Opinions - 12.01.2018

La grande nuit du Musée National de Carthage : Une vitrine nouvelle annonce un nouveau musée

Le 19 janvier 2018, La grande nuit du Musée National de Carthage: Une vitrine nouvelle annonce un nouveau musée

Vieux de près d’un siècle et demi, le Musée de Carthage est incontestablement le plus vieux musée de Tunisie, sinon d’Afrique.

Rebaptisé Musée National de Carthage depuis l’indépendance, il abrite les premières collections des plus originales des arts des époques punique, romaine et byzantine.

Il constitue aujourd’hui une étape nécessaire dans les promenades archéologiques à Carthage.Mais, depuis déjà des années, Le musée montre des signes de vétusté et appelle à une véritable rénovation, tant dans les manières d’exposer que dans l’édifice qui abrite ses trésors.

Deux noms sont restés gravés dans la mémoire de ses enceintes et de ses alcôves. En premier celui du Père Alfred Louis Delattre fondateur du musée devenu lui-même après de longues années de labeur une des curiosités des lieux, et Paul Gauckler  directeur des services des Antiquités à l’époque connu pour ses conflits professionnels et scientifiques avec les pères de Carthage. Un jour, il faudra que les conservateurs actuels du site et du musé leurs rendent l’hommage qu’ils méritent.

Mais l’heure est à l’action aujourd’hui. En effet, La direction générale du Patrimoine a lancé en étroite coopération avec la direction du musée une action phare qui enrichira la collection de l’exposition et annoncera le renouveau de Carthage.

La Vitrine étrusque

Les Etrusques ont développé, dans le nord et le centre-ouest de la péninsule italienne, une brillante civilisation qui a rayonné fortement dans tout l’Occident méditerranéen.   Le vernissage d’une nouvelle vitrine portant le nom de "Carthage et les Étrusques"  sera le moment fort de cet événement. Plus de deux cent pièces en céramique et en bronze seront exposées pour la première fois etéclaireront le public sur les découvertes étrusques faites à Carthage. Il s'agit là selon les affirmations de l’éminent étruscologue Jean Gran-aymerich invité pour superviser cette action scientifique et muséographique, de la plus importante concentration et du plus large éventail de trouvailles étrusques hors d'Étrurie. Ces pièces proviennent des vieux fonds des musées de Carthage et du Bardo. Mais les objets étrusques sont accompagnés de pièces grecques et puniques indispensables à la restitution du contexte archéologique et historique de l’époque.

En effet, Carthage se trouve au centre de la Méditerranée et, comme l'Étrurie, connaît à l'époque archaïque, bien avant les guerres puniques, plusieurs siècles d'intenses échanges maritimes. Les transferts techniques et culturels sont nombreux dans cette période de partenariat étrusco-punique, les transferts techniques et culturels sont intenses y compris avec les Grecs.

Dans ce riche contexte méditerranéen, illustré ici pour la première fois, figurent plusieurs documents étrusques exceptionnels. La collection des vaisselles en céramique noire dénommée « Bucchéronéro » constitue la plus belle collection proprement étrusque. Mais plus exceptionnelle est cette plaquette d'ivoire, datée du VIe siècle, figurant un sanglier couché et dont l'inscription étrusque gravée au verso l'identifie comme le plus ancien "passeport" (tessera hospitalis) de la Méditerranée occidentale.

Un hommage aux pionniers du site et de la ville de Carthage

La soirée du vernissage sera une heureuse occasion pour annoncer le nouveau projet de valorisation du site et de rénovation du musée dans sa totalité, mais aussi de rendre hommage aux pionniers de la recherche archéologique et de la valorisation du site. Des noms d’archéologues, épigraphistes et architectes ont marqué durant des décennies la vie du parc archéologique Carthage-Sidi Bousaid.  Leila LadjimiSebai, historienne de la femme carthaginoise, AbdelmajidNabli, formateur de plusieurs promotions d’archéologues et l’infatigable architecte et urbaniste du site JellalAbdelkéfi seront tous décorés par la médaille de Carthage, décoration nouvellement créée pour honorer les femmes et les hommes qui ont apporté des services éminents à la vieille cité.

Au-delà de la forte teneur symbolique de ce moment, c’est aussi l’esprit d’équipe et de solidarité que nous fêteront à Carthage. En effet une jeune équipe faite de conservateurs et d’architecte autour de la direction du musée a réussi une performance technique en si peu de temps : monter la plus grande vitrine du musée et la documenter en moins de deux mois.

Le mécénat à l’œuvre

Mais aussi, le mécénat commence à tenir ses promesses au bénéfice du patrimoine. En effet, la fondation BIAT pour la culture et le patrimoine fondée par M Ismail Mabrouk et dirigée par les talentueux Malek Ellouze et Amira Chakroun a sponsorisé la nouvelle vitrine, qui sera la plus belle vitrine au musée.

C’est là une preuve des plus éclatantes que la promotion du patrimoine est l’affaire de tous, et principalement celle des acteurs sociaux et économiques parce que la problématique du patrimoine est tridimensionnelle ; sa valeur intrinsèque est certes culturelle, mais ses sollicitations sont d’ordre social et économique.

La soirée de Carthage sera un point de lumière en ces jours de morosité sociale. Que les sons et lumières qui animeront  le lieu pendant la fête du musée soient porteuses d’espoir pour toute la nation.

Sondès Dougui
Archéologue
Directrice du musée et du site de Carthage