ce remue-ménage n’entraine pas de graves problèmes pour notre sécurité ou sur la lutte contre le terrorisme.
  10. La réalité c’est que pour l’UGTT la seule chose qui importe c’est l’augmentation des salaires pour montrer aux salariés qu’elle se trouve de leur côté pour qu’ils continuent à lui faire confiance, le but final c’est qu’ils continuent à vivre leur train de vie de Nabab. Pour le gouvernement l’important c’est de rester en place car ils savent que pour 2019, l’important c’est de continuer à vivre sous les feux de la rampe. Les sondages ne s’intéressent et ne profitent qu’aux gens en place. Le tout maintenant est de se partager les rôles. L‘UGTT doit montrer son intransigeance sur les augmentations des salaires quitte à demander en public le départ du gouvernement et de son chef. Le gouvernement doit de son côté montrer son intransigeance en refusant, comme l’exige le FMI, d’alourdir la masse salariale et créer de ce fait une crise avec la centrale syndicale.

Le dénouement

Le FMI accorde à la Tunisie cette fameuse tranche  et le dénouement commence : gouvernement et centrale se mettent autour de la table pour discuter de la manière de dépenser cet argent , on commence par relever le SMIG puis le SMAG puis on va augmenter les salaires au titre des années 2017 et 2018 , donner une prime aux éleveurs mais on s’arrange pour ne pas augmenter le prix du litre de lait . La décision d’augmenter le prix du lait  a été négociée et décidée puis annoncée pour sonder la population mais a montré qu’elle risquait d’entrainer des troubles sociaux. Qu’à cela ne tienne, la caisse de compensation qui vient d’être allégée par l’augmentation du prix des carburants pourrait supporter cette prime. On profite bien des conseils de la boîte de communication payée par le gouvernement de sa majesté.

Les conséquences de ce film d’horreur :

  1. Les salariés contents de retrouver sur leurs fiche de paie, une augmentation de leurs salaires vont être contents, mais vont se rendre compte très rapidement que leur pouvoir d’achat a encore diminué car les augmentations qui vont suivre vont très rapidement absorber plus que l’augmentation consentie.
  2. Les éleveurs qui pensent avoir limité les dégâts et les pertes vont se rendre compte que rien n’a changé, le prix de l’alimentation du bétail a augmenté celui du carburant continuera à grimper et le salaire des ouvriers subira le même sort. Ils seront de nouveau au même point
  3. Les entreprises et les métiers de service vont très rapidement répercuter les prix sur les prix de vente afin d’essayer de maintenir la stabilité de leurs profits et maintenir leur train de vie, aggravant par la même occasion l’inflation officielle qui dépassera les 8% d’ici à la fin de l’année.
  4. Le dinar continuera sa glissade, il participe désormais dans les concours du slalom géant. Les plus optimistes prévoient d’ici fin Décembre un taux de 3,3 dinars pour un euro, alors que pour les plus pessimistes ce taux dépassera les 3,5 dinars.
  5. Le marché du travail va s’appauvrir encore plus, les plus méritants car sont les plus intelligents ont compris que le seul moyen d’améliorer leurs conditions de travail c’est l’immigration vers des Eldorados qui ont pour nom : Le Canada, l’Europe et les pays du Golfe. Les entreprises ne trouvent plus les ingénieurs, les informaticiens et même les comptables pour faire le travail quotidien, ils sont obligés de ralentir leurs activités et de ne plus accepter de nouvelles commandes. Interrogez les chefs d’entreprise et l’ordre des experts comptables.
  6. Les chômeurs et les démunis n’auront que leurs yeux pour pleurer ou se tournent vers dieu et les mosquées au risque de rencontrer ceux qui leurs promettent des jours meilleurs en acceptant de rejoindre les groupes terroristes.
  7. Entre temps tous les voyants continuent à clignoter en rouge sombre ou même en rouge sang. Le prêt servira à payer les anciens emprunts, la planche à biller continuera à cracher du papier qui ressemblera plus à du papier toilette et les banques continueront à afficher des résultats indécents avec des bons du trésor de plus en plus rémunérateurs au point que les banques les préfèrent aux emprunts aux particuliers et aux petits investisseurs.
  8. En 2019 et si rien ne change, d’ailleurs il faudrait un miracle pour que cela change, vous pouvez utiliser tous les arguments possibles et imaginables pour pousser les électeurs à aller voter, ils refuseront de participer à ce qu’ils considèrent comme une mascarade car tous les partis dits « progressistes » sont infiltrés par les opportunistes et les vendus. Ils considèrent qu’après ce qui vient de se passer avec les élections des maires, leurs voix n’ont aucune chance de changer les choses. Seul le noyau dur des islamistes ira voter. Je vous laisse le plaisir d’imaginer les conséquences.

J’espère que tout ce que je viens d’écrire est une simple fiction ou un cauchemar que j’ai fait cette nuit. On peut imaginer plusieurs autres conséquences mais la lueur du matin vient de me réveiller. Je ne suis pas certain que la société civile, les intellectuels ou les forces vives de ce pays puissent faire autre chose qu’alerter l’opinion publique trop occupée ces derniers jours à profiter des délices de l’été et des matchs de la coupe du monde de football.

Slaheddine Sellami  

 

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2 Commentaires
Les Commentaires
Sellami Mohieddine - 08-07-2018 22:26

En clair tout va pour le meilleur des mondes.......N'est ce pas Mme la marquise.

laz - 09-07-2018 17:27

Cet article n'est pas un cauchmar, malheureusement c'est du réel. De plus en plus, la grosse supercherie du soit disant "printemps arabe" est en train de se dévoiler. Le peuple tunisien n'est en rien acteur de ce bouleversement.Il a été manipulé pour mettre en place les islamistes au pouvoir et ainsi maintenir les pays qui ont un semblant de developpement et de stabilité relative en plein chaos et servir les intérêts économiques des occidentaux et surtout d'israel. Pendant quelques décennies ces pays resteront sous leur coupe et auront beaucoup d'effort à faire pour au moins retablir les quelques acquis d'avant le bouleversement factice créé. Les peuples majoritairement incultes ne peuvent comprendre cette manipulation à moins d'un sursaut miraculeux salvateur. Les gouvernants ont déjà baissé les bras et parent au plus pressé en faisant survivre leurs peuples d'expédients.

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