News - 14.10.2016

Commentaires à propos des principales mesures fiscales du projet de loi de finances 2017 touchant notamment la TVA

Commentaires des principales mesures fiscales du projet de la loi de finances pour l’année 2017 touchant notamment la TVA

Les mesures fiscales touchant notamment la TVA prévues par la loi de finances 2017 m'inspirent ces commentaires : 
il faut d'abord préciser que le code de la TVA est l’un des textes fiscaux les plus mal rédigés. En apparence, la TVA, en Tunisie, constitue l’impôt le plus simple (le code de TVA n’est composé que de 21 articles).Toutefois l’étude de cet impôt fait ressortir certaines incohérences qui a à la complexité de cet impôt.

La TVA peut constituer un outil incontournable pour lutter contre la fraude fiscale. En effet, la généralisation de la TVA accompagnée d’une réduction des taux peut constituer une réponse efficace à la fraude fiscale. D’un autre coté, la suppression pure et simple du système des exonérations en matière de TVA et son remplacement par un régime d’imposition à taux d’équilibre permettra de généraliser la TVA à toute l’économie et d’éviter toute rupture dans la chaine des déductions. Elle permettra un rehaussement de la masse imposable en matières d’impôts directs puisqu’il n’y aura plus de TVA rémanente. Cette dernière qui était incorporée aux coûts et passée en charges grevant le résultat fiscal, deviendra une taxe neutre après la suppression des exonérations. Grace à la généralisation de la TVA, les faux forfaitaires qui se cachent derrière le régime des exonérations pourront être facilement détectés et déclassés vers le régime réel ce qui permettra une imposition plus juste et plus équitable des revenus réalisés par de tels contribuables. La généralisation de la TVA permettra l’adhésion des forfaitaires dans le système de transparence et permettra aussi d’orienter ces contribuables vers une bonne gestion fiscale basée sur les avantages fiscaux accordées aux investisseurs. En outre, cette généralisation de la TVA et par conséquent le fait que le régime du forfait d’impôt soit réservé aux seuls véritables forfaitaires protégera les entreprises transparentes de la concurrence déloyale et du secteur informel et les incitera à se développer d’avantage et à s’introduire dans le marché financier. Aussi, elle épargnera aux entreprises transparentes le risque imputable à la confusion entre régime suspensif et régime d’exonérations.

Cette généralisation de la TVA permettra de renforcer l’idée que la fiscalité est un régulateur économique et un catalyseur de l’investissement.

Mon constat est donc le suivant : « Pour être efficace, jouer son rôle économique et combattre la fraude, la généralisation de la TVA doit être accompagnée par le remplacement des exonérations par des taux d’équilibre et par la réduction des taux de TVA ».

Toutefois, le projet de la loi de finances pour l’année 2017 ne semble pas vouloir soutenir ce constat, et ce, notamment à travers les mesures suivantes :

1- Soumission de la vente par les promoteurs immobiliers des immeubles dont la valeur dépasse 200 000 DT destinés à l’habitation au taux de 18%

Commentaire: Cette mesure va rendre plus difficile l’application du prorata de déduction prévue par l’article 9 du CTVA qui porte déjà atteinte au principe de l’équité fiscale.

Nous estimons qu’il faut généraliser la TVA à toutes les opérations de promotion immobilière en prévoyant notamment:

  • Un taux de TVA réduit au titre des ventes de tous les immeubles à usage d’habitation pour réduire les coûts des projets immobiliers et éviter les redressements fiscaux liés aux difficultés d’application du prorata de TVA.
  • La soumission des ventes des terrains lotis ou non lotis par les promoteurs immobiliers à la TVA au taux de 18% pour éviter les redressements fiscaux fondés sur des interprétations abusives et divergentes de la notion de « vente à titre occasionnel » par l’administration fiscale.

2- Soumission de certains produits et services à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 18% après suppression du taux de 12%

Produits et services Régime fiscal
jusqu'au
31/12/2016
Régime
fiscal à
partir du
01/01 2017
1) Importation et vente des voitures de tourisme
dont la puissance ne dépasse pas 4 chevaux
vapeur fiscaux par les concessionnaires.
TVA 12% TVA 18%

2) Les services rendus par:

  • les architectes et les ingénieurs-conseils;
  • les dessinateurs, les géomètres et les topographes à l’exclusion des services relatifs à l’immatriculation foncière des terres agricoles;
  • les avocats, les notaires, les huissiers-notaires et les interprètes;
  • les conseils juridiques et les conseils fiscaux;
  • les entrepreneurs de tenue de comptabilité;
  • les experts quelque soit leur spécialisation.
TVA 12% TVA 18%
3) Les services réalisés en matière informatique.
Les services de certification électronique.
Les services d’internet
TVA 12% TVA 18%

 

Commentaire: Généralement, l’augmentation des taux de TVA dans une économie fragile et en phase de reprise va entrainer des difficultés de trésorerie pour les entreprises puisqu’il arrive régulièrement que l’entreprise reverse à l’État une TVA qu’elle n’a pas encore encaissée. Les raisons en sont notamment : les délais de paiement accordés aux clients ou des retards de paiements voire des défaillances des clients. Dans ce genre de cas, l’entreprise doit, le cas échéant, recourir au découvert bancaire pour faire face à ses propres échéances. Ceci engendre des charges d’intérêts qui affectent évidemment le résultat de l’exercice. En ce sens là, la TVA n’est donc pas neutre ! Elle affecte directement la trésorerie de l´entreprise.

