Opinions - 12.06.2017

Au terme d’un demi siècle d’occupation israélienne, Israël est un serial killer bien protègé

Au terme d’un demi siècle d’occupation israélienne, Israël est un serial killer bien protège

Des victimes sont tombées à Londres, Manchester, Paris, Kaboul, Bagdad, Téhéran….Victimes d’un terrorisme sauvage. Seuls les assassinats commis par Israël contre les enfants de Palestine manquent dans la funèbre et triste litanie que les médias déroulent à longueur d’émission. 

Tues sans fleurs ni couronnes… car palestiniens

Terroriste, Fatima Hajiji, 16 ans, en uniforme de lycéenne, tuée le 7 mai 2017, de 20 à 25 balles par la police des frontières israélienne, sur les marches menant à la Porte de Damas, à Jérusalem, parce qu’elle brandissait un couteau ? Pour l’ONG israélienne B’Tselem, elle ne présentait pas le moindre danger « d’autant que les policiers étaient protégés et se tenaient derrière une barrière métallique ». Mais pour le commandant de la police, le major-général Yoram Halevy, « tirer sur Fatima était parfaitement légal ».  Originaire du village de Qarawat Bani Zeid, cette élève qui faisait partie d’une classe d’enfants surdoués, avait été fortement choquée par le martyr de Mohamed Abou Khdeir, brûlé vif par trois jeunes Israéliens, il y a trois ans. Elle relevait souvent que les maisons de ces trois criminels n’avaient pas été démolies par les autorités comme c’est la règle quand il s’agit de « terroristes » palestiniens !

Nuf Uqab Abdeljabbar Infaat avait elle aussi 16 ans quand elle a reçu 10 balles après avoir légèrement blessé d’un coup de couteau un soldat près de la colonie illégale de Mevo Datan le 25 mai 2017. Comme à l’accoutumée, la soldatesque sioniste a empêché les Palestiniens de la conduire à l’hôpital de Jénine. Ils l’ont laissée saigner à blanc pendant plus d’une heure. Et comme d’habitude, le corps n’a pas été restitué immédiatement à la famille pour un enterrement décent.

Le 6 juin 2017, Fadi Ibrahim Najar, 25 ans, a été  tué par l’armée israélienne qui lui a logé plusieurs balles dans l’abdomen alors qu’il manifestait sur sa parcelle de terre près de la barrière marquant la frontière à Khuza’a près de Khan Younès (Gaza). Plusieurs autres Gazaouis ont été blessés lors de la confrontation.

Un Palestinien d’Israël, Mohamed Taha, 25 ans, a été tué par la police lors d’une manifestation contre la criminalité dans la ville,  à Kafr Qassim,  au centre d’Israël, le 5 juin 2017.  Les députés arabes présents lors de l’enterrement  ont demandé la démission du ministre de la Sécurité intérieure Guilad Erdan et du chef de la police locale. Depuis les dernières élections législatives, suite à l’appel de Netanyahou, les Palestiniens d’Israël sont vus comme l’ennemi de l’Intérieur. De son côté, le vice-président de la Knesset, Bezalel Smotrich, ne cesse de proclamer son admiration pour le génocidaire biblique Joshua bin Noun et adopte ses vues, écrit Daniel Blatman - un historien spécialiste de l’Holocauste et du génocide à l’Université de Jérusalem – ces vues qui s’apparentent  à celles des SS allemands (Haaretz, 23 mai 2017). En fait, Smotrich, un député du parti au pouvoir, avance l’option du génocide si les Palestiniens n’acceptent pas l’ignoble marché qu’il leur propose : soit l’émigration soit la vie sous un régime d’apartheid basé sur les principes de la loi juive. Sans réserve et sans honte, un membre important de la classe politique israélienne peut proférer de telles paroles. Et l’historien de conclure : « Smotrich a une réputation de raciste. Maintenant, il est potentiellement en faveur du meurtre de masse. Dans n’importe quelle société éclairée, on ne peut rencontrer une telle personne que dans les bars louches fréquentés par des skinheads tatoués de la croix gammée nazie à Munich ou dans le Mississippi. Mais en Israël, la personne proférant de tels propos est un représentant de l’Etat… Le smotrichism, pareil à l’hitlérisme, le stalinisme et le maoïsme, est une idéologie qui conduit à la perpétration du génocide. Si ceux qui comprennent ceci ne se lèvent pas pour  éliminer ce danger maintenant, ce sera la fin tragique du peuple palestinien. Mais ce sera aussi la fin de la vision de l’existence d’un Etat souverain en Israël  » Le 7 juin 2017, 400 membres du Likoud, le parti de Netanyahou, se sont retrouvés pour le lancement d’un livre qui qualifie de « parasites » les Arabes israéliens. L’historien auteur de l’ouvrage a une solution pour résoudre ce problème : soit suivre l’exemple de la Grande Bretagne qui a mis en prison, lors de la 2ème Guerre Mondiale, tout suspect désigné par le ministre de l’Intérieur soit suivre l’exemple des Etats Unis qui ont mis dans des camps les citoyens d’origine japonaise suite à la destruction de leur flotte à Pearl Harbour par l’aviation nippone! Et l’auteur  de regretter la perte de la volonté d’Israël  d’exister en tant qu’Etat juif puisque « les Arabes s’identifient ouvertement à l’ennemi et ne sont pas encore mis dans des camps mais paradent sur les plateformes de télévision. »

