News - 07.02.2018

Ahmed Friaa : Oui pour le Pouvoir local, mais dans le cadre d’une Tunisie une et indivisible

Pouvoir local : oui, mais dans le cadre d’une Tunisie unie

Je voudrais d’abord commencer par rappeler une belle et pertinente citation du grand mathématicien et philosophe français, René Descartes, qui disait ceci :

« Il serait bien aise que ceux qui me voudront faire des objections ne se hâtent point, et qu’ils tâchent d’entendre tout ce que j’ai écrit, avant que de juger d’une partie, car le tout se tient et la fin sert à prouver le commencement ».

Dans quelques mois auront lieu, en principe et comme déjà annoncé, les premières élections municipales d’après le 14 janvier.

Ces élections se dérouleront dans le cadre de la nouvelle constitution qui a consacré des pouvoirs élargis aux collectivités locales et régionales. Elles se dérouleront également dans le cadre d’une nouvelle loi, en cours d’examen au sein du parlement, censée préciser davantage ces pouvoirs.

Ayant été, comme beaucoup de mes collègues, maire d’une belle et attachante ville du sud, d’environ quatre-vingt mille habitants et aux moyens modestes,et ayant assumé cette passionnante fonction, dans le cadre de la loi de 1975, je souhaite émettre un humble avis sur la meilleure façon de s’y prendre, pour éviter les excès qui peuvent compromettre les nobles objectifs que se seraient fixés les initiateurs des différents textes qui sont rentrés ou rentreront en vigueur dans un avenir proche.

Je suis d’autant plus à l’aise dans cet exercice que je n’ai aucun intérêt dans ces élections, hormis mon souhait de voir l’ensemble de mes concitoyens vivre dans un environnement sain, dans la quiétude et la sécurité, tout en voyant leurs conditionsde vie, aussi bien matérielles qu’immatérielles, s’améliorer. Notre chère patrie en est largement digne et cela est possible, pourvu que la sagesse prime sur les calculs politiciens et les intérêts partisans.

Ce qui est de nature à rendre effective l’exclamation disant : « Que se décantent, que sortent plus pures et plus fortes ces grandes notions, ces grandes valeurs que sont l’amour des autres, la foi dans la destinée et la volonté de créer » !

Car, en effet, sans enthousiasme et sans foi, il ne saurait y avoir d’action créatrice.

Comme nous l’apprennent les lois de la nature, il convient toujours d‘éviter les positions extrêmes qui sont souvent sources d’instabilité et de grands risques.
En l’occurrence ici, il faut trouver le juste équilibre entre, d’une part, la nécessaire souplesse et autonomie à accorder aux collectivités locales pour leur permettre de mener à bien leurs projets et répondre aux aspirations légitimes de leurs administrés et, d’autre part, l’indispensable garantie de l’unité nationale. Car, en accordant des prérogatives excessivement élargies aux collectivités locales, le pays encourt un grand risque d’être transformé en une fédération de plus de trois cent petites républiques, avec les redoutables conséquences qui peuvent en découler.

Certains pays étrangers ont vécus par le passé de telles mésaventures. Ils ont mis beaucoup de temps et ont eu beaucoup de mal à rétablir l’indispensable cohérence d’ensemble, après que, de bonne foi, ils ont poussé trop loin leurs politiques de décentralisation.

Cette question d’équilibre à trouver entre ce qui doit relever des autorités locales et ce qui doit demeurer du ressort de l’autorité centrale est  d’autant plus sensible que les moyens financiers réellement mobilisables se trouvent être fortement réduits. Et, il n’y a pas pire que de promettre, à une population, monts et merveilles pour se retrouver peu après dans l’impossibilité d’en concrétiser le minimum !
Ce qu’il convient de faire, c’est d’abord de bien définir cette répartition des prérogatives entre le local et le central. Il faut ensuite, évaluer les coûts afférents aux différentes compétences transférées. Ces étapes sont fondamentales. Il faut enfin bien tenir compte des mentalités et des spécificités socioculturelles de notre société et mettre en place des garde-fous permettant une indispensable cohérence entre les différentes politiques publiques et éviter les conflits et l’anarchie.

