Opinions - 15.07.2016

Peut-on sauver le Pays?

Peut-on sauver le Pays?

A cette question, chacun parmi nous a son propre angle de vue, un angle ouvert sur sa propre expérience, sa propre sensibilité, ses croyances et surtout le microcosme dans lequel il est immergé, qui, aussi vaste soit il, lui conférera toujours une réponse limitée et subjective, nos leaders d’opinion et nos politiques en sont le meilleur exemple…. et  même monsieur tout le monde, pensent avoir trouvé la source du savoir et comprendre mieux que tous ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire.

Certains l’appellent classe politique, il convient mieux aujourd’hui de parler de caste tellement celle-ci, autiste, est désespérément isolée dans sa tour, alternant les élans lyrique sur un fond de mélodie patriotique et les longues et désespérantes périodes de neurasthénie dans un silence qui en dit long …

le constat est-il fait sur les mêmes bases et selon les mêmes approches par tous? Y a-t-il réellement une solution au marasme actuel ? Et alors pourquoi y rajouter une couche ? Juste questionnement ! En réalité, pour trouver une solution à une situation qui semble totalement irrattrapable et sur laquelle tous les tunisiens réfléchissent depuis quatre ans sans trouver réellement un semblant d’accord. Il nous semble (pour faire comme tout le monde) qu’il demeure une piste de réflexion qui n’a pas été empruntée et qui mériterait d’être explorée.

Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué !

Toutes les réflexions autour du plan de sauvetage pour le pays, tournent autour des modèles classiques et dogmatiques, et nous détournent du diagnostic trivial  que ferait même un enfant de  14 ans car comme a dit corneille : « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». A tel point qu’on la désagréable impression que nos « leaders » qui monopolisent le débat, détournent les questions cruciales pour les faire tourner entre eux et s’accaparer ainsi l’espace de dialogue évitant ainsi les vrais questions qui les amèneraient aux vrais actes à entreprendre. 
On se retrouve ainsi, dans des bouillons  de débat/réflexions/ plans et autres propositions de tous genres, issus du même modèle de pensée, basé sur la classification droite, gauche, pouvoir public et anti pouvoir public, recherche perpétuelle d’investissements privés et promotion des investissements public, endettement pas d’endettement, etc… auxquels on additionne un tas d’histoires dont le patriotisme, l’individualisme les droits, les devoirs et même parfois l’histoire tout court. Tout ceci dans un contexte qui  se détériore encore plus chaque jour, et sans qu’aucun plan ne fédère autour de lui les différents intervenants.

Comme toutes ces théories et réflexions n’ont pas apporté de solutions depuis quatre ans (pire la situation se détériore encore plus chaque jour), et qu’aucun plan ne fédère autour de lui les différents intervenants, qu’aucune solution n’est trouvée et qu’entre temps, on s’endette pour survivre (subissant les dictats des bailleurs de fonds qui vont finir par imposer le protectorat pour garantir le remboursement de leurs avoirs) ; On s’évertue à se compliquer l’existence et se tortiller les méninges, pour trouver des combinaisons de plus en plus compliquées, on fini par ne plus rien faire mais et surtout par ne plus rien y comprendre (serait-ce le but ?).

Tous s’accordent à dire que le sauvetage du naufrage économique et social de notre pays ne peut se faire que si : on crée de nouveaux projets, que l’on développe de grands projets publics, que l’on libéralise les PPP, que l’on renforce les service publics, que l’on augmente les salaires, qu’on investisse dans les régions, qu’on régularise la contrebande, que l’on valorise les fonctionnaires, qu’on augmente la fiscalité, qu’on multiplie le nombre de d’administrations locales (plus de fonctionnaires), qu’on libéralise nos frontières économiques, qu’on renforce la finance islamique et qu’on supprime les garanties de dépôts pour les banques, qu’on supprime les incitations fiscales à la création d’entreprises et qu’on favorise les grands investissements étrangers, qu’on renforce et qu’on renfloue les entreprises publiques (sans prendre la mesure des causes des problèmes) et qu’on favorise le recrutement dans celles-ci, que l’on vende les entreprises publiques aux investisseurs étrangers (pour financer le besoins de remboursement de la dette), que l’on indemnise prisonniers politiques pour le compte de leurs partis, qu’on instaure le consensus politique, qu’on mette en place un gouvernement d’union nationale pour impliquer tout le pays dans le naufrage et noyer les responsabilités, … etc et la liste des propositions et des réformes continue à ne plus pouvoir s’en rappeler. Bien entendu, toutes ces mesures (brillantes) doivent êtres toutes prises  ensemble et seront toutes salvatrices pour notre pays.

