Opinions - 01.04.2010

Supply Chain Management: cette source de compétitivité insoupçonnée

AliLe Supply Chain Management désigne la gestion des flux de l’entreprise, en partant de ses fournisseurs jusqu’aux clients finaux. Ces flux ont une grande influence sur la performance de l’entreprise puisqu’ils se rapportent aux délais de livraison, aux coûts, et à la préservation de la qualité des produits.

Trois types de flux sont mis en jeu :

  1. des flux physiques, c’est-à-dire les marchandises qui vont du fournisseur de matière au client final, en passant par l’entreprise elle-même
  2. des flux financiers qui traduisent les paiements, et qui vont en sens inverse, du fait qu’une entreprise commence, en général, par obtenir une commande, puis déclenche ses approvisionnements 
  3. des flux  d’informations qui vont dans les deux sens, entre les clients, les fournisseurs, les banques…

L’exemple le plus courant d’économie réalisable, grâce à un bon management de la Supply Chain, est celui de la gestion du stock, qui en constitue le domaine basique. En effet, il faut rappeler qu’un stock immobilisé, a un coût annuel qui peut atteindre 15 à 20% de sa valeur. Le champ d’activité de la Supply Chain va donc apporter les approches et outils nécessaires pour optimiser la gestion de ces stocks, tout en préservant la sécurité de livraison de l’entreprise. Outre les outils de planification et d’analyse dans ce domaine (méthode ABC, taille de lots - SMED,…), le Supply Chain Management apporte des solutions innovantes dans la mise en place de stratégies de collaboration avec les fournisseurs, la refonte de l’organisation des magasins, l’utilisation d’étiquette RFID, …

Ainsi, plusieurs sociétés de conseil en Supply Chain affirment avoir obtenu, avec leurs clients, une réduction du stock de moitié, en mettant en œuvre de telles approches. D’où, par voie de conséquence, un gain financier récurrent qui peut atteindre 10% de la valeur du stock.

Un autre exemple d’intervention de la Supply Chain Management est celui de la fiabilisation des prévisions de vente et, par voie de conséquence la maîtrise des programmes de production, pour éviter les changements brusques de planning, et réduire ainsi les coûts de production, tout en améliorant le taux de service.  L’obtention de résultats tangibles dans ce domaine passe par la mise en place de techniques de prévision de vente adaptées à l’entreprise et nécessite la maîtrise des flux d’information sur l’ensemble de la chaîne logistique, à partir du client de ses propres clients et en remontant le flux jusqu’aux fournisseurs.

Pour ce qui est de l’aval, à savoir, la gestion de la distribution, le Supply Chain Management permet d’introduire des solutions innovantes dans les modes de livraison, d’optimiser l’emplacement géographique des entrepôts et la circulation des camions ou encore d’opter pour une solution d’externalisation de la distribution auprès d’opérateurs spécialisés.

Il faut rappeler qu’en France, près de 80% des industriels ne gèrent pas eux-mêmes leur distribution et la confient à des opérateurs externes.  Cette dernière tendance est encore à ses débuts en Tunisie, même si nous assistons, depuis peu, à quelques expériences intéressantes avec les produits alimentaires par exemple, où des producteurs tunisiens ont confié la gestion des commandes à un opérateur logistique externe. Celui-ci a pris en charge, physiquement, le stock de produits finis, et reçoit directement les commandes des clients qu’il s’engage à livrer avec sa flotte de camions, en respectant les objectifs de délai. De ce fait, l’entreprise y gagne en efficacité, étant donné que cet opérateur logistique maîtrise le métier mieux que l’industriel, et qu’il obtient un meilleur coût.

Des solutions simples peuvent aussi être trouvées pour fluidifier les livraisons, comme cet exemple d’une briqueterie qui avait un problème de file d’attente interminable de clients, venant avec leurs camions, pour se faire livrer. La solution introduite a consisté à planifier des livraisons individuelles par tranche horaire et à envoyer un message SMS à chaque chauffeur pour lui annoncer le planning en question. Un logiciel a été utilisé à cet effet, pour automatiser le processus. Cette solution a permis de réduire considérablement la file d’attente, à la satisfaction générale.

L’intégration de la fonction Supply Chain Management dans l’organisation de l’entreprise

Une récente étude élaborée en Tunisie  a montré que le coût direct de la Supply Chain représente entre 10 à 20% du chiffre d’affaires, pour des filières comme les composants automobile, les médicaments, les dattes,...Exprimé par rapport à la marge brute, ce coût se situe souvent entre 30 et 40%, ce qui montre l’importance stratégique de maîtriser la Supply Chain, qui devient un levier principal pour améliorer la performance de l’entreprise.

Dans ce sens, un colloque organisé à Paris au cours de cette année 2010 (les 19èmes Journées du Management des Opérations de la Chaîne logistique) soutient que « la maîtrise de la Supply Chain devient maintenant le levier majeur pour réussir la sortie de la crise ».

Ceci passe d’abord par la sensibilisation des chefs d’entreprises, qui doivent mieux évaluer les contours et les enjeux de cette fonction Supply Chain Management, et l’intégrer dans leur organisation.

C’est ainsi que le poste de Supply Chain Manager devient de plus en plus courant au sein des entreprises performantes, et couvre l’ensemble du flux, depuis la demande des clients, jusqu’à la livraison, en passant par la gestion des approvisionnements, la planification de la production…  En Tunisie, cette fonction est encore peu présente, et se limite souvent à la logistique du transport et des stocks. Il faut qu’elle évolue d’une fonction « d’intendance » vers une fonction stratégique, qui coordonne et optimise l'ensemble des différents maillons de la chaîne logistique. Ce faisant, elle permettra de casser les murs qui séparent souvent les différentes fonctions au sein des entreprises, et animera ainsi une coopération transversale.

Le champ d’action du Supply Chain Management est très vaste, et son impact sur la performance est très sensible. Il s’agit d’un enjeu de taille pour le futur, car les avantages comparatifs en terme de coût de main d’œuvre, seuls, ne sont plus porteurs pour la Tunisie. Les entreprises qui auront adopté cette intégration du Supply Chain Management seront les plus armées pour garantir la pérennisation et le développement de leur activité.

(1)Etude sur la logistique de filières exportatrices pour le compte du Ministère du Commerce et de l’Artisanat, sur financement de la Banque Mondiale.

Ali CHELBI
DG du bureau ACC