Opinions - 16.05.2015

67ème commémoration de la NAKBA : quelques repères… d’hier et d’aujourd’hui.

67ème commémoration de la NAKBA : quelques repères… d’hier et d’aujourd’hui.
  Ecrit par
Mohamed Larbi Bouguerra
Tunisie -

Depuis 1948, les Palestiniens pleurent la perte de leurs villages rasés, leurs habitants massacrés par les milices sionistes de la Hagana et de l’armée israélienne ainsi que l’expulsion de 750 000 personnes en quelques semaines dans le cadre d’une politique de judaïsation de la Palestine. La création d’Israël est  cette tragédie qui a fondu sur les Palestiniens, les Arabes et les hommes épris de paix et de justice après la Deuxième Guerre Mondiale et les épouvantables atrocités commises par les nazis allemands…en Europe et non en Palestine !

La commémoration de cet évènement a été officialisée par l’Autorité Palestinienne. En 1998, le Président Yasser Arafat a tenu à marquer le 50ème anniversaire de la blessure et de la dépossession en décrétant le 12 mai  « Jour de la Nakba ». La veille de la première commémoration, Benyamin Netanyahou s’est lavé les mains, tel Ponce Pilate, des malheurs infligés au peuple palestinien en déclarant : «Israël n’est pas responsable de la tragédie palestinienne, ses leaders le sont ».

Depuis 1998, ce jour a été marqué par la violence des sionistes face à un peuple debout et à la mémoire intacte… en dépit du pronostic de Ben Gourion qui tablait sur l’oubli. Ainsi, en 2001, quatre Palestiniens ont été tués et des dizaines d’autres ont été blessés. En 2005, le Jour de la Nakba et le jour de l’indépendance d’Israël coïncidèrent* pour la première fois. Des Israéliens de gauche se joignirent aux Palestiniens pour visiter les sites des villages rasés, effacés de la carte. En 2011, la Knesset (Parlement israélien) vota une loi scélérate dite  « loi de la Nakba » qui autorise le ministre des finances à refuser toute subvention aux ONG qui célèbrent « tristement » la journée de l’indépendance ! Cette année-là précisément, le Jour de la Nakba a été particulièrement sanglant.  Les Palestiniens de Syrie, du Golan, de Cisjordanie et de Gaza se rassemblèrent et marchèrent vers la frontière israélienne. A la frontière syrienne, l’armée sioniste assassina  22 manifestants palestiniens non armés et blessa des dizaines de protestataires. En Cisjordanie et à Gaza, 125 Palestiniens furent blessés et on compta un chahid qui essaya de placer une bombe sur la route séparant Gaza d’Israël. En 2012  et 2013, des affrontements eurent lieu avec des blessés dans les deux camps. En 2014, les manifestations furent moins violentes.

Israël n’a jamais cessé de combattre la Nakba, dès 1948 : il interdit le retour des réfugiés dans leurs maisons et leurs terres et confisque leurs biens. Il a détruit pratiquement tous les 418 villages palestiniens et brouillé les cartes en les couvrant de forêts plantées grâce aux subsides du Fonds National Juif. Il interdit même de mentionner ces villages, partant du concept primitif qu’avec des arbres, on peut effacer la mémoire d’un peuple, et qu’avec des lois iniques et par la force brute, en le plaçant sous le contrôle de l’armée sioniste des années durant, on peut supprimer sa conscience et ses peines.
Aujourd’hui, les réfugiés de 1948 sont devenus 5 millions et sont présents sur les cinq continents. Certains, du fait des hostilités en Syrie par exemple, sont deux fois réfugiés. A Gaza, les familles de Khuza’a, près de Khan Younès, ont été contraintes de vivre dans des containers métalliques après la destruction  de leurs maisons dont elles voient quotidiennement les ruines et qui leur rappellent la sauvage attaque israélienne de 2014. De même, les injustices de la Nakba se voient dans l’humiliation journalière des Palestiniens quand ils essaient d’aller à leurs champs, leurs oliveraies ou leurs écoles. Elles se voient dans la brutalité des colons et de l’Etat israélien au point que le Conseil National de Sécurité américain a reçu à la Maison Blanche, le 15 avril dernier,  le jeune Palestino-américain Tariq Abou Kheir qui avait été sauvagement frappé par la police israélienne. Cette agression a eu lieu suite à la manifestation organisée à Jérusalem après l’immolation par le feu de son cousin Mohammed, meurtre  perpétré par des fanatiques juifs. La Maison Blanche juge que les autorités israéliennes n’accordent pas l’importance qu’elles méritent à ces nombreuses agressions contre de jeunes Palestino-américains et qu’elles ne cherchent pas à en poursuivre les auteurs.