Alors voilà, lorsque j’entends tous cela, je mesure le niveau de mon ignorance générale et surtout ma méconnaissance profonde des méandres de l’économie et de la haute finance. Je me rends compte que tout cela est très difficile et particulièrement compliqué pour nous autres commun des citoyens, et que la gestion de crise et la chose publique est  l’affaire d’une élite très particulière (un mix de nouveaux savants et d’ancien hommes d’expérience) qui parle une langue propre à elle, inaccessible aux autres citoyens, qui doivent compte tenu de la complexité de la chose leur faire confiance aveuglément et surtout ne pas discuter de ce qu’ils ne peuvent comprendre..

Sauf que rien de ce dont, les érudits nous abreuvent, ne fonctionne et ne répond à nos questionnements, à part le contorsionnisme intellectuel qu’elle induit; la situation du pays s’aggrave, le pouvoir d’achat se réduit comme une peau de chagrin, la contrebande devient la part la plus importante de notre économie (avec toutes les mafias qui se renforcent), l’administration se renferme dans son tourbillon en ne pensant qu’a trouver les moyens de se faire payer à la fin de chaque mois, nos entrepreneurs prennent l’avion et vont faire le bonheur d’autres pays, nos compatriotes émigrent, là ou on veut bien les accueillir (la population tunisienne au Canada est passé de 20 000 en 2009 à 28 000 en 2016, même constat au Maroc, en Algérie, en Afrique ..etc….), et entretemps on nous gargarise de séminaires, symposiums et autres manifestations pour étaler le savoir et discourir sur des théories et des solutions savantes de sauvetage.

Ou est le bon sens, à quand le retour vers la sagesse?

Et voici, maintenant, le sens de notre réflexion simple et simpliste : souvent lorsque la situation est difficile, compliquée voire inextricable, sans réelles perspectives de solutions, il parait alors, de bon sens de se simplifier la vie et de se concentrer sur l’essentiel avec quelques mesures simples, faciles, non onéreuses, qui permettent avant tout de réamorcer une pompe grippée et se réapproprier le gouvernail du pays (lorsqu’on est pauvre on fait avec ce que l’on a).
Toutes les réflexions, les analyses et les propositions qui sont faites, ne prennent pas en considération le plus important des critères de base de l’économie. Aucun « expert », aucun politique, aucun spécialiste, aucune personne n’a parlé de l’élément fondamental qui guide l’investissement, la prise de risque et l’engagement des personnes vers l’entreprenariat ou même simplement le travail : ‘LA CONFIANCE’ puis l’équité et la prévisibilité.

Confiance ou méfiance?

Lorsque la confiance entre les entrepreneurs et l’administration n’existe plus, lorsque la confiance avec les politiques n’est plus de mise, lorsque la confiance en l’avenir disparait, lorsque la confiance dans le système devient méfiance ; Alors quel que soit ce que vous ferez, rien ne se fera. Lorsque le discours ne porte plus, que la relation est rompue et que les mots ne sont plus entendus, rien ne pourra convaincre d’abandonner la méfiance et de revenir à la confiance.

Dans Notre pays, il semble (malgré les discours politiquement corrects), que la confiance n’est plus de mise depuis quelques temps, voire pire, la méfiance s’installe et surtout la suspicion fait son apparition. L’état de la détérioration de la relation est tel, que  des promesses, ou des discours, ou encore des initiatives de type assises nationales de sauvetage ou d’union sacré autour d’une entente, ne feront qu’aggraver la situation. En réalité, il faut changer totalement l’approche d’analyse de la situation et le mode de réflexion.

