Opinions - 02.11.2015

Je suis en colère!!

Je suis en colère!!

Lors des dernières élections qui ont mené Nidaa Tounes au pouvoir, la colère s’est ancrée dans mon esprit. Ella a pris place parce que j’avais vu venir  l’implosion de ce parti sans pouvoir convaincre ni  faire passer mon message. Tout mon entourage était obnubilé par Beji Caied Essebsi, et ce, malgré son grand âge. A leurs yeux, il était le seul  et unique à être reconnu capable de faire face à Ennahdha, mais surtout et dans un esprit totalement anti-démocratique, d’être capable d’en débarrasser totalement la scène politique.

Or pour construire une démocratie, il faut au moins deux forces politiques égales. Si l’une des deux venait à disparaitre, c’est tout notre transition démocratique qui serait en danger et nous retomberions dans le schéma de la Troïka ou pire encore dans une théocratie.

Par ailleurs, et pour construire un parti fort et viable, on se devait de le faire autour d’une vision traduite en un projet auquel tout un chacun peut s’identifier et y adhérer,et ce, quel qu’en soit le leader.  On ne peut jamais construire un parti viable autour de la notion de « contre ceci ou contre cela » à travers une personne que l’on divinise après avoir fait tomber une dictature.
J’étais donc en colère mais je m’étais pliée aux résultats du vote en me disant que je me devais d’encourager et de soutenir autant Nidaa Tounes  que Ennahdha pour rester fidèle à notre fragile transition démocratique et aux résultats des élections que chacun se doit de respecter.

Or Nidaa Tounes pour s’assurer une majorité à l’ARP afin de pouvoir gouverner tranquillement, a pris le parti de coopérer avec Ennahdha. Au nom de ce compromis et de l’intérêt national, Nidaa a en réalité déçu une grande partie de ses électeurs prenant le risque de précipiter son implosion et  il a surtout empêché une vraie opposition d’exister et d’exercer son rôle.

Depuis, nous avançons à peine et à plusieurs reprisestoutes sortes de dérives et d’excès me mettaient de plus en plus en colère. A leur tête les actions terroristes du Musée du Bardo et de Sousse qui ont démontré une incompétence flagrante à assurer la sécurité.  Je restais néanmoins confiante en me disant que malgré les zones de forte turbulence et la médiocrité ambiante qui empêchent notre économie de reprendre pied,nous demeurions fidèles à l’objectif final qu’est la démocratisation de notre système de gouvernance.

Lorsque la société civile tunisienne, à travers le Quartet, obtint le Prix Nobel de la Paix, j’étais très heureuse en me disant que ce Prix renforcerait les bases de notre démocratie naissante. Or non seulement personne n’honora ce Prix mais les disputes continuent de faire rage quant à son récipiendaire. Il me semble pourtant évident que ce soit Madame Bouchamoui, Présidente de l’UTICA, qui le reçoive rien que pour son statut de femme tunisienne, symbole puissantde la pratique de la parité homme-femme et de la pratique démocratique qui commence précisément par cette parité.
A ce jour, ni le Président de la République, ni celui de l’ARP n’ont fait cas de ce Prix qui aurait dû réunifier les cœurs des tunisiens autour de leur drapeau. Seul la France dans des conditions discutables a fait le geste de l’honorer. Un signal d’alarme sonna de nouveau dans ma tête et ma colère montât d’un cran d’autant qu’au même moment, une députée de Nidaa Tounes appelait à interdire l’accès de la société civile à l’ARP  faisant totalement fi de l’impératif de reconnaitre officiellement cette société civile au lieu de tenter de l’exclure.

Depuis des dérives importantes n’ont cessées de se multiplier tant au niveau de la gouvernance du pays qu’au niveau de la gouvernance de Nidaa.

Les soukouks négociés à travers la vente temporaire du stade de Radès ainsi que la conversion de la BTS en une banque quasi Islamique ont créé une grosse confusion dans les esprits qui entraina une polémique qui n’en finit pas.

Au moment où nous négocions et traitons en soukouks car incapable d’instaurer les réformes nécessaires demandées par les bailleurs de fonds occidentaux, c’est le Secrétaire Général de l’UGTT en personne qui plaide un soutien massif à la Tunisie au Sénat américain dans l’espoir, je suppose,  d’empêcher plus d’islamisation de nos finances, d’améliorer l’image de son syndicat et d’obtenir du soutien.

En parallèle, un imam extrémiste de la pire espèce crée une nouvelle polémique quant à l’instrumentalisation politique des mosquées. De nouveau le gouvernement démontre au grand jour son incapacité à faire respecter les lois et à établir l’ordre dans une mosquée. Après avoir arrêté l’imam en question, le gouvernement recule et le relâche comme tant de terroristes relâchés  sans aucune autre explication.  Le tout sans compter le retour de Syrie des djihadistes tunisiens à qui, à mon sens, on devrait carrément retirer la nationalité puisque de leur côté, ils ne la reconnaissent pas non plus.
Tout ceci a  pour effet de remettre  définitivement en doute le peu de confiance qui nous reste encore dans notre système judiciaire. Et ma colère monte encore d’un cran.

J’ai le sentiment d’être carrément gouverné par Ennahdha alors que c’est Nidaa qui a gagné les élections.  Nous ne sommes plus dans un esprit de compromis dans l’intérêt national mais carrément dans la soumission à un parti théocratique qui part essence ne peut être que dictatorial s’il n’a pas en face de lui un autre grand parti pour le cerner et le canaliser vers les pratiques démocratiques.

Or voilà qu’un de svice-présidents de Nidaa, qui se trouve être le fils du Président de la République et fondateur de Nidaa, crée une brèche dans son parti en faisant fi de son règlement, de ses structures et de tout comportement démocratique et civilisé. Une brèche que d’autres commencent déjà à exploiter et qui se traduira très certainement par la scission ou même par l’implosion totale du parti.

Ceci revient à dire que le parti vainqueur perdra complétement sa place et son impact à l’ARP et que le gouvernement tombera mettant en danger non seulement la transition démocratique mais carrément l’avenir immédiat du pays.
Dans l’espoir que les militants de Nidaa arrivent à sauver leur parti des griffes opportunistes, j’ai  peur et je suis très en colère.

Neila Charchour
Tunis le 1er Novembre 2015

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3 Commentaires
Les Commentaires
ridha - 02-11-2015 16:28

Aussi longtemps que la plupart du Nidaa , en cas de faillite, pense «Ennahdha» d’abord et Nidaa ensuite, nous aurons un problème. Je ne sais pas pourquoi ils ne peuvent pas grandir et critiquer leurs défaillances

fekaier badredine - 02-11-2015 18:24

très bon article mais froid au dos surtout si le gvt tombe et "ennahdha" prenne le pouvoir

Mohamed Obey - 02-11-2015 20:05

Ce scénario qui mit en colère Mme Neila Charchour était bien prévisible. L'accès du fils du président de la République au parti créé pour propulser le père au poste de pilotage du pays est presque une routine dans la majorité des pays; mais les conséquences de cet accès n'est jamais un indicateur de la bonne santé de la démocratie. Le fils, qui veut hériter les biens du père, est bercé aussi par l'ambition de s'asseoir sur la même chaise que son papa. Ainsi, tout espoir de pluralisme et d'égalité des opportunés demeure un slogan vide de sens.

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