En effet, s’inspirer de ce que font les autres de bien est non seulement utile mais fortement recommandé. En revanche, copier aveuglément des expériences importées de l’étranger, sans tenir compte des spécificités socioculturelles locale est non seulement contreproductif, mais également porteur de grands risques d’échec. Le retour en arrière est souvent difficile et coûteux.

La réalité est qu’effectivement les procédures actuelles et malgré les multiples améliorations qui leur ont été apportées au fil du temps, sont toujours lourdes et pénalisantes. De même, les pouvoirs de la tutelle sont parfois sources de perte de temps et de blocage. Il convient par conséquent d’introduire suffisamment de souplesse et d’autonomie dans la gestion des affaires locales, pour davantage d’efficience et de célérité dans la réalisation des projets et la satisfaction des besoins des administrés. La réalité est, en outre et surtout, que l’écrasante majorité des municipalités souffrent d’un manque de moyens humains et matériels alors que Le plafond des revendications et des attentes des citoyens ne cesse de s’élever, à juste titre.

C’est pourquoi, dans un contexte caractérisé par l’exiguïté des moyens budgétaires de l’Etat et la rareté des ressources naturelles exploitables, la sagesse recommande de chercher la solution dans la bonne gouvernance et dans une judicieuse exploitation de l’intelligence collective des tunisiens, seule à même de compenser la carence des moyens matériels.

La Tunisie a plus que je mais besoin de compter sur ce que le Zaim, et grand leader, Bourguiba appelait « la matière grise » !

Je finirai par rappeler une belle citation de Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’Europe, qui disait : « Rien ne se crée sans les Hommes (et les Femmes) et rien ne dure sans les institutions. »

Et que Dieu préserve notre chère patrie et amène tout tunisien à faire sienne l’exclamation suivante :

« Nos cœurs n’ont pas de place pour le ressentiment vindicatif. Ils n’ont soif que d’amour et d’union. »

Pr. Ahmed Friaa
Universitaire


 

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10 Commentaires
Les Commentaires
Dr. Mounira - 08-02-2018 08:37

Très bel article qui vient à temps! Il faut effectivement éviter de porter atteinte à l'unité du pays par un excès de populisme en faveur de la décentralisation tout en assouplissant les procédures pour éviter les retards et les blocages dans la réalisation des projets locaux. Dr. Mounira

M. Bouanane - 08-02-2018 17:18

L'adage tunisien " يحلب في حلاب مقعور " s'applique très bien à M. Ahmed Friaa dont l'article ne sera pas compris, si jamais il est lu, par les pseudo politiques et leurs partis qui ne se soucient guère des intérêts du pays.

Mustapha BOUBAYA - 08-02-2018 23:48

Vrai à 100% Cher Si Ahmed quand vous écrivez :''Ce qu’il convient de faire, c’est d’abord de bien définir cette répartition des prérogatives entre le local et le central. Il faut ensuite, évaluer les coûts afférents aux différentes compétences transférées. Ces étapes sont fondamentales.'' Bien identifié et bien dit. C'est ce que j'ai démontré en 1983-84, dans un mémoire de DEA en France sur les ''Répercussions financières de la décentralisation'' (Lois de 1982 sur la décentralisation de F. Mitterrand).

oueslati - 09-02-2018 13:45

Oui , l’écrire et l'avancer c'est déjà bien pour un universitaire , Il remplit son rôle. Bonne lecture

Afif Hachicha - 09-02-2018 14:45

Une totale décentralisation ne serait pas sans risques, comme vous le rappelez, et, vu la mentalité des citoyens, ainsi que nos spécificités sociaux-culturelles, que vous évoquez, il y a lieu, comme vous n'avez pas manqué de le mentionner aussi, de réconcilier entre l'autonomie indispensable à accorder aux régions et l'unité nationale. Il n'y a pas lieu de rajouter quoi que ce soit à cet article on ne peut plus clair et explicite, sauf que c'est un projet d'avenir, que j'espère très proche, car il ne faudrait s'attendre à rien de positif de la part de ces "gouvernants" de l'instant.