Il semble donc, que le premier élément sur lequel, le pouvoir et les décideurs doivent travailler, est la restauration de la confiance, entre le pays d’une part et les entrepreneurs et les citoyens consommateurs d’autre part. Cette action doit se baser sur des actes concrets et des actions rapides, efficaces et significatives ayant pour message «..on a compris.. et en voici la preuve… ».
C’est aux gouvernants et à l’administration de faire la preuve de son engagement envers le renouveau national et de montrer l’exemple du changement réel. Dans cet ordre d’idée plusieurs petites mesures simples, rapides et significatives peuvent êtres prises, et dont l’impact sera rapide et permettra de réduire la méfiance et ensuite de rétablir la confiance. Concrètement, il suffirait de:

  • Sortir des clivages politiques, en arrêtant de promulguer de nouvelles lois et en se concentrant sur l’application stricte de celles qui existent, tout en simplifiant les procédures et autres lourdeurs administratives liées à l’application des textes. Ce qui permettra de sortir du blocage du au flou et a l’attente autour des nouvelles orientations et autres vision politique et sociétale.
  • Constituer une cellule de crise économique au niveau de la primauté, qui aura pour charge de constituer rapidement une base de données précise de toutes les PME/PMI de notre tissu national, qui ont fermés, quittés ou qui sont en difficultés et d’évaluer le coût de réouverture, d’assainissement et de reprise d’activité. Il s’agit de relancer la machine existante au lieu de réfléchir, étudier, commander, payer et faire tourner une nouvelle machine.
  • Engager rapidement la création d’un fond, alimenté par les revenus de cessions des actifs saisis et des montants résultants des rapatriements et des accords conclus avec les personnes faisant l’objet de poursuites dans le cadre de la réconciliation. Ce fond sera dédié au financement de la relance et la restructuration de notre tissus PME/PMI dans le cadre du travail réalisé par la cellule de crise en charge du sujet au niveau de la primauté. Cette démarche permettra de relancer le financement de la reprise économique sans alourdir le budget de l’Etat ni le système bancaire.
  • Ne plus recourir à aucun emprunt étranger pour financer le budget de fonctionnement, mais renouer avec la dette domestique en relançant les BTA et autres bonds du trésor. Ce qui permettra de réduire la charge du remboursement de la dette extérieur et même si le taux est plus cher en dinars, le coût comparatif réel, sera moins cher compte tenu du glissement du dinar par rapport aux devises étrangères.
  • Arrêter le recrutement dans la fonction publique et résoudre le problème des besoins par les transferts des administrations surdimensionnées vers les administrations en manque de personnel. Une des solutions sera le transfert vers les nouvelles administrations locales et régionales.
  • Réduire la taille du gouvernement avec des grands blocs ministériels pour plus de cohérence et d’efficacité en laissant libre choix au chef du gouvernement seul de choisir ses ministres sur la base d’un contrat programme.
  • Engager les grands projets d’infrastructures avec des consortiums d’entreprises tunisiennes (en imposant des PME/PMI dans les consortiums), afin de donner du chiffre d’affaires à nos entreprises et de minimiser l’impact du taux de change sur notre économie. Les conditions de ces marchés attribués sont les mêmes que celles octroyées aux entreprises étrangères notamment en terme de paiements.
  • Engager des actions fortes et symboliques contre les commerces illégaux et anarchiques pour redonner confiance aux commerçants transparents qui payent leurs impôts. De sorte que la légalité soit du coté des entreprises transparentes.
  • Proposer des emplois dans les secteurs en manque de main d’œuvre, à tous ceux qui se déclare chômeurs. Cela devra se faire dans la plus grande transparence et surtout publiquement. Toute personne qui refuse un emploi dans des secteurs légaux productifs (agriculture, bâtiment, industrie, transport, etc..) ne pourra en aucun cas se prévaloir du droit de travailler dans les réseaux mafieux.
  • Engager rapidement des audits et de études externes sur les grandes entreprises publiques en difficultés structurelles, afin de parvenir à un vrai diagnostic hors des analyses faites par les intéressés eux-mêmes (SNCFT, STT, STEG, SONEDE, CPG, GCT, Tunisair, ElFouledh, CTN, etc…) ces études devront êtres faites par des cabinets de renommées, reconnus pour leur indépendance et leur compétence en matière de diagnostic de crise. le cahier des charges devra être orienté vers l’audit économique financière et de gestion et de bonne gouvernance des entités.
  • Réformer la justice, pour rétablir la confiance entre les opérateurs économiques, les citoyens et ce pouvoir central. Il faudra impérativement donner l’exemple en montrant que les fonctionnaires de la justice, mêmes les magistrats ne sont pas au dessus des lois, et que lorsqu’ils se trompent ou qu’ils sont négligents, ils sont aussi sanctionnés et plus sévèrement que les autres, car ils sont dépositaire et garants du succès de la démocratie. Lorsque la justice est  fiable, la démocratie est sauve, la confiance est rétablie et le pays sera toujours sauvé. Rappelons-nous ce que Churchill a dit lors du bombardement de Londres : lorsqu’on l’a informé que Londres a étés lourdement bombardée, sa première question a été : ‘.. le palais de justice a-t-il été touché ?.. la réponse fut ‘ non Monsieur…’ il répondit dans le sens suivant ‘’ ..ah alors…la Grande Bretagne est sauve et la démocratie aussi… ».

