Opinions - 02.02.2016

Tunisie: Avant qu’une nouvelle lame de fond ne finisse par tout emporter!

Tunisie: Avant qu’une nouvelle lame de fond ne finisse par tout emporter!

En boomerang violent, Kasserine nous envoie, par fortes salves successives, le ressentiment d’une jeunesse en rupture de ban, de régions en désespérance et d’une population qui dénie à la classe politique tout leadership. La confiance est largement entamée, les discours s’avèrent aseptisés, inaudibles, illisibles. Dirigeants, partis, organisations et médias ont été incapables d’endiguer le flot. Seules les forces sécuritaires ont dû engager le dialogue, éviter de grands désastres et dissuader les pillards de commettre de plus déplorables forfaits.

En toile de fond, une crise politique aiguë attisée par la fragilisation des partis, envenimée par une explosion sociale d’une forte ampleur. Obnubilée par la conquête du pouvoir et le positionnement pour des échéances qu’ils espèrent proches, la classe politique a relégué l’économique au profit de l’accessoire et le social au profit du charitable. Héritant des mines désamorcées, Habib Essid s’est retrouvé embourbé dans des chantiers inextricables. Vainement, tout a été essayé ! Persistant à essayer les mêmes solutions dont la vanité est, pourtant, avérée.

Ce qui fait le plus défaut, c’est l’absence d’une vision globale, cohérente et porteuse. Une vision consensuelle, largement partagée, portée en objectif commun, en destin national.
Ce qui n’a pas été tranché, c’est la redéfinition du rôle de l’Etat, des règles de partage et de redistribution des richesses nationales, et la primauté du social, qu’il s’agisse d’emploi, de revenu, de soins de santé, d’éducation, de transport public et autres maux profonds qui rongent le Tunisien.

Ce qui est le plus attendu du gouvernement, ce sont des politiques publiques efficaces, pour y répondre. 

Ce qui manque le plus, c’est l’affirmation d’un Etat concepteur, pragmatique, régulateur, introduisant à temps les correctifs nécessaires, déléguant l’exécution et gardant un œil vigilant sur la réalisation et l’évaluation.

Ce qui peut contribuer à tant de maux, c’est l’ancrage de la démocratie participative, à tous les nouveaux, l’interconnexion des politiques et une approche inclusive qui apporte de vraies solutions. L’alerte est sérieuse. La Tunisie est en danger. Non seulement à cause de la persistance des risques terroristes et de la dégradation des finances publiques avec le fléchissement des indicateurs économiques, mais aussi et surtout en raison de ce profond sentiment d’inquiétude, de désarroi et de désespoir qui gagne les Tunisiens. Les récents évènements ont ravivé de très mauvais souvenirs qui avaient entaché les premiers jours et les premières nuits de la révolution.

Un sentiment de désenchantement gagne de plus en plus la population et se propage jusqu’à nos amis de par le monde. Nombreux parmi ceux qui à l’étranger ont fondé de grands espoirs sur le génie tunisien et soutenu nos requêtes d’appui commencent à se poser des questions, à douter même.

La constitution adoptée, les élections réussies et de nouvelles autorités mises en place, pourquoi le gouvernement n’arrive-t-il pas à mobiliser les meilleures compétences expérimentées pour les mettre aux commandes? L’ambition dévorante des uns et l’esprit partisan des autres se sont conjugués pour exiger avec beaucoup d’insistance un partage des portefeuilles ministériels, en mode de quotas à se répartir.

Pourquoi aussi les Tunisiens ne  retroussent-ils pas leurs manches pour se remettre au travail, sursoyant à des revendications salariales qui mettent en difficulté le budget de l’Etat pour les effectifs pléthoriques de la Fonction publique, et la pérennité de l’entreprise, pour le secteur privé?

Pourquoi nombre de partis, alors qu’on est encore loin des échéances, sont-ils déjà en campagne électorale, avec des déchirements internes et une surenchère pour faire tomber le gouvernement?

Pourquoi la société civile se démobilise-t-elle comme si elle se résignait à la fatalité d’un échec. Kasserine, en symbole, nous interpelle tous. Saurions-nous l’écouter, avant qu’une imparable lame de fond ne finisse par tout emporter?

Pourtant, il va falloir espoir garder!

Taoufik Habaieb

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2 Commentaires
Les Commentaires
Salah Hamdi - 02-02-2016 17:57

Cher Si Taoufik . Bonjour . Je partage entièrement votre analyse - alerte ! Le lendemain des évènements de Kasserine j'ai préparé un papier de moins de 2000 mots qui abondent dans le même sens dans un style moins fort , nuancé avec des propositions concrètes . Je l'ai envoyé à Leaders le 25 janv. en fin de journée sans suite . Après trois jours , je l'ai retouché et je l'ai adressé à la Presse . Il a été publié aujourd'hui ( c'est un peu tard ). Merci de votre bienveillante attention . Cordialement .

jellouli - 04-02-2016 19:23

Moi j ai l impression que les deux tetes qui disposent veritablement du pouvoir,Beji Caied Essebsi et Rached Ghannouchi s accommodent tres bien avec la situation qui empire de jour en jour,ils ont l air de ne vouloir rien faire qui puisse donner de l espoir aux Tunisiens,Les deux tiennent les ficelles bien en mains.

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