Mustapha STAMBOULI - 09-02-2018 17:02

Nul ne conteste l’utilité de ces élections municipales mais nul n’accepte des élections vouées à l’échec et à la contestation : en effet, les conditions objectives pour mener des élections libres et justes ne peuvent être remplies. Nous craignons que la mafia islamique et financière mette la main sur le pays par le biais des municipalités. Cette pieuvre dispose d’argent à l’infini, elle est en mesure de gagner ces élections. Les élections municipales doivent être prises au sérieux, elles ne sont pas un «machin», un « joujou» exécuté tous les cinq ans … puis on oublie. Non, c’est un enjeu capital pour les citoyens et le développement.

A. FREDJ - 09-02-2018 19:52

Au-delà de l'article, et entre les lignes, on sent la crainte de voir le pays déraper et emprunter la route de l'autonomie des régions pour attérir sur le théme de l'indépendance : le sud pour le sud, le nord pour le nord...ect. à un moment où les voix des indépendantistes et séparatistes se multiplient à l'échelle de la planète pour la seule raison qu'il s'agit d'un pouvoir élu.Le pays est confronté à de sérieux problèmes au niveau national et des mises en cause des élus nationaux sont répétitives.Qu'en sera-t-il, demain, avec les élus locaux ? En théorie, le pays déborde d'intelligence, en pratique et quand il s'agit de pouvoir et d'argent ou de forces d'influences, l'être devient fauve. La démocratie est encore naissante, il nous faut un apprentissage de ce qui doit se faire et de ce qu'il n'est pas à faire, de ce qu'il faut donner et ne pas prendre, des limites d'action dans l'intérêt supérieur de la nation. Nos coeurs ne se doivent être assoiffés que d'amour et d'union comme le dit si bien si AHMED; Aussi, l'évolution graduelle, les ajustements progressifs sont-ils, peut-être, le chemin qu'il y aurait lieu de prendre sans excès ni dans un sens ni dans l'autre. En tout cas, j'apprécie toujours votre approche , si AHMED, et j'ai toujours soif de vous lire car la raison et la sagesse coulent de source.

Herelli - 11-02-2018 10:14

Analyse pertinente de notre Cher Prof Si Ahmed Le mérite lui revient de faire des propositions concrètes pour sauver notre Chère Tunisie inch'Allah les décideurs actuellement au pouvoir ouvriront bien les yeux et auront assez de courage

Laroussi HANI - 13-02-2018 11:54

Un article de valeur , émanant d'un homme d'Etat qui a réalisé de nombreux projets colossaux pour la Tunisie , et de surcroit , un homme de sciences et un savant éminent à l'échelle internationale .Nos décideurs et politiciens ont beaucoup d'intérêt à prendre en compte ses prodigieuses réflexions .La Tunisie , maintenant et plus que jamais , a besoin du Professeur Ahmed FRIAA .Laroussi HANI - Ingénieur , Directeur dans une Entreprise Nationale .

observator - 17-02-2018 11:40

D'abord l'auteur ne nous cite pas la ville dont il a été "maire" ? Est ce une omission ou volontaire ? Il fait l 'éloge de Bourguiba mais si la Tunisie aujourd'hui est dans cet état désastreux sur le plan économique social et politique c'est avant tout à cause des choix faits durant la période de Bourguiba. Les problèmes de la Tunisie sont essentiellement d'ordre structurels et donc trouvent leur origine dans les choix du bourguibisme basé essentiellement sur le régionalisme et l'attitude de Bourguiba de s’accrocher à tout prix au pouvoir même au détriment des intérêts vitaux du pays. Que cet ancien président de municipalité nous dise ses grandes réalisations à la tète de sa mairie . Il n 'en souffle pas un mot. Apres nous sommes tous capables de "blablaber.". Comme beaucoup dans son cas. il feint d'avoir la mémoire trop courte.

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