News - 08.03.2016

David Thomson : Un péril majeur plane sur la Tunisie

David Thomson : Un péril majeur plane sur la Tunisie

« L'épisode de Ben Guerdane est un indicateur de la dégradation sécuritaire qui est en cours depuis la fin 2012, et qui, à mon avis, ne va pas cesser de s'aggraver dans les prochains mois et dans les prochaines années ». C’est ce qu’affirme David Thomson, journaliste à Radio France Internationale (RFI) et connaisseur des mouvements jihadistes. Interrogé par Caroline Hayek du quotidien libanais L’Orient Le Jour, il ajoute : « Je pense qu'un péril majeur plane sur la Tunisie, autrement dit une situation qui pourrait devenir à terme insurrectionnelle en Tunisie, avec le retour des jihadistes. Si l'on se fie aux dernières estimations de l'Onu, plus de 4 000 Tunisiens sont partis en Irak, 1 000 à 1 500 sont en Libye, et la plupart avec l'EI. Au sein de ce groupe, les Tunisiens sont ceux qui combattent le plus, qui sont les plus déterminés. Dans tous leurs communiqués et dans toutes leurs vidéos, ils manifestent clairement leur intention de mener des attaques terroristes en Tunisie. Le pire est à venir pour la Tunisie ». Interview.

 
Est-ce que les jihadistes circulent facilement entre la Libye et la Tunisie ?
La circulation a été extrêmement facile pour les jihadistes, notamment tunisiens, mais aussi français, entre la Tunisie et la Libye jusqu'à récemment, c'est-à-dire jusqu'au début d'année 2015. C'est ce qui a permis à plusieurs centaines de Tunisiens de regagner sans trop de mal le jihad, en particulier à partir de l'été 2013. À partir de 2015, les autorités tunisiennes mais aussi libyennes, en tout cas, la partie Fajr Libya, ont été beaucoup plus vigilantes. Mais les flux continuaient de passer. Aujourd'hui, les passages sont beaucoup plus difficiles, mais ils continuent d'aller et de venir, notamment en bénéficiant des réseaux de contrebande, dont le territoire se trouve aux frontières.
 
Quelle est l'importance de la ville de Ben Guerdane ? A-t-elle été un vivier de recrues jihadistes ?
Ben Guerdane, dans l'imaginaire jihadiste, est une ville qui a une importance particulière, en raison d'une phrase qui a été prononcée par Abou Moussab el-Zarqaoui, qu'on peut considérer comme le père spirituel de l'État islamique (EI). Après 2004, et la fameuse bataille de Falloujah en Irak, il avait dit dans l'un de ses messages audio : « Une ville en Tunisie s'appelle Ben Guerdane. Si elle avait été près de Falloujah, elle aurait libéré l'Irak. » Cela montre qu'à l'époque déjà il y avait beaucoup de Tunisiens dans le premier jihad irakien. Est-ce que cela voulait dire, dans son esprit, que la plupart des jihadistes tunisiens venaient de Ben Guerdane ou bien que ces derniers avaient beaucoup transité à Ben Guerdane pour se rendre en Libye, pour ensuite rejoindre l'Irak ? Je penche pour la seconde hypothèse. Dans l'imaginaire, elle a un rôle important, mais je ne suis pas certain que le taux de départ de jihadistes en Irak ou en Libye soit plus important à Ben Guerdane qu'à Sidi Bouzid ou Bizerte.
 
Est-ce que la fermeture des postes frontaliers et le renforcement des patrouilles, y compris aériennes, à sa frontière avec la Libye suffiront à endiguer la menace ? N'est-elle pas également interne ?
La « ligne Maginot » tunisienne, c'est-à-dire ce mur de sable le long de la frontière libyenne, qui a été construit après l'attentat de Sousse, est de mon point de vue un non-sens. D'abord, parce qu'il est extrêmement facile de le franchir, de le contourner. Ensuite, parce qu'il y a des jihadistes tunisiens pas forcément identifiés, qui, avec une simple carte d'identité ou un passeport tunisien, peuvent tout simplement passer par les deux postes-frontières de Ben Guerdane ou de Ras Jedir. Il faut également garder en tête qu'il y a encore un grand nombre de jihadistes qui sont sur le sol tunisien, qui se sont rasé la barbe et qui sont passés en clandestinité. Lors de la période où les autorités faisaient preuve d'une tolérance vis-à-vis des jihadistes entre 2011 et 2013, c'est à ce moment-là que les jihadistes tunisiens ont mis en place des trafics d'armement très importants, qui venaient de la Libye. Il y a plus de 5 000 ressortissants tunisiens qui sont partis faire le jihad en Syrie, en Irak et en Libye, qui vont revenir et qui ont des intentions terroristes très fortes contre la Tunisie. Même au-delà de ces individus-là, il y a un certain nombre de militants et de jihadistes tunisiens qui sont sur le sol tunisien, qui sont armés et déterminés, et qui peuvent passer à l'action. À mon avis, il y a beaucoup de jihadistes ayant mené l'attaque de Ben Guerdane qui sont dans ce cas de figure-là.
 
