Opinions - 28.04.2016

Les 4 blocages de la Loi bancaire en vote

Les 4 blocages de la Loi bancaire en vote

Le projet de la loi relative aux Banques et aux Etablissements Financiers est venu à la suite, et dans la logique, des nouveaux statuts de la BCT.

Dans son corps de texte du long de 200 articles, d’une centaine de pages, le comptage et la résonance des mots d’interdits, sont révélateurs que nous ne sommes pas tout à fait proches de la logique des métiers et des professions.

L’application du même comptage arithmétique, de la même audition, aux réglementations bancaires significatives et réussies, donnent un effet contraire. En effet, par leurs textes équilibrés et modernes, accueillants, ces réglementations ont favorisé l’attractivité de leurs Places et y ont permis la diversification de l’offre bancaire.

Le déphasage auditif, l’asymétrie réglementaire, que nous vivons, laissent perplexes. Nos éclatantes et nombreuses références, en la matière de l’écrit des Codes et des Lois, sont tristement bien lointaines. Et il est d’autant plus triste et déplorable que le savoir et que la conscience, l’intelligence, ne nous manquent guère pour  écrire des lois réussies, porteuses de richesse et de dynamisme.

Les renvois du basique comptage évoqué s’avèrent être complexes. L’approfondissement de l’analyse et de l’exploration appelleraient certainement à la reprise de la présente Loi, toute et en bloc.

Pas de fenêtres, pas de branches

Dans la quasi-totalité des places significatives, orientales ou occidentales, les banques sont libres de lancer leurs Islamic Branch, ainsi que leurs propres produits dits solidaires, participatifs ou dédiés.
Rendre exclusifs de tels types de l’offre bancaire nous remet dans les pratiques d’affecter les produits spécifiques à l’habitat aux seules banques du domaine. Les crédits agricoles de même, et ainsi de suite.
Les risques que le projet de loi nous emmène, donc, vers une Place davantage cloisonnée, munie de réglementations financières et bancaires, commerciales, entrecoupées, sont forts. Avec une telle configuration, l’économie tunisienne ne décollera jamais.

Un instrument tel que celui des ‘Titres participatifs’, qui est un produit de placement, une ressource de passif bancaire et de fonds propres en général, et qui répond à tous les types participatifs ; qui le commercialiserait ? Lesquels des banques l’utiliseront ou le proposeront à leurs clientèles ? Faudrait-il alors revenir au lexique des produits, les Articles de 12 à 18 du projet de loi, pour trancher ? Et s’il n’y figure pas, quel arbitrage ferait la BCT ?

Et puis est-il libérateur des énergies, est-il commun, de fixer un lexique de définitions de produits dans une Loi ?
D’autre part, que ferait-on des fonds islamiques qui sont commercialisés au public par des Intermédiaires en Bourse qui gèrent en parallèles, en toute légalité, des fonds communs de règles différentes. Les espèces liquides, en Dinars, revenant à ces différents fonds sont logées, indifféremment, dans n’importe quelle des banques de la place. Seul un mandat légal et contractuel dit ‘de Dépositaire’ désigne la banque choisie pour les recevoir.

Devrait-on alors considérer comme non coformes, les fonds antérieurs au présent projet de loi ? Pourquoi, alors, permettrait-on aux Intermédiaires en Bourse ce que nous ne permettrons pas aux Banques ?
Et ce n’est pas uniquement des Banques ou des Intermédiaires qu’il s’agisse. Les Tunisiens usagers de banques, avec le réseau bancaire de faible densité qui leur est offert, pourquoi leur refuse-t-on la facilité d’accéder aux produits qu’ils choisissent à la banque qu’ils veulent, au plus proches ou habituels qu’ils pourraient désirer ?

Pas de banques autrement qu’en S.A

L’Article n°33, du chapitre très discuté des Agréments, n’autorise pour les Banques que la seule forme juridique de la S.A ; la Société Anonyme.
Cette restriction est contre productive. En effet, elle nous prive déjà des banques mutuelles ou coopératives. Or cette forme de banque est capitale pour la reconfiguration et l’amélioration de l’architecture du financement de notre économie.

