Opinions - 20.04.2015

L'ignorance qu'un sol est aussