Opinions - 28.07.2017

Quelles issues aux problèmes économiques et sociaux du pays?

Quelles issues aux problèmes économiques et sociaux du pays?

Le contexte économique et social: état des lieux

L’économie tunisienne passe par une période critique ces dernières années. Plusieurs indicateurs le démontrent: Un déficit budgétaire d’environ 5 Milliards de dinars, un taux d’endettement représentant 60% du PIB, un taux de chômage avoisinant les 17% de la population active, un secteur de tourisme en difficulté et une détérioration sans précèdent du dinar tunisien. Cette situation est aggravée par un contexte social un peu tendu, notamment dans les régions intérieures défavorisées, ce qui a contribué au ralentissement de l’appareil productif dans les secteurs de mine, d’industries manufacturière et pétrolière. Cette tension est principalement due à la pauvreté, le chômage et l’inflation des prix (5% environ). Aussi, une bonne partie de la population tunisienne est ‘déprimée’ et ne voit pas d’issue à leur situation, même en l’absence d’endettement, notamment lorsque la transition politique est étouffée et que les objectifs pour lesquelles la révolution a eu lieu n’ont pas jusqu’alors été atteints. L’environnement politique reste aussi complexe et ne montre pas une stratégie de développement économique sur mesure «Tailor-made». Le nombre de partis politiques n’est pas optimal par rapport à la taille de la population. Aussi, plusieurs mouvements (scissions, fusions et recompositions) et restructurations au sein de certains partis sont perçus par une bonne partie de la population tunisienne comme une ‘concurrence’ vers le pouvoir et non une recherche raisonnée de l’intérêt du pays et de l’amélioration du bien-être économique et social. Enfin, le contexte économique mondial (ralentissement de la croissance économique, problème de terrorisme et d’immigration, instabilité en Lybie et difficulté économique en Algérie) fait que la Tunisie ne doit compter en premier lieux que sur elle-même et sur ses ressources propres (humaines et physiques) afin de sortir de cette crise sans précédent. Bien sûr, la Tunisie peut aussi compter sur les aides étrangères, mais dans des limites raisonnables.

Les réformes recommandées par le FMI: Est-ce la solution optimale?

Face à cette situation, plusieurs réformes et recommandations ont été proposées par le FMI et la Banque mondiale. Certaines de ces réformes structurelles ont été adoptées par le Gouvernement qui a commencé à les mettre en oeuvre. Elles portent particulièrement sur la réforme de la fonction publique, la fiscalité, les entreprises et les banques publiques, les caisses de retraite et de sécurité sociale et le modèle de gouvernance. D’une façon générale, ces réformes ont pour objectif de limiter les dépenses publiques, d’accroitre les recettes de l’Etat en faisant payer le tunisien de plus en plus afin d’améliorer les performances économiques du pays. Mais, pour pouvoir payer, il faut avoir des sources de revenus suffisants pour couvrir les besoins nécessaires en termes d’éducation et de santé. Cependant, même si les mesures suggérées sont utiles, elles ne proposent que des ajustements techniques ne permettant pas de résoudre définitivement les problèmes économiques du pays. En effet, comme pour tous les bailleurs de fond, l’objectif du FMI et de la Banque mondiale étant d’accroitre la capacité de remboursement de dettes de l’Etat en ignorant les spécificités du pays et sa structure sociale. Il semble que la politique économique à adopter par le gouvernement doit être orientée vers les problèmes de fonds ayant conduit à la récession économique mais aussi à un malaise social dans tout le pays. En effet, certaines mesures peuvent donner l’impression que les problèmes sont réglés, cependant si les sources de ces problèmes ne sont pas identifiées et traitées, ces problèmes vont surgir et resurgir. De la même façon, un calmant soulage certes la douleur à court terme, mais ne guérit pas définitivement la maladie!!!

A titre d’exemple, les mesures d’augmentation de salaires, d’introduction d’un revenu minimum, de recrutement dans la fonction publique déjà en sureffectif, ont certes permis d’absorber en partie la colère sociale et de satisfaire certaines revendications, mais n’ont pas réglé certains problèmes comme celui du chômage structurel. Au contraire, certaines mesures ont enfoncé le pays dans des déséquilibres plus larges et ont augmenté significativement le poids de la dette (la masse salariale a évolué de plus de 50% depuis 2011, représentant aujourd’hui la moitié des dépenses de l’Etat). Mais, quelles sont les vraies causes à l’origine de ces problèmes économiques?

Gouvernance et éthique: quel est le problème en Tunisie?

