Notes & Docs - 15.01.2016

Balance commerciale de Tunisie : Historique et interdépendances

Balance commerciale de Tunisie : Historique et interdépendances

Un épais brouillard formé de commentaires hâtifs et d’exégèses approximatives  empêche de voir clair dans les vraies raisons du déficit la balance commerciale de Tunisie. Au cours des derniers mois, le débat sur ce déficit occupa les devants de la scène médiatique et politique sans que l’on procède à une analyse rigoureuse des données statistiques et sans que l’on mette en perspective l’évolution à long terme des échanges commerciaux du pays avec l’extérieur. Certains commentaires ont incriminé la baisse de la production minière, d’autres le déficit de la balance énergétique ou celui de la balance agricole et alimentaire. Malgré tout, le débat ignora l’essentiel, c’est-à-dire les origines endémiques et structurelles du déficit de la balance commerciale.

A dire vrai, le déficit de la balance commerciale de Tunisie n’est ni une nouveauté, ni même un accident. Certes il atteint fin 2014 un niveau jamais connu jusque-là, -13633 MD, contre -11808 MD en 2012 et -8209 MD en 2010. Mais en termes de taux de couverture des importations par les exportations, la Tunisie a connu pire par le passé, y compris lors d’une décennie que beaucoup tiennent aujourd’hui encore pour l’âge d’or de l’économie tunisienne. Entre 1950 et 1955 (les dernières années du Protectorat), le taux de couverture s’est situé entre 77,3% en 1950 et 59,1% en 1955. Entre 1956 et 1961, il a varié entre 57,8% et 52,4%. Entre 1962 et 2014, le taux de couverture n’est allé au-delà de 80% qu’une seule fois (81,4% en 1974 suite au premier choc pétrolier), pour  baisser tout de suite après (60,3% en 1975) signifiant de la sorte que les conditions climatiques, la cyclothymie des prix internationaux et les variations de la valeur de la monnaie nationale ne constituent qu’une partie du problème.

Taux de couverture: rapport en%  entre les exportations FOB et les importations CAF. Un taux supérieur à 100% signifie que le pays exporte plus qu’il n’importe, d’où des excédents commerciaux et une plus grande marge de manœuvre dans la conduite de la politique économique et financière. Un taux inférieur à 100% signifie que le pays importe plus qu’il n’exporte d’où un déficit de la balance commerciale et la réduction de cette marge.


Si on découpe l’historique de la balance commerciale de Tunisie indépendante selon la nature de la politique économique suivie, on constate qu’entre 1956 et 1961 (période d’avant Plan, sans orientation idéologique particulière), le taux de couverture des importations par les exportations a varié entre  52,4% en 1961 et 99,3% en 1958. Mais il ne faut pas s’y tromper : les taux de  1957, 1958 et 1959 (tous supérieurs à 90%) indiquent moins la bonne santé de l’économie tunisienne que l’impact dû à une limitation drastique des importations (les biens de consommation courante notamment).

Entre 1962 et 1969 (période dite de planification socialiste), le taux de couverture a varié entre 48,7% en 1965 et 72,4% en 1968 résultant pour ce qui est de l’année 1965 de très mauvaises conditions climatiques d’une part, de la dévaluation de la monnaie de 25% à partir du 4ème trimestre 1964 d’autre part. Au cours de cette période, la production agricole souffrit très gravement d’une sécheresse prolongée dont la durée dépassa largement celle prévue par la théorie des cycles. Malgré tout, le taux de couverture moyen se situa à 57,3%.

Bien que bénéficiant de conditions climatiques beaucoup plus favorables et de l’évolution positive des termes de l’échange (les termes de l'échange sont le rapport entre l'indice du prix des exportations et celui des importations, indices exprimés selon une même année de base), les années 1970-1979 (libéralisme économique teinté de dirigisme) n’ont pas enregistré le  taux de couverture que l’on pouvait attendre (68% en moyenne), celui-ci variant entre 50,9% en 1977 (son niveau le plus bas) et  81,4%  en 1974 (son niveau le plus élevé).

Entre 1980-2014, le taux de couverture oscilla entre 55,8% en 1984 (son niveau le plus bas)  et 79,8% en 2005 (son niveau le plus élevé). Au cours des années 1980-1986, la Tunisie connut sa première expérience de stagflation que d’aucuns imputent, encore aujourd’hui, aux seules augmentations de salaires. L’instauration du PAS en 1986 s’accompagna d’une dévaluation du dinar dont l’impact positif sur le déficit de la balance commerciale ne s’avéra, en fin de compte, ni significatif, ni durable. A partir de 2000, le déficit commercial dût supporter la charge grandissante du déficit de la balance énergétique. Cette charge bien que lourde, reste, encore aujourd’hui, moins dévastatrice en comparaison avec celle générée par l’accroissement sensible des importations de produits semi-finis nécessaires à la production et à l’exportation.

Tel est, résumé, l’historique du commerce extérieur de Tunisie. En dépit de l’évolution générale de l’économie tunisienne et de la modification quantitative et structurelle de sa production et de ses échanges avec l’extérieur, les variations brutales des prix internationaux et la conjoncture continuent à peser exagérément sur le déficit de la balance commerciale. Cela situe d’autant le degré de fragilité de l’économie tunisienne. Cependant, rien de sérieux ne peut être conclu si l’on ne distingue pas dans le déficit de la balance commerciale ce qui revient à la conjoncture (pluviométrie, conditions naturelles, variation des prix internationaux, climat politique et social, etc.) de ce qui revient au structurel (allocation des ressources, investissement, choix industriels, VA, productivité, etc.)

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Habib Touhami

 

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2 Commentaires
Les Commentaires
zinsmann - 15-01-2016 21:55

A y regarder de prés,la valeur cumulée des importations des produits énergétiques et des produits de l'agriculture ( alimentaire, coton, tabac, cuire...) est équivalente au déficit commercial . Donc la voie est toute tracée pour équilibrer notre balance commerciale : complémenter notre énergie du soleil et de ses 2000 kWh/an/m² qu'il nous déverse sur nos terres/mer et se fournir en eau dessalée de la mer, à cette même énergie solaire thermique concentrée, pour faire jaillir un aquifère Thalasso-solaire de 500 m3 / s afin d'irriguer nos 5 M² d'ha de terres arables pour réaliser l'autosuffisance alimentaire !

Taoufik Ben Salah - 16-01-2016 19:03

Bravo pour ce travail minutieux.

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