News - 07.06.2016

Elyes Jouini : Du rêve !

Elyes Jouini : Du rêve !

On parle depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines d’un changement de gouvernement et l’on entend de nombreuses voix appeler à la constitution d’un gouvernement d’Union Nationale.  

Or ce dont le pays a besoin avant tout c’est d’un d'un projet et d'une vision. La recherche permanente du consensus avant l'action a été jusqu’à présent le catalyseur si ce n’est le moteur de la régression économique et sociale à laquelle nous assistons.  

La recherche du consensus avant l'action est à la fois retour au parti unique, déni de démocratie, paralysie garantie dans l'action et inefficacité garantie dans la construction d'une vision.  

C'est peut être un cliché mais cela n'en demeure pas moins un préalable car en l'absence d'un projet, on ne peut que s'étriper à l'infini sur les détails.

Ce qu'il faut, c'est un gouvernement fort de par sa détermination, c'est à dire tout l'opposé d'un programme d'Union Nationale. Un gouvernement qui pourrait afficher quelques priorités en petit nombre en s’adressant directement aux citoyens car en mobilisant les citoyens autour d’un sujet porteur, on coupe l’herbe sous les pieds des politicards réticents et on les rend responsables devant les citoyens de tout immobilisme. A l’approche de nouvelles élections, quel parti prendrait le risque de s’opposer à un programme de lutte sans merci contre la corruption ? Quel parti prendrait le risque de s’opposer à une mobilisation en force de toutes nos universités pour coacher – chacune en ce qui la concerne – ses diplômés chômeurs et les aider à remettre le pied à l’étrier ? Quel parti oserait s’opposer à une politique fiscale génératrice de justice sociale et dans laquelle les très hauts revenus et les très grands patrimoines seraient taxés de manière conséquente pour générer des ressources nouvelles pour l’Etat et pour financer, par exemple, une couverture santé universelle? Quel parti oserait s’opposer à un choc de simplification pour libérer l’investissement et libérer plus encore le citoyen du poids des procédures administratives consommatrices d’énergie et de temps collectifs?  

Bien sûr, de telles réformes heurteraient violemment les intérêts d’un grand nombre de personnes et le chemin ne sera pas facile mais c’est ce que les tunisiens attendent. Et c'est parce que c’est difficile que ça ne se fera pas dans le consensus des alcôves.  

Le consensus en amont est forcément un consensus mou que nous ne pouvons plus nous permettre. Il faut un gouvernement porteur d’une feuille de route courageuse et d’une vision, la vision d’un avenir auquel le citoyen moyen est susceptible d’aspirer. L'Union Nationale se fera d'elle même le jour où un tel projet porteur sera mis sur la table. Politiciens véreux et hommes d'affaires pourris tenteront de s'opposer en coulisses mais le peuple soutiendra et une majorité parlementaire se ralliera car elle n’aura pas le choix.  

Populisme direz-vous ? Non, juste considération pour un peuple qui a conduit et cru en la révolution et se sent aujourd’hui floué.  

Alors j’espère que le prochain gouvernement ne mettra pas des semaines à se constituer en tentant d’équilibrer les desiderata des uns et des autres. Alors j’espère que le prochain gouvernement  ne mettra pas 100 jours pour annoncer qu’il va commencer à réfléchir à un plan d'action alors que le plan aurait dû être là dès le départ et que l’exécution de ses principaux éléments aurait dû être déjà entamée au bout des 100 premiers jours. Alors j’espère que le prochain gouvernement sera constitué d’hommes intègres et capables de rallier autour de leur projet et non pas d’attendre que se dégagent d’improbables orientations consensuelles. Alors j’espère que le prochain chef de gouvernement sera en mesure d’annoncer dès le départ son rêve pour la Tunisie, sa vision. Pour finir, revenons au Littré qui donne au moins deux définitions pour le mot «vision» 1. Action de viser à, de se représenter en imagination. 2.  Idée folle, extravagante. Et c’est d’un mélange des deux que nous avons besoin : un avenir que l’on puisse s’imaginer en commun, un rêve assez fou pour exalter les énergies et écraser les difficultés. Car «la sagesse c’est avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit».

Elyes Jouini