L’économie formelle tunisienne souffre de l’impact de l’économie informelle ‘non éthique’, qui a favorisé la corruption active et passive, touchant ainsi plusieurs secteurs et sous-secteurs et institutions. Cette situation a conduit à une mauvaise gestion des ressources et un manque d’efficience. L’économie souterraine affaiblit non seulement l’Etat et ses administrations, mais affecte aussi très significativement les recettes douanières et fiscales et dissuade les investisseurs privés voulant travailler dans un climat de bonne gouvernance. L’économie tunisienne est accablée également par un problème de manque de transparence et de complexité institutionnelle dans les procédures et les circuits administratifs. Pour atteindre des objectifs sociaux, les institutions publiques s’engagent dans des dépenses et des budgets sans obligation de résultat et d’efficience en matière d’atteinte des objectifs. L’économie souffre enfin des problèmes de déséquilibres régionaux en matière de répartition des ressources, de problèmes sociaux et d’inégalité des chances notamment dans les régions intérieures du pays. La classe moyenne souffre de plus en plus et l’écart se creuse davantage entre une classe plus riche et une classe plus pauvre, qui vie dans la précarité. Un dénominateur commun, est le manque d’une stratégie de développement nationale guidée par des bonnes règles effectives de gouvernance et d’éthique. Il ne suffit pas d’écrire et de légiférer et de planifier, mais il faut implémenter et appliquer et mettre en place. Toute politique économique et sociale du pays sera vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas d’un dispositif approprié de suivi de l’application des règles de bonne gouvernance. Le manque de résultat tangible a généré une crise de confiance du citoyen tunisien à l’égard de ses institutions publiques, mais aussi à l’égard de ses acteurs politiques. La crise de confiance peut accentuer les problèmes d’éthiques en poussant certains agents économiques à opter pour les systèmes parallèles (économie souterraine et ce qui l’accompagne comme règles de corruption, …). Un cercle vicieux qui implique le manque d’éthique et le problème de confiance peut s’installer et développer davantage la récession économique et les inégalités sociales.

Les problèmes d’éthique sont étranges à notre culture arabo-musulmane dont les valeurs et les règles de bonne conduite constituent des principes fondamentaux.

Restaurer la confiance avec une bonne Corporate Governance: les quatre préalables

La mise en place de règles de bonne gouvernance permet de restaurer la confiance, qui constitue la clé de voute de la relance économique en Tunisie. Quatre préalables sont nécessaires. En premier lieu, le gouvernement doit accélérer la réconciliation nationale en adoptant un mécanisme avec des principes de (incitation- sanction), facile à mettre en oeuvre. En second lieu, le gouvernement doit dissuader l’économie informelle, qui représente des manques à gagner à l’Etat pour des Milliards de dinars selon certaines organisations comme Think Tank par exemple (un produit sur trois sur le marché provient de l’économie souterraine). En troisième lieu, le gouvernement doit aussi lutter contre la corruption et les pratiques ne favorisant pas le développement de règles de bonne gouvernance. Enfin, le gouvernement doit mettre en place une charte d’éthique nationale pour les différents acteurs économiques et sociaux qui fixe les règles déontologique, d’intégrité et de de bonne conduite. Le gouvernement doit concentrer ses efforts pour assurer la mise en place de ces 4 préalables afin de créer un environnement propice des affaires et favoriser la relance économique et l’investissement privé.

Les défis du Gouvernement et du citoyen Tunisien

L’Etat a entamé une campagne contre les mauvaises pratiques pour implémenter les règles de bonne gouvernance. Cependant, les défis économiques et sociaux ne peuvent être surmontés sans qu’il y ait une stratégie globale, cohérente et courageuse mettant en place des systèmes de suivi et de contrôle avec des objectifs clairs assignés à l’Etat et à ses institutions. Le gouvernement doit émettre des signaux de changement et de bonne gouvernance avec obligation de se conformer à une charte d’éthique comme dans le reste du monde. L’adhésion du tunisien à la stratégie nationale nécessite une campagne médiatique de grande envergure dans laquelle on explique la stratégie au tunisien pour adhérer à la démarche. Dans cette action de communication, on doit expliquer au tunisien, les enjeux et les risques associés à la stratégie nationale. Le tunisien doit se remettre au travail et suivre les règles de bonne gouvernance. Il faut envoyer des signaux clairs de changement (déclaration du patrimoine, absence de conflits d’intérêt.). Les fonds disponibles dans le pays peuvent être réalloués d’une façon plus optimale au développement des régions intérieures. La Tunisie peut assurer la transition politique, et instaurer les bonnes pratiques pour préserver l’intérêt national. Voilà, les vrais défis auxquels le pays doit faire face durant les prochains mois.

Riadh Manita

Docteur en sciences de Gestion et Expert-Comptable

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