Ce type de banques manque gravement, et surtout, à notre agriculture et à nos régions. Ils auraient pu nous faire éviter des crises telles que celle du lait.
Des groupements d’éleveurs et de distributeurs sont capables de se constituer pour fiancer, par leur banque, leurs propres unités de collectes de relais ou de séchages. Ces unités seront dimensionnées à leurs tailles. Cela équilibrera toute la filière. Se répercutera positivement sur la qualité ainsi que sur la quantité de l’offre nationale en rapport, tant locale que d’export.
Sur ce volet particulier du lait, la configuration optimale, est d’être à 50% en collectes mutuelles et coopératives. Les banques mutuelles sont une vraie et durable réponse à plusieurs de nos crises. Elles contribueront fortement à organiser et à enrichir, à rendre viables, plusieurs de nos filières et métiers économiques.

Pas de vraies banques d’affaires

L’Article 21 définit la Banque d’Affaire selon trois types d’opérations. Ces opérations ne paraissent pas spécifier que les opérations de levées de fonds de capitaux ou d’emprunts sont dans le périmètre des activités principales de telles banques.

Ces levées relèvent des législations relatives à l’Appel Public à l’Epargne. Vu leurs enjeux et tailles considérables, nous gagnerons à améliorer leurs réglementations. Donner leurs montages et la préparation de leurs Prospectus d’émissions aux banques d’Affaires serait dans la logique des bonnes pratiques internationales en la matière. Dans la juste logique de la stabilité financière.
Les levées ainsi que leurs efficiences économiques se retrouveraient davantage améliorées. Une Banque ‘Dépositaire’ devrait être obligatoirement désignée pour assurer les missions de contrôle et de la supervision spécifiques et en rapport.

Ces fonds sont actuellement en dehors de la sphère des contrôles bancaires qui s’apprêtent à ceux traditionnellement appliqués aux suivis des crédits.
Le rôle et l’apport en expertises, en conseils, et en montages spécifiques, en introductions en Bourse, des banques d’affaires manquent à l’économie tunisienne. Ce sont ces rôles et apports qui devraient fondamentalement inspirer la modification de l’Article en question.

Pas de capital de banque moins de 50 Mdt

Le projet de loi indique dans l’Article 34 que le capital minimum d’une banque est de 50 millions de dinars. Auparavant, il était de 25 Mdt.

En revenant à notre exemple de la filière du lait,  jamais par une telle doctrine de capital minimum élevé, exigible en totalité, nous n’aurons des banques mutuelles. Des banques aussi bien compatibles avec la typologie des intervenants qu’avec le dimensionnement économique de leurs filières.

Il serait d’ailleurs non rentable, et non adéquat, de mobiliser autant d’argent, 25 Mdt ou 50 Mdt, en un capital de banque de type mutualiste ou coopératif. Un tel capital est par essence réduit.
Le manque manifeste de telles banques est l’une des raisons principales qui expliquent l’affaiblissement et la déperdition de plusieurs de nos filières et gammes de productions. Constat qui se vérifie aussi bien dans l’industrie que dans l’agriculture.

Par ailleurs, dire que nous sommes sur-bancarisés en Tunisie n’a aucun renvoi démonstratif ou de preuve.

Le bon sens, les comparatifs pays, doivent nous emmener, et vite, à favoriser le lancement de banques coopératives et mutuelles à capitaux dimensionnés à leurs justes besoins.
Parlons, donc, plutôt de capital initial et non de capital minimum exigé. Un niveau de 1 million de dinars en capital initial serait optimal, largement suffisant même, pour lancer de telles banques dont notre économie a grandement besoin.

Les effets émulatifs d’un tissu bancaire national varié, avec des banques universelles, des banques spécialisées, mutuelles, des caisses de crédits à faibles taux, des banques à gages, des banques d’affaires, des banques privées, seront considérables et intenses.

Dans les grandes places traditionnelles, les autorités incitent et encourage même les nouvelles implantations bancaires. Le capital initial pour lancer une banque y est non répulsif, non d’entrave, 1 millions d’€, 5 M€. Généralement, non exigible en totalité et au démarrage.
Nous, nous devons faire plus et mieux.

Mohamed Abdellatif Chaïbi
Banquier, Statisticien ISUP-Paris

 

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