News - 28.07.2015

Faut-il contrôler les réseaux sociaux pour lutter contre le terrorisme?

Faut-il contrôler les réseaux sociaux pour lutter contre le terrorisme?

«Un homme qui ne se mêle pas de la  politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile».  Thucydide

Terrain privilégié de toutes les rumeurs et intox, les réseaux sociaux sont- ils devenus le bouc-émissaire de tous les dérapages terroristes?  Certains politiciens l’affirment et appellent  à un contrôle juridique des réseaux sociaux. Selon eux, ces réseaux sont «des sites d'information qui  constituent  un danger plus grave que les médias traditionnels».


Actuellement, ces sites ne font généralement l'objet d'aucun contrôle, ne relèvent d'aucune autorité et cherchent à orienter l'opinion publique en fonction de certains intérêts politiques ou économiques.
Il est clair que les réseaux sociaux ont permis la propagation rapide des informations, ce qui est certes positif. Mais ils sont aussi devenus de véritables outils de propagande par certains groupuscules.

Comment lutter contre les dérives des réseaux sociaux?

La question reste délicate, surtout dans un climat post- révolutionnaire propice aux rumeurs et la paranoïa. Certains tentent de parler de contrôle, mais du contrôle à la censure, il n'y a souvent qu'un petit pas.
Certains affirment que les réseaux sociaux «ne sont pas des sites d'information et ne diffusent pas de contenus journalistiques selon les règles en vigueur» et proposent de placer les réseaux sociaux sous l'autorité d'une instance supérieure de l'information qui veille à faire adopter des lois spéciales sur ces nouveaux médias. Ces sites, ne diffusent effectivement pas de contenus journalistiques mais leur influence peut des fois s'avérer beaucoup plus grande que les médias classiques. Car si l'outil est neutre, son usage peut être négatif.
Journaliste américain et spécialiste des médias sociaux, Jeff Jarvis avait à ce propos estimé que «frapper un mauvais usage et détruire l'outil est une politique à courte vue et vraiment très dangereuse pour une société libre».

 

En Tunisie, l'Internet a toujours été surveillé sous Ben Ali sans  règles ni lois. Mais la censure et le filtrage de la toile ont démontré leur inefficacité. Va-t-on légiférer –sous l’Etat d’urgence—décrété dernièrement,  alors qu'on pensait avoir enterré Ammar 404 ? N'est-il pas mieux de réfléchir aux enjeux de croissance du contenu numérique plutôt que de chercher à comment affaiblir sa portée?

Notre démocratie naissante est quasiment confisquée par les acteurs militants (syndicats, médias, hommes d’affaire, journalistes) qui détiennent un pouvoir considérable sans être soumis au contrôle démocratique. En effet, des groupes de pression ou lobbys puissants conjuguent à présent leurs forces pour influencer le politique pour qu’il serve leurs intérêts particuliers. Ces lobbys agissent aussi sur les médias, se servant d'eux comme instruments de propagande en  interférant dans le processus politique sans contrôle ni interdit. Ces lobbys profitent de la faiblesse de notre démocratie qui réside en la passivité, le consentement par défaut, le retrait et l'abstention d’une grande majorité silencieuse.


Pour lutter contre de telles pratiques, il n'existe que deux méthodes:

  1. Augmenter le niveau de scolarisation des citoyens en développant leur esprit critique. Ce faisant, l’internaute tunisien saura à terme faire la différence entre le vrai et le faux et ne pas tout prendre pour de l'argent comptant et
  2. Veiller à la diffusion d'une information crédible et indépendante
    Par ailleurs, une démocratie ne doit pas uniquement profiter uniquement du contrôle des élus, elle doit s'assurer également du contrôle de la société civile (18000 associations), symbole de protection des droits fondamentaux. C'est pourquoi chaque pays démocratique prévoit un contrôle, autant que possible, indépendant des services de l’Etat et ce comme la «Commission nationale de déontologie de la sécurité» en France.

Pas  d’économie sans démocratie, et pas de démocratie sans réseaux sociaux!

La stabilité et la sécurité  conduisent l’économie à prospérer. Jacques Attali parle de «démocratie de marché», insistant par ce terme sur le caractère naturel du développement de la démocratie par l'économie de marché, qui devrait garantir à tous,  le minimum vital de revenu.


Georges Hermet  disait "Plus une nation jouissait d'un bien-être suffisamment réparti, plus elle avait de chance de jouir d'un gouvernement démocratique stable". L'augmentation du nombre des associations et de l’importance  de la société civile ont  pour conséquence de réduire le rôle des partis politiques.

 

Ces groupes développent la démocratie «d'expression, d'implication, et d'intervention» dans le bon sens du terme. Ce qui montre la liaison forte et indispensable entre économie et démocratie.
Par ailleurs, les médias, ce quatrième pouvoir, sont utiles à la démocratie en leur permettant d'interpeller les acteurs politiques sur leurs projets et réalisations et en les confrontant à leurs manques ou défaillances, voire mensonges ou malversations. Mais ce quatrième pouvoir peut également devenir nocif à cette démocratie s'il sort de sa neutralité ou de son objectivité que ce soit volontairement ou involontairement et de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs  politique, économique, culturel et religieux.

 

Actuellement, les réseaux sociaux sont passés d'un outil d'information à un outil d’endoctrination.  Cet outil permet une nouvelle approche de la démocratie, car les idées de la base ne transitent plus par les partis politiques, car elles ont une vie indépendante. C’est pourquoi, le discours démocratique appartient désormais au simple citoyen «blogueur».  Les réseaux sociaux sont aussi une arme à double tranchant, parfois un simple avis sur facebook mal repris, fait tache d'huile et a des conséquences fâcheuses.

 

Les médias rendent le citoyen acteur de son destin, en assurant le fonctionnement, combien perfectible, de la démocratie représentative. Et pour cause, la démocratie, pour être saine, doit se pratiquer dans un climat de pleine liberté d’expression, de pensée, d'action, de conviction politique, philosophique et religieuse. L'internaute devrait pouvoir s'exprimer en dehors de toute contrainte.

 

Hassen Chaari

   Universitaire et Président de l’association
pour le développement de la recherche
et de l’innovation «ADRI»


 

 

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