Les attaques d'hier sont-elles d'une ampleur inédite? Le pire est-il pourtant encore à venir ?
L'épisode de Ben Guerdane est un indicateur de la dégradation sécuritaire qui est en cours depuis la fin 2012, et qui, à mon avis, ne va pas cesser de s'aggraver dans les prochains mois et dans les prochaines années. Je pense qu'un péril majeur plane sur la Tunisie, autrement dit une situation qui pourrait devenir à terme insurrectionnelle en Tunisie, avec le retour des jihadistes. Si l'on se fie aux dernières estimations de l'Onu, plus de 4 000 Tunisiens sont partis en Irak, 1 000 à 1 500 sont en Libye, et la plupart avec l'EI. Au sein de ce groupe, les Tunisiens sont ceux qui combattent le plus, qui sont les plus déterminés. Dans tous leurs communiqués et dans toutes leurs vidéos, ils manifestent clairement leur intention de mener des attaques terroristes en Tunisie. Le pire est à venir pour la Tunisie.
 
Y a-t-il eu des réactions de la part des mouvements jihadistes tunisiens par rapport à la polémique concernant le Hezbollah libanais ?
Pas encore. Pour l'instant, il n'y a pas eu de réactions officielles de l'État islamique ou de la branche tunisienne d'Aqmi (el-Qaëda au Maghreb islamique) par rapport à la polémique qu'il y a eu ces derniers jours en Tunisie au sujet du classement comme groupe terroriste du Hezbollah, lequel, évidemment, bénéficie d'un mouvement de sympathie important en Tunisie, qui a donné lieu à des réactions officielles, dont celle du ministère des Affaires étrangères qui a bien précisé que le Hezbollah n'était pas un mouvement terroriste.
 
Caroline Hayek
OLJ
 
Photos: Ministère de la Défense nationale
 
Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
3 Commentaires
Les Commentaires
jaghmoun - 08-03-2016 16:03

Des analyses et des faux chiffres. La Tunisie est bien préparée pour avorter toute tentative. Les tunisiens sont unis contre le terrorisme. Il y a presque 1800 tunisiens qui se battent mais ne sont tous Des islamistes extrémistes. La Tunisie vaincra comme on a vaicu le colonialisme plus armé

bouzaiane Mohamed - 08-03-2016 20:07

6.000 Tunisiens issus de familles tunisiennes, transformés par des corrupteurs, vendeurs de rêves et de faux espoirs sont actuellement manipulés pour combattre d'autres Tunisiens plus intelligents, organisés, non corrompus et convaincus par la défense de vie de leurs proches. Tunisiens optimistes, courageux contre des mercenaires harcelés par des hommes de marketing des guerres et des conflits sociaux . Ces derniers ne sont que des marionnettes aux mains des prédateurs qui finiront un jour par se débarrasser d'eux. Des Tunisiens prêts à tout pour offrir la paix et le bonheur à leurs familles et proches contre des individus transformés psychiquement et chimiquement, mis souvent par la ruse ou par la force au services des ennemis de la paix, pilleurs des richesses matérielles et immatérielles de pacifiques nations. Le faux, contre le vrai, le corrompu mercenaire, contre le rassasier volontaire, le vendu à son propre ennemi, contre celui que rien ne peut réduire sa fidélité à son pays. Certes, les moments nous sont rendus difficiles par les stratèges qui travaillent pour la confection de marionnettes, sans état d’âme qui sèment la terreur et créent ainsi une paralysie sociale nuisible aux Tunisiens et à leurs créanciers. Comme c’est le cas pour les autres pays développés, les Tunisiens devront être solidaires, vigilants et armés de patience et de clairvoyance. Notre population est à immuniser contre la mentalité de corruption, principale source de malheurs et grande ouverture vers le mercenariat. La pauvreté a été la plus part du temps pour la majorité d’entre nous, une source de dépassement de soi, d’innovation, de création et de fierté en cas de réussite. C’est une gymnastique corporelle et intellectuelle qui ne laisse que des souvenirs agréables pour ceux qui savent apprivoiser puis s’écarter de la pauvreté avec honnêteté et réel optimisme. Honnêtes et solidaires, sans peur excessive, ni panique, les Tunisiens, sortiront indemnes. Nous sommes une proie aux yeux de nos géants prédateurs qui sont eux même de futures proies pour les créatures qu’ils ont créées depuis des décennies. Cependant, les Tunisiens entraînés à la pauvreté, sont amères et difficilement consommables. La plus part d’entre nous est tout simplement animés d’amour à la vie de tous les humains et est contre la haine de l’autre. Le mal qui nous vient de l’extérieur avec la complicité d’un faible pourcentage de personnes de l’intérieur est maîtrisable et nos prédateurs le savent bien. Dieu merci, nous ne sommes pas riches et que le peux que nous possédons n’est que le fruit de notre laborieux travail.

Touhami Bennour - 09-03-2016 00:55

Nous nous trouvons au temps de grandes manoeuvres, sûrement le retour d´une facon ou une autre á la guerre froide. Dejà les russes parlent de guerre atomique á propos de la Syrie, bien sûr le vrai probleme ce n´est pas le Syrie mais á qui revient la première place pour diriger le monde, ou se le partager. Un nouveau Picot syko en quelque sorte, et toutes les manoeuvres auront cours. La Tunisie n´a que faire de cette mise en scène diabolique. Et au fait Fallouja est une ville heroique et n´a rien avoir avec des aventures de terroristes de Zarkaoui et autre. Moi je pense que les tunisiens qui sont allés combattre dans d´autres pays arabes ne sont pas allés pour faire du terrorisme, mais comme la Tunisie étant le pionnier de la Revolution du printemps arabe,ils ont peut-être pensé se faire voir en tant que tunisiens ailleurs mais "pensant"faire avancer la cause de la Revolution Tunisienne. Il ne faut pas oublier qu´ils sont des jeunes.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.