News - 01.09.2015

L’insondable cheikh Hamda Saïed

L’insondable cheikh Hamda Saïed a

«Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je ne vous le pardonnerai pas devant Dieu ».

Le mufti de la République, Hamda Saïed, ne se lasse pas de le rappeler aux journalistes venus l'interviewer. En fait, s’il a un reproche à faire, c’est à lui-même qu’il doit l’adresser en premier lieu. Nommé il y a trois ans en lieu et place de l’actuel ministre de Affaires religieuses, cheikh Hamda Saïed ne passe pas pour avoir la langue pendue, contrairement à ses prédécesseurs. Emporté par un tempérament de feu, il se laisse aller à des dérapages qu’il n’assumera jamais, mais s’emploiera très souvent soit à les démentir en se défaussant sur les journalistes qui ne l’auraient pas compris ou qui chercheraient à lui nuire, soit en les contextualisant pour en atténuer la portée.

En fait, les contorsions auxquelles il se livre pour se justifier ou s’inscrire en faux contre telle ou telle déclaration qui lui est attribuée ou un geste qu’il aurait eu lui font prendre des positions ambigus. Interrogé sur le port du voile chez les fillettes, il condamne le phénomène parce qu’il «n’est pas  exigé par la charia», mais concède que si l’intention des parents est de leur « faire aimer le voile », ceci ne doit pas se faire «de façon contraignante et permanente, car ce serait une manière de confisquer leur droit de vivre leur enfance». Cest ce qu'on appelle avoir le sens de nuance.

Lui reproche-t-on les attaques contre Bourguiba qu’il aurait qualifié de précurseur du terrorisme ? Non seulement, il dément ces propos, mais il se lance dans un hommage tellement appuyé à l’ancien président qu’on est en droit de douter de sa sincérité. Déjà en 1989, lors des premières élections des années Ben Ali, élu à la chambre sur une liste RCD, «alors que je n’avais rien sollicité», précise-t-il, il fera parler de lui pour la première fois, en proposant l’application de la bigamie:  «J’ai constaté que les femmes célibataires, passé un certain âge, vivaient dans des conditions précaires et j’ai voulu y remédier». Un de ses collaborateurs intervient : «Il faut rappeler que cette affaire, c'est de l'histoire ancienne». Le cheikh acquiesce « effectivement, Tout cela est bien loin. Il est certain que je n'aurais pas fait cette proposition aujourd'hui».

De cette proposition saugrenue lancée il y a 26 ans à son refus de serrer la main d’une femme, geste qu’il nie également en opposant sa version des  faits : «Je suis arrivé en retard à la réunion. Il y avait tellement de monde et de mains à saluer que je ne me souviens plus de rien», il existe un faisceau d’indices qui le font classer parmi les durs.

Pourtant, le mufti s’en défend. Ayant mené de bout en bout son cursus, « de l’école  coranique au doctorat», à la Zitouna, il se réclame de l’islam zeitounien, celui, dit-il, de la tolérance et de la modération, et de l’école de Mohamed Abdou, et des cheikhs Mohamed Tahar et Mohamed Fadhel  Ben Achour qu’il a eu comme professeur.

Tenant d’un islam des lumières ? Certainement pas. Mais il y a au moins une chose dont on est sûr. Echaudé par les critiques que provoquent souvent ses déclarations, il tournera désormais sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Nous en avons été témoins lors de notre interview. A chaque fois, il interrogeait du regard deux de ses collaborateurs avant de répondre.

Il faut bien tenir compte du nouveau rapport de forces.

 

H.B.

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