Mais les Palestiniens luttent. Près de Naplouse, les fermiers et les bergers de Salem , humiliés et poussés hors de leurs terres, s’accrochent, des militants internationaux volent à leur secours pour les aider à moissonner. De même, les communautés bédouines d’Oum al Hiran dans le Néguev sont soumises au nettoyage ethnique. Elles sont considérées comme vivant dans « des villages non reconnus » pour permettre l’installation d’une colonie  juive. Pareillement, à Susiya, en Cisjordanie, déportations et évictions des Palestiniens de leurs terres sont de plus en plus fréquentes. A noter que les habitants de Susiya ont été expulsés par l’armée en 1986 et que leur village est devenu un site archéologique. Le juge Noam Sohlberg de la Cour Suprême d’Israël - qui habite dans une colonie en Cisjordanie - a autorisé l’armée à détruire les tentes, les cabanes en tôle et les enclos du bétail de ces bédouins, refusant même d’examiner un ultime recours déposé par ces Palestiniens, pourtant soutenus par les avocats de « Rabbins pour les droits de l’homme »(Lire « Pur et simple colonialisme israélien », Amira Hass, Haaretz, 11 mai 2015). Le 15 avril 2015, la Cour Suprême a permis à l’Etat d’Israël de voler les terres de Palestiniens de Bethléem, Beit Sahur, Beit Jala et Abou Dis, en vertu de la loi sur « les absents présents », les propriétaires étant au-delà de la ligne de séparation !

Tout ceci prouve que la dépossession n’a jamais cessé depuis 1948. Israël est un état colonialiste, qui met la main sur les terres d’autrui. Israël expulse, exproprie, détruit et met les gens en cage dans des bantoustans. Mais, écrit Gideon Lévy « Plus Israël réprime la Nakba, plus fortes sont les mémoires » et le journaliste de déplorer que l’Etat israélien foule aux pieds la mémoire et les peines des Palestiniens,  un cinquième de sa population (Haaretz, 14 mai 2015). Avec le 4ème gouvernement Netanyahou approuvé le 14 mai 2015 par deux voix de majorité, Lévy ne risque pas d’être entendu. Pour le journal israélien de gauche Haaretz du 8 mai 2015 (cité par Le Monde du 16 mai 2015, p. 5) ce gouvernement est « des pires et des plus dommageables de l’histoire ». « Les priorités absolues de ses membres sont l’approfondissement de l’occupation, l’extension des colonies, l’affaiblissement de la démocratie et l’augmentation des subventions pour les écoles religieuses des Haredis [ultra-orthodoxes] ».

Mais les Palestiniens résistent. Ils luttent et vont à la Cour de Justice Internationale. Le mouvement BDS est de plus en plus actif et suivi. Il provoque même la zizanie chez ses suppôts. L’Etat palestinien est de plus en plus reconnu par de nombreuses  capitales. Dimanche 17 mai 2015, le Président Abbas ira au Vatican qui a décidé de reconnaître la Palestine le 13 mai 2015,  pour trouver une solution à «la question palestinienne et au conflit entre Israéliens et Palestiniens dans le cadre de la formule des deux Etats ».  C’est une grande victoire symbolique, véritable gifle diplomatique pour Netanyahou. Le déni du droit ne peut durer indéfiniment : le gouvernement jusqu’au boutiste de Netanyahou a réussi à être en délicatesse avec des alliés traditionnels comme les Etats Unis et la France. Paris veut en effet faire voter au Conseil de Sécurité une motion imposant des négociations aux deux parties.

De plus en plus, dans le monde, on reprend cette  belle parole du regretté président Nelson Mandela : « Nous ne serons jamais libres tant que la Palestine sera occupée ».

Mohamed Larbi Bouguerra

*Le jour de l’indépendance d’Israël suit le calendrier hébraïque. Mais ce dernier calendrier ne correspond pas avec le calendrier grégorien pour une année donnée. Les deux évènements peuvent tomber le même jour ou se produire à plusieurs semaines de distance.
 

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