Notes & Docs - 06.04.2010

Témoignage de Maitre Mokthar Bel Haj

ZmerliL’éminent néphrologue du pays, le professeur Hassouna BENAYED, nous a quitté la mort l’ayant emporté subitement, en pleine santé, sans prévenir, laissant les siens et ses proches en deuil.

Né à Jerba en juillet 1926, d’une grande famille qui a gouverné l’île et le sud de la Tunisie durant plusieurs décades à partir de son village à Cédriane ou elle avait implanté son palais et sa prison dont les vestiges demeurent encore à ce jour.

Nos deux familles étaient liées par une amitié très étroite et proche ; la sienne était dirigée par des chefs politiques et civils caids ; la mienne était dirigée par des chefs religieux, charaiques, Bach Mufti, Mufti Cadhi.

Mon amitié avec le professeur Hassouna Ben Ayed remonte à plus de soixante ans, de notre prime enfance.

Notre illustre disparu a suivi ses études primaires à l’école de Mahboubine puis ses études élémentaires au cours complémentaires de HoumetSouk, d’où il sort avec son brevet élémentaire en poche. Il convient de signaler qu’en 1943, année de la deuxième guerre mondiale, l’île de Djerba et ses écoles étaient occupées par les militaires italiens, mon ami Hassouna n’a pas été convoqué à la session de juin du brevet élémentaire. Ayant appris la nouvelle du déroulement du brevet à Tunis et ailleurs, il se dirigea au directeur de l’école pour protester de la carence de l’administration, lui disant que la guerre était dans tout le territoire tunisien, et non à Jerba uniquement. «Je vous remets les livres que je détiens et je rejoins le métier de mes aïeux comme tout bon djerbien.» Ceci lui permit de subir l’examen à la session de septembre qu’il passa avec succès. Il rejoint l’Ecole Normale des instituteurs à Tunis. Mais en deuxième année, il s’avisa que la branche poursuivie ne menait qu’à l’enseignement exclusivement alors qu’il rêvait d’être ingénieur. Il changea d’orientation vers l’enseignement secondaire classique, tout en maintenant ses études initiales. Il affrontera concomitamment les deux examens du Brevet supérieur et du baccalauréat première et deuxième partie série mathématiques.

Titulaire de ce dernier diplôme en1947 , il s’inscrivit à l’Institut d’Etudes Supérieures de Tunis pour l’année préparatoire de médecine, le PCB : physique, chimie, biologie.

Cet examen probatoire obtenu en 1948, il s’envola vers la France où il s’inscrit à la Faculté de Médecine de Paris ; il est amusant de rappeler à ce propos que notre grand professeur Hassouna BenAyed aurait souhaité suivre les grandes écoles pour embrasser la profession d’ingénieur mais poussé par son père -qui était autoritaire-, à la médecine, il y a réussi quand même brillamment et fut un excellent médecin «malgré lui » .

Après avoir réussi aisément les concours d’externat et d’internat des Hôpitaux de Paris et s’être spécialisé en néphrologie-endocrinologie, il soutient sa thèse de doctorat avec les félicitations exceptionnelles du jury et se présenta au concours d’agrégation de médecine qu’il réussit aisément en 1965.

De retour en Tunisie en1962, il est affecté à l’hôpital Charles Nicolle de Tunis, où il est chargé de diriger le service des maladies internes. Il contribuera à la fondation de la première Faculté de médecine de Tunis dont il deviendra le doyen pendant près une dizaine d’années..

Le professeur Hassouna BenAyed a consacré plus de quarante années à l’exercice de son « art » médical et à la recherche scientifique, ayant pour seul objectif de soulager l’homme de ses maux et de le prévenir des maladies terribles. Il s’est dévoué durant toute sa carrière à prodiguer à ses patients l’assistance nécessaire, les meilleurs soins et les réconforts les plus chaleureux.

Il a laissé à ses disciples un héritage inestimable de méthodologie, de formation, des valeurs du métier et de sa riche expérience médicale. Il avait un flair remarquable pour le diagnostic clinique. Je me souviens qu’un jour un ami m’a téléphoné pour me dire qu’il était paralysé et qu’il voulait être reçu par le docteur BenAyed. Deux heures plus tard, le même ami m’appelle de nouveau pour
me dire qu’il s’est levé sur ses pieds comme si de rien n’était. De même, alors qu’il n’était encore qu’un jeune médecin, je lui ai demandé d’examiner une dame d’une cinquantaine d’années qui souffrait de son tube digestif et que de nombreux médecins n’arrivait pas à guérir ; une simple auscultation lui a permis de me dire: «Mokhtar, c’est une sale affaire au foie et à un stade avancé». La dame décéda un mois plus tard.

Il s‘est distingué par sa grande expérience en médecine interne et par ses travaux et oeuvres scientifiques de haut niveau.

Par sa modestie, son humilité, sa sagesse, son humanise, sa générosité et son abnégation à son métier, il était aimé, respecté voire adulé unanimement par ses confrères, ses disciples et ses étudiants. D’un abord extérieur apparemment difficile, il était d’un humour caustique, d’une sympathie sans pareille.

Sa longue carrière et sa riche et grande expérience de la médecine ont fait de notre distingué professeur disparu un pilier, une référence dans le domaine médical. Il fut le père de la néphrologie, l’endocrinologie, de l’hémodialyse et de la greffe des reins en Tunisie et en Afrique.

Tous ceux qui l’ont approché ont reconnu chez le professeur Hassouna BenAyed les qualités de grand maître et de formateur, de patron humaniste affectueux, généreux, sérieux, dévoué munis d’un large savoir technique médical. Il fut admis en qualité de membre de l’Académie de médecine de Paris et a reçu de nombreuses distinctions et décorations nationales et internationales.

Le professeur Hassouna BenAyed restera connu en Tunisie et hors des frontières nationales comme un grand maître » de la médecine et une grande figure des sciences et son nom sera gravé dans l’esprit et la mémoire de tous ceux l’ont connu et
côtoyé.

Une dernière confidence qu’il m’a faite une semaine avant son décès, il était persuadé que ses enfants resteront attachés à la Tunisie et à Djerba qu’il a aimé pardessus tout. Que Dieu le tout-puissant accorde au défunt sa clémence et son infinie miséricorde et l’accueille dans son éternel paradis.