Nous estimons qu’il est temps de penser à la généralisation de la TVA et à la réduction des taux de la TVA plutôt qu’à l’augmentation des taux.

Par ailleurs, la doctrine administrative interdit la restitution de la TVA payée sur une vente qui ne sera jamais encaissée en raison de l'insolvabilité du client. Cette doctrine semble trop sévère et inéquitable. Ainsi d'un simple collecteur de TVA, l'assujetti se transforme en véritable redevable réel qui la supporte à la place de son client défaillant.

Afin de respecter le principe d’équité fiscale, il est recommandé de permettre la restitution de la TVA relative aux créances irrécouvrables.

Par la même occasion, je ne peux pas finir sans, commenter les autres mesures fiscales suivantes prévues par le projet de la loi de finances pour l’année 2017 :

3- Révision du barème de l’impôt sur le revenu

Le projet de la loi de finances pour l’année 2017 a prévu les deux mesures suivantes:

  • Généralisation de l’exonération de la tranche de revenu net ne dépassant pas 5000 dinars, à toutes les personnes physiques au titre au titre des revenus réalisés depuis le 1er janvier 2017.
  • Révision à la hausse du barème de l’impôt sur le revenu et plafonnement de la déduction des frais professionnels de 10% à 2 000 DT.

Commentaire: Ces deux mesures vont permettre d’ajouter une charge supplémentaire directement supportée par les entreprises déjà fragilisées par les revendications sociales et les difficultés de la reprise économique tant nationale qu’internationale, puisqu’une bonne tranche des contribuables imposables au barème sont des salariés qui ont négocié lors de leur recrutement des salaires nets, c'est-àdire après déduction des cotisations sociales et de la charge d’impôt.

Nous estimons qu’il est temps de penser à instaurer un mécanisme d’actualisation annuelle des tranches du barème de l’IRPP et des déductions communes en fonction de l’inflation en garantissant l’harmonisation de la tranche supérieure du barème avec le taux de l’IS.

4- Révision du régime fiscal des bénéfices distribués : Rehaussement du taux d’imposition des bénéfices distribués et des bénéfices des établissements stables tunisiens des sociétés étrangères considérés distribués au profit des associés non-résidents en Tunisie de 5% à 10% de leur montant brut à partir du 1er janvier 2017

Commentaire : L’imposition des dividendes à 10% avec un taux d’IS de 25% va aboutir à un taux global égal au moins à 32,5% (25% + (75%*10%)) qui va augmenter la pression fiscale (en retenant l’hypothèse que bénéfices comptable avant impôt >= Bénéfices imposables). Nous estimons qu’il faut supprimer cette mesure.

5- Institution d’une contribution conjoncturelle exceptionnelle au profit du budget de l’Etat

Contribuable Montant Minimum
PM soumises à l’IS 7,5% de l’IS due en 2017 5 000 D pour les PM soumises à l’IS au taux de 35%.
1 000 D pour les PM soumises à l’IS au taux de 25%.
5 00 D pour les PM soumises à l’IS au taux de 10%.
Personnes physiques exerçant une activité commerciale, industrielle, une profession non commerciale ou des revenus fonciers. 7,5% de l’IRPP due en 2017. 5 00 D.

 

Commentaire: Nous estimons qu’il est nécessaire de limiter l’application de la contribution conjoncturelle à certaines catégories de dividendes (Sicav et établissements de crédit) ainsi que les hauts revenus et d’affecter les ressources en provenant à l’investissement.

6- La création et la mise en place d’un corps de « Police fiscale » qui a pour mission de constater les infractions fiscales pénales, à en identifier les responsables et à les présenter à la justice

Commentaire: Exiger la déclaration sur l’honneur des biens des agents de la police fiscale (après leur nomination et quand ils quittent leurs fonctions) et ce afin de consacrer la transparence financière et la lutte contre la corruption.

7- Soumission des travaux des avocats à une taxe sur chaque affaire constituant une avance déductibles de l’impôt dû

Commentaire: Veiller à ce que cette taxe ne soit pas répercuter sur le client.

En fin, je tiens à souligner que la réussite de toute réforme fiscale suppose que le contribuable consente à l’impôt et qu’il soit convaincu de la bonne utilisation des ressources fiscales. Elle repose aussi sur l’association entre les secteurs publiques et privés et sur l’implication de toutes les compétences professionnelles privées et publiques. La création d’un conseil supérieur indépendant de la fiscalité regroupant toutes les compétences et les professions de conseil liées à l’entreprise (économistes, conseillers fiscaux, avocats, comptables, expert comptables…) peut constituer un cadre adéquat pour garantir cette association et pour approfondir les études sur l’impact des mesures fiscales sur les entreprises et sur le budget de l’Etat.

CFTI
Rejeb Elloumi
Gérant
Comptable-Fiscaliste
Membre de la Compagnie des Comptables de Tunisie