Tendance - 03.11.2015

Quand Aïcha Zarrouk contemple le monde

Quand Aïcha Zarrouk contemple le monde

Une jeune artiste tunisienne observe avec un œil amusé notre époque, ses enjeux et son évolution tumultueuse. Elle contemple les icônes de ce monde, celles qui nous sont à la fois si familières et si sacralisées par leur apport à l’Humanité. Le clin d’œil à l’Histoire n’est jamais loin. Notre artiste s’appelle Aïcha Zarrouk.

Ayant attrapé la fibre artistique dès l’enfance, passionnée de dessin depuis toujours, c’est à Londres que le déclic se produisit. Dans la capitale britannique où elle poursuivait ses études supérieures, elle développe un intérêt particulier pour l’art contemporain. Il faut dire que cet art y est très développé, le magazine Les Inrocks titrait déjà en 1997 : «Londres, capitale mondiale de l’art moderne ». Ils attribuent ce sacre à une exposition baptisée Freeze, organisée en 1988 par Damien Hirst, membre du groupe Young British Artists, qui domina la scène artistique britannique des années 1990.

Ces années étaient celles de la découverte, de l’inspiration et de la formation artistique. Bien des artistes ont suscité l’enthousiasme  de Aïcha, stimulé son intérêt artistique pour l’innovation et exalté sa passion.

Ils n’appartiennent pas à la même époque, toutefois il y a une certaine suite logique, chacun d’entre eux a marqué son temps et insufflé un vent de renouveau. Il y a eu d’abord le peintre surréaliste belge René Magritte dont la toile «Le Fils de l’homme » est très connue. On y voit un homme dont une pomme cache la moitié du visage. Bien entendu, Andy Warhol qui a lui seul incarne une école en matière d’art contemporain, qui a été une figure de proue en matière de pop art, continue de fasciner les nouvelles générations. Il y a eu aussi Banksy, le mystérieux artiste britannique qui continue de dissimuler son identité mais aussi à faire bouger les lignes. Icône du street art (l’art urbain), connue pour ses œuvres sur les murs de Bristol et de Londres, il a aussi peint sur le mur de séparation  en Cisjordanie.

Cette phase d’observation, d’exploration et d’initiation fut instructive et enrichissante pour Aïcha qui ne tardera pas à débuter avec dynamisme et originalité. Originalité qui se traduit par la création de situations marrantes, incongrues et parfois cocasses inspirées de l’enfance, de l’Histoire et de l’actualité. Le seul maître mot est de laisser libre cours à l’imagination, se libérer du contrôle de la raison. Associer le réel à l’irréel. C’est la toute-puissance du rêve. Convertir l’image classique et habituelle que nous avons à l’inventivité et à la fantaisie. Bref, laisser l’éprit s’évader.

Mick Jagger est «orientalisé», le célèbre guitariste des Stones est coiffé d’un fez, le couvre-chef turc orné d’un gland noir fixé sur le dessus surnommé dans notre dialecte tunisien chéchia stambouli. En lieu et place de sa guitare électrique, il tient un luth, le oud. Sur sa table, on distingue un machmoum, un bouquet de fleurs de jasmin. David Bowie a subi un sort similaire dans une autre œuvre. La grande diva de l’Orient Oum Kalthoum  a été convertie à l’hipsterisme. La grande star des années 1950 James Dean est associée au personnage de Disney, Wendy.

Une autre œuvre frappe par la part de l’imagination mais également 
par sa volonté de transgresser la pudeur orientale, on y distingue un
musicien vêtu d’une djellaba marocaine et jouant du violon. Et le violon
qu’il tient n’est autre que l’œuvre «Le Violon d’Ingres» qui représente
le corps d’une muse épousant la forme de cet instrument.

Métamorphoser un objet, Aïcha sait bien le faire, l’œuvre «Cocktail explosif » illustre une grenade, objet de violence et synonyme de la mort, transformé en cocktail, boisson associée à la détente et à la distraction. C’est un message de paix pour toute une région embrasée par des conflits interminables.

Les questions brûlantes et décisives ont toutes leur place également. Les enjeux climatiques, au cœur de l’actualité à la fin de cette année lors de la COP-21, Conférence de Paris sur les changements climatiques, ont inspiré à Aïcha Zarrouk cette œuvre éloquente et percutante où l’on voit la planète Terre sous forme d’une boule de glace qui ne cesse de fondre.

D’autres œuvres, des portraits, rendent hommage d’une manière particulière et sympathique à des personnages historiques. Il s’agit de les sortir de la gravité, du sérieux et du caractère solennel des portraits habituels. À cet égard, on peut citer le portrait du grand réformateur Kheireddine où son cheval est transformé en licorne et son sabre en baguette magique. Bourguiba a eu droit à un portrait gai, coloré et vivant. Aïcha a rendu hommage aussi à l’artiste mexicaine Frida Kahlo.

Certes,  l’art contemporain, large éventail de créations artistiques, n’est pas très développé dans nos contrées, souffre de nombre de préjugés fallacieux et de clichés regrettables, néanmoins, il mérite d’être mieux connu et mieux exploré. D’autant plus que la scène artistique ne doit pas rester figée, elle doit évoluer. Sans oublier que notre pays a besoin de l’émergence d’une nouvelle génération dans tous les domaines, y compris celui de l’art et de la culture.

L’œuvre variée mais singulière de Aïcha Zarrouk s’est exposée le mois dernier à Dar Marsa Cube. C’est une exposition en collaboration avec l’artiste Sirine Ben Jemâa. Vous pouvez également consulter la page Facebook Aychart qui regroupe une partie du travail artistique de Aïcha. À notre artiste, nous lui souhaitons de continuer de tracer son chemin avec comme seul guide, le rêve et l’imagination. Le succès et la consécration seront sans doute au rendez-vous.

Chedly Mamoghli

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1 Commentaire
Les Commentaires
Slim - 04-11-2015 00:43

Bravo a tous.

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