Quand elle ne tue pas, l’armée israélienne vise le genou ou l’œil pour infliger les pires handicaps aux Palestiniens et en faire une charge pour leur communauté. Ainsi, le 5 décembre 2016, à Issawyia, le jeune Ahmed Mahmoud (15 ans) visé par un sniper de la police des frontières tirant des balles de caoutchouc, a perdu son œil droit alors qu’il allait acheter une paire de chaussures en compagnie de sa mère. Huit autres jeunes et des enfants de la même localité ont aussi subi le même sort en quelques semaines. (Lire Gideon Levy, Haaretz, 5 janvier 2017).

Voilà où en est Israël après un demi-siècle d’occupation ! Un serial killer bouffi par la protection des Américains et des Occidentaux, opérant « le vol sacramentel » (Régis Debray) des terres et de l’eau des Palestiniens dominés  et affichant un mépris total des droits élémentaires. En somme, l’ignoble  chutzpah (culot) israélien basé sur la violence autorisée par le parrain américain. Le journaliste  franco-israélien Charles Enderlin n’écrit-il pas que, selon le Jerusalem Post (2 mai 2016), « 67% de juifs israéliens sont persuadés que le peuple juif est le peuple élu » ?

Quand un général américain fait le bon diagnostic

Ces morts palestiniens n’intéressent guère les médias qui mettent pourtant en pleine lumière les moindres détails relatifs à d’autres pauvres victimes de massacres aveugles. Pourtant, la situation de la Palestine nourrit depuis sept décennies les colères et déstabilise  tout le monde arabe.  De l’assassinat du roi Abdallah de Jordanie à Jérusalem en 1951 aux trois guerres israélo-arabes de 1956, 1967 et 1982, elle n’a cessé de faire souffler un sirocco  déstabilisant  la région dans son ensemble voire plus loin encore.

Le grand linguiste Noam Chomsky disait : « Ce qui est certain, c’est que l’anéantissement des Palestiniens et tous les autres crimes perpétrés n’existent que grâce à un soutien économique, militaire, diplomatique et idéologique sans précédent des Etats Unis » (Lire « Le champ du possible. Dialogue sur le conflit israélo-palestinien », Editions Aden, Bruxelles, 2008, p. 46).