L’impact escompté de ces quelques mesures sera alors le suivant:

  • Absorption rapide du chômage par la remise en fonction des capacités de production existantes. Il est plus facile de relancer une unité ou un service existant que d’en créer un nouveau.
  • Remise en paiement de dettes classées, sans en créer de nouvelles, par la reprise d’activité des entreprises existantes.
  • Revitalisation du tissu économique PME/PMI national, avec une reprise des exportations, des productions, du commerce et redistribution de salaires, donc amélioration du pouvoir d’achat global et relance de la consommation.
  • Reprise de la contribution au financement du budget par l’élargissement de la base imposable.
  • Diminution de la charge de l’administration publique, qui donne l’exemple en resserrant ses départements.
  • Signal fort de la prise de confiance dans l’ancrage de la démocratie et de l’équité par la réforme de la justice et l’abolition de l’impunité.
  • Diminution du besoin d’endettement étranger, et augmentation des revenus en devises accompagnés par une réduction des déficits commerciaux.
  • Relance immédiate des réalisations des grands projets d’infrastructures en monnaie locale et accélération de la croissance économique.

Cette modeste contribution n’a pas l’ambition de se mesurer aux grandes réflexions et études des éminences scientifiques et des grands esprits des experts et des politiques, il s’agit simplement de l’expression de ce qui semble de bon sens lorsque les moyens de rêver n’existent plus et que pour survivre et espérer se refaire il faut se concentrer sur l’essentiel et sauver les meubles.

Adnen ben salah



 

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2 Commentaires
Les Commentaires
DOGUI Mohamed - 16-07-2016 10:51

Merci pour cette analyse et ces propositions constructives (et pour l'humour). Malheureusement le bon sens est la denrée la moins bien partagée. La réflexion de nos gouvernants semble relever de la "pensée complexe".

zouhir ZRIBI - 18-07-2016 09:01

Excellent analyse simpliste, je pense que le bon sens nous offre des outils plus efficaces que les mesures poltico-politiciennes que nous vivons depuis 2011. LA Tunisie a perdu 5 ans mais le retard qui notre a subit est de plus de 20 ans. Cependant, une seule composante n'a été pas dans cette analyse c'est le Rôle de l'UGTT et de Hamma Hammami d'une part et le rôle des barbus de Ennahdha et des mafieux convertis en politicien. Ces gens n'ont rien compris des enjeux géopolitiques, des perspective de développement du pays, et de l'avenir des autres générations, Ils ne cherchent que leur intérêt parfois personnel immédiat et le leurs cotes populaires!!!!

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