News - 16.08.2015

Exclusif - Pour que la Note d’orientation du Plan 2016 – 2020 ne soit pas un catalogue de bonnes intentions

Exclusif - Pour que la Note d’orientation du Plan 2016 – 2020 ne soit pas un catalogue de bonnes intentions

A-t-on encore besoin d’un plan quinquennal de développement économique et social comme au temps des régimes dirigistes ? Oui, répondent les puristes ? Concept à revoir affirment d’autres. A lire la dernière version de la Note d’orientation du Plan 2016 – 2020 (datée du 9 août courant, puis mise-à-jour, mais non-encore stabilisée), on se rend compte de la difficulté de l’exercice. Le pilotage du document a dû donner des nuits blanches au ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, l’obligeant à enchaîner les versions successives, et changer de formats, entre un volume raccourci d'une trentaine de pages et une nouvelle mouture étendue à plus de 70 pages comme la dernière, que Leaders a pu consulter.  

Outre les questions conceptuelles fondamentales qui ne sont pas tranchées de manière soutenue par de véritables leviers de mise en oeuvre, les changements très rapides que connaît la Tunisie, imposent des redéploiements immédiats. Ce qui était valable avant l’attentat du Bardo, le 18 mars dernier, ne l’est plus, et encore plus après celui de Sousse le 26 juin. Ces rebondissements aux lourdes implications et redoutables retombées se conjuguent avec des mutations extérieures rapides, dans la région immédiate et le reste du monde, exigeant de nouveaux paramétrages continus.

Les spécialistes qui connaissent bien les éditions précédentes des plans tunisiens depuis l’indépendance, préfèrent ne pas se prononcer sur le document 2016-2020, avant sa publication officielle. Consultés par Leaders, ils se contentent à ce stade de formuler une recommandation et de poser quelques questions pouvant servir d’indicateurs de performance.

La recommandation : constituer une base de réponse référentielle à même d’activer de façon quasi-automatique lors de chaque fait significatif pouvant impacter le pays. C’est, selon eux, la voie la plus appropriée pour renforcer le système de décision et de correction immédiate en période de transition non-encore aboutie. En un mot : garder plusieurs options ouvertes et arbitrer dès nécessaire, en paramétrage flexible. Dans une conjoncture en rapides mutations, l’outil de planification doit offrir de multiples leviers bien réfléchis, prêts au fonctionnement.

Les questions : trouver dans le contenu de la Note d’orientation des réponses claires et précises à des problématiques essentielles. D’abord, la vision d’ensemble : quelle Tunisie d’ici l’horizon à moyen terme (2030 au moins), à façonner dès aujourd’hui, avec comme première échéance 2020 ? Avant le modèle de développement économique, quel modèle sociétal ? Comment seront le Tunisien et la Tunisie. Nous sommes ainsi dans le qualitatif, le fondamental. Le reste ne sera que les moyens pour y parvenir. Cette vision, une fois définie et bénéficiant du plus large consensus possible, constituera l’âme du Plan. La constitution du 27 janvier 2014 en a dessiné les grands contours, au plan d’affiner. Une série de questions se posent alors : quels choix fondamentaux seront érigés en principes directeurs pour l’éducation, la santé, la sécurité, l’investissement public, l’emploi, la culture, la société de la connaissance, l’innovation technologique et autres domaines-clefs ? Et quels résultats mesurables attendus ?

La structure de la Note d’orientation

La version du 9 août courant de la Note d’orientation, consultée par Leaders, ne déroge pas dans son organigramme, aux schémas jusqu’ici empruntés. Même si le vocabulaire épouse l’ère du temps post-révolution, nous retrouvons presque les séquences usuelles. Le document est déroulé en quatre grands chapitres : diagnostic, contours du projet sociétal et de développement, priorités et grandes orientations. 

Tous les mots-clefs y sont égrenés. Croissance inclusive et durable, insertion dans la chaîne des valeurs internationales, clustrage, économie verte, dialogue, participation, équité, discrimination positive en faveur des régions, des populations et des secteurs prioritaires, réformes structurantes, école de demain et autres thématiques qui s’imposent sont enrobées dans une dissertation qui reste à raboter et muscler. L’administration a fait son travail. Les politiques n’y ont pas encore apporté leur pleine touche marquante. 

Les délais se raccourcissent. A 4 mois du 1er janvier 2016, démarrage de la première année du Plan,  il va falloir y aller vite et en profondeur. Mise en consultation auprès des acteurs politiques et sociétaux et dans les régions, échafaudage du Plan lui-même, finalisation des différents schémas directeurs et plans d’action, adoption, inscription dans le budget : chaque étape sera cruciale. 

Mais, au-delà des indicateurs chiffrés, indispensables, c’est l’âme du Plan qui doit l’emporter. Il y va du devoir et de la responsabilité, non seulement du gouvernement Essid, mais aussi et surtout de la classe politique et de la société civile.

 

Taoufik Habaieb