Comme s’il confirmait les dires de Chomsky, en mars 2010, le général David Petraeus, alors à la tête du Centcom, la zone militaire américaine comprenant l’ensemble du Proche-Orient, fait le constat suivant devant la commission des forces armées du Sénat américain : « Les hostilités persistantes entre Israël et certains de ses voisins sont à différents égards un défi à notre capacité à faire avancer nos intérêts dans notre zone de responsabilité. Les tensions israélo-palestiniennes se transforment souvent en violences et en confrontations armées à grande échelle. Le conflit suscite un sentiment anti-américain, en raison de ce qui est perçu comme du favoritisme des Etats Unis à l’égard d’Israël. La colère arabe sur la question palestinienne limite la puissance et la profondeur de nos partenariats avec des gouvernements et des peuples de cette zone, et affaiblit la légitimité des régimes modérés dans le monde arabe. Pendant ce temps, Al Qaïda et d’autres groupes militants exploitent cette colère pour mobiliser. » Le général oublie la résolution 242 du Conseil de Sécurité, votée à l’unanimité le 22 novembre 1967, et qui souligne « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre » et exige « le retrait des forces armée israéliennes des territoires occupés. » Ce texte prouve qu’Israël foule au pied le droit international. Hypocrisies et lâchetés se sont donné la main, sur le plan international, pour renvoyer aux calendes grecques l’application de cette résolution.

Mais il n’y a pire sourd… Ainsi, le  1er juin 2017, le Parlement Européen a voté une motion qui sème la confusion entre antisémitisme et critique de l’Etat d’Israël. L’article 2 de la motion votée adopte une définition dangereuse de l’antisémitisme promue par le lobby sioniste qui a réussi à court-circuiter la commission des libertés, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement qui s’opposait à cette définition ambigüe. L’association France Palestine Solidarité note : « l’antisémitisme renvoie à des pages particulièrement sombres de notre histoire qu’il faut savoir regarder en face, comme nous devons regarder en face notre passé colonial » et ajoute : « Mais toute instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme est à la fois une insulte à ses victimes et un très mauvais coup contre la liberté d’expression. »

1967 est une agression planifiée de longue date par Israël

Fin mai 1967, j’étais à Damas, avec un ami algérien, membre d’une délégation d’étudiants de l’AEMNA (Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains dont le siège était au 115 Boulevard Saint Michel, au Quartier Latin à Paris), invité par l’OLP à visiter des camps de réfugiés palestiniens en ma qualité de syndicaliste estudiantin. Plusieurs avions israéliens survolèrent la capitale syrienne et les bruits sourds de la DCA se firent entendre. Il est donc faux et méprisant de parler de la Guerre des Six Jours. La propagande israélo-occidentale et certains médias emploient ce terme pour exprimer haine, mépris et racisme à l’encontre de nos  peuples. En 1967, la guerre de libération du Vietnam battait son plein, véritable affrontement entre Soviétiques et Américains dans le cadre de la guerre froide.  En France, l’indépendance de l’Algérie faisait encore très mal aux ex-colonisateurs qui voyaient en l’Egypte du colonel Nasser un ennemi à abattre. Le journal France Soir ira jusqu’à imprimer un titre en cinq colonnes à la une disant que l’Egypte avait attaqué Israël. Tout le monde sait aujourd’hui que c’est faux. Bien des médias français affirmaient qu’Israël était encerclé, étranglé par ses voisins arabes et par le blocus du détroit de Tiran. On sait aujourd’hui que cela est faux de l’aveu même des généraux israéliens. Depuis très longtemps, les hostilités étaient planifiées pour reconquérir Jérusalem et la Palestine historique. (Lire Alain Gresh, l’Humanité, 7 juin 2017, p. 22-23)

La défaite du vainqueur *

La guerre de 1967 allait bouleverser la vie des Palestiniens. Israël allait transformer leur quotidien en enfer pour les amener à partir afin que « le peuple juif retrouve sa terre ». Avec une prescience aigue, le général de Gaulle devait déclarer le 27 novembre 1967 qu’Israël « organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation, qui ne  peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme. »

Hanan Ashrawi, députée palestinienne et membre du comité exécutif de l’OLP,  raconte dans le New York Times (5 juin 2017), comment la guerre l’a surprise, étudiante à Beyrouth. Elle raconte le traumatisme qu’elle lui a infligé et son difficile et pénible retour à  la maison ancestrale de sa famille à Ramallah grâce aux six ans d’efforts de son père pour lui obtenir les autorisations nécessaires. Mais, écrit-elle, « Ramallah est maintenant corsetée  par une rude ceinture de checkpoints militaires, d’arrestations arbitraires, de déportations, de démolitions de maisons, et soumise à de terribles intimidations. Ramallah n’est  plus « la mariée de la Palestine » comme on se plaisait à l’appeler jadis mais  une ville violée. » Elle rappelle « l’offensive de la paix » lancée par l’OLP à Alger en 1988 et l’acceptation de la partition avec seulement 22% de la Palestine historique et regrette que « la communauté internationale n’ait pas complètement apprécié à sa juste valeur l’énormité du sacrifice consenti. Aujourd’hui, les Palestiniens ne contrôlent plus que 18% du territoire occupé- ce qui signifie 18% des 22% de la Palestine historique à cause de la construction des colonies illégales et du vol des terres. Certains colons comptent parmi les éléments les plus radicaux et les plus violents de la société israélienne et pourtant ce sont des partenaires puissants dans la coalition gouvernementale. Cette dernière pourrait aisément être l’administration la plus extrémiste et la plus raciste de toute l’histoire d’Israël. » La députée palestinienne évoque ensuite « l’immense prison » de Gaza, le manque d’eau potable pour sa ville alors que les colons ont des piscines et des routes à leur usage exclusif. L’écrivaine palestinienne Fida Jiryis pense qu’en Cisjordanie, on dépasse de loin l’occupation : « c’est une expropriation structurée et systématique des Palestiniens, similaire à celle de 1948…et tout aussi impitoyable ».(Lire Michael Chabon et Ayelet Waldman, « Un royaume d’olives et de cendres. 26 écrivains et 50 ans de territoires occupés », Robert Laffont, Paris, juin 2017, p. 277)

Le sociologue Maxime Rodinson avait prophétisé deux mois avant l’agression de 1967 « le fait colonial » israélien dans un article retentissant.(Lire Denis Sieffert, Politis, 1er juin 2017, p. 22-23).   Mais Israël a vicieusement camouflé l’aspect colonial et mis en avant la question religieuse. Toutefois,  les germes colonialistes sont durs à éliminer. Alain Gresh note « le sentiment de supériorité à l’égard des « indigènes » que secrète une classe politique israélienne retardataire. Celle-ci refuse l’égalité et le droit à l’autodétermination aux Palestiniens. (Le Monde Diplomatique, juin 2017, p. 14-15).
Comment  oublier la perspective de l’annexion des territoires palestiniens déjà réalisée à Jérusalem et au Golan ?  Mais, affirme Jean-Paul Chagnollaud, « c’est un piège pour Israël». Caractère juif de l’Etat ou démocratie à la trappe et donc apartheid? Voilà l’équation qui défie les sionistes.
Le secrétaire général de l’ONU a rappelé le 5 juin 2017 que la résolution 181 de 1947 a reconnu la solution à deux Etats,  seule solution « à  amener la paix »**. « L’occupation a imposé un lourd fardeau humanitaire et de développement au peuple palestinien…qui voit son rêve d’Etat rester un rêve…Il est temps de revenir aux négociations directes ».
Jean-Paul Sartre affirmait : « La vie commence de l’autre côté du désespoir ». La stratégie d’élimination de l’aspiration nationale palestinienne par les sionistes est aujourd’hui contrecarrée par une résistance dont les racines plongent dans une bien longue histoire. Pour l’occupant, elle  sera  autrement difficile à déraciner que les oliviers de Cisjordanie livrés aux bulldozers israéliens !

Mohamed Larbi Bouguerra

(*)« Israël-Palestine, la défaite du vainqueur », ouvrage de Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo) (Paris) paru chez Sindbad/Actes Sud en mai 2017.
(**) L’Association France Palestine Solidarité se demande alors pourquoi M. Antonio Gutteres s’oppose à la publication du rapport sur l’apartheid israélien de Richard Falk et Virginia Tilley. Pressions du lobby israélien probablement.