Opinions - 28.11.2015

Les huit conseils d'un Algérien à une Tunisienne dont les yeux saignent pour son pays

Mes yeux saignent à Amman!

Vous est-il arrivé de voir votre cerveau voyager quelque part, alors que votre cœur, votre esprit et toutes vos émotions sont restées emprisonnés à Tunis?
J’ai quitté Tunis, traumatisée par la perte de Mabrouk Soltani et arrivée à Amman, j’ai décidé de tout faire pour sortir ma tête de l’eau et réapprendre à respirer quand j’ai reçu, comme des millions de tunisiens, un second coup de massue, un nième coup de massue, le terrorisme vient encore de frapper !
Et pourtant, ce matin, je n’avais pas le choix que de rentrer dans une salle de conférence pour faciliter un atelier pour des parlementaires, des magistrats et plusieurs autres représentants de 10 pays Arabes. En réalité, je n’avais qu’une seule envie: m’enfuir dans ma chambre et passer la journée à pleurer! Au fond de moi-même, je savais que c’est exactement ce que les terroristes voulaient! Alors, j’ai décidé de ne pas leur donner raison, j’ai pris une longue respiration, j’ai levé la tête et j’ai commencé par remercier tous les collègues pour leurs condoléances et je leur ai dit que ma réponse aux terroristes était de continuer à travailler, malgré tout!

Au déjeuner, je me suis assise avec un collègue algérien, j’avoue que je n’ai pas pu m’empêcher de poser la question car l’occasion était trop belle pour la laisser passer: Vous autres Algériens qui avez enduré la décennie noire du terrorisme, quels conseils avez-vous pour les tunisiens?

Il commença tout de suite par prédire : «Le terrorisme va encore frapper, chaque fois plus dur, plus fort engendrant des pertes de plus en plus douloureuses! Mon premier conseil: ne perdez pas des années précieuses comme nous l’avons fait. En Algérie, pendant les 5 premières années, de 1991-1995, notre réponse était le tout sécuritaire pensant que cela suffisait, nous nous sommes trompés! C’est pour cela qu’on a dû changer complètement notre réponse sur le plan social, économique et politique.

Voici brièvement, à titre d’exemple, quelques mesures que nous avons prises:

  1. Viré tous les Imams qui prônent la haine, les idées terroristes…etc., et tous ceux qui n’ont pas été recrutés officiellement par le Ministère des affaires religieuses.
  2. Fermé toutes les mosquées hors la loi qui sont le lieu où les lavages de cerveaux s’opèrent et où les idées terroristes se propagent.
  3. Les villageois vont avoir peur et pour ne pas risquer qu’ils partent et laissent la place aux terroristes qui vont s’y installer, il est impératif de se concentrer sur ces zones rurales. Redonner confiance que l’Etat est présent et s’occupe d’eux en assurant l’eau, l’électricité, ouvrir des dispensaires et unités de soins, des écoles…bref, œuvrer à assurer la justice sociale et tous les services dont ils ont besoin et qui vont les encourager à rester dans leurs villages.
  4. Brisé la coalition entre les terroristes, dealers de drogue et les contrebandiers. Les dealers de drogue et les contrebandiers recherchent la protection des terroristes et en contrepartie ils sont prêts à les financer.
  5. Ré-engager les soldats à la retraire qui vivent dans les montagnes et zones rurales lointaines afin qu’ils créent des unités composées des jeunes qui vivent dans ces montagnes, les armer et les laisser en charge de protéger les villages sous les ordres et avec le support des militaires.
  6. Rouvrir toutes les écoles que les terroristes ont fermées, car ils vont en fermer !
  7. Faire attention à tous ceux qui ont infiltré les forces de l’ordre, ce sont des bombes à retardement.
  8. Contrôler et assécher toutes les sources de financement douteuses qui alimentent les associations de charité et autres et par conséquent le terrorisme.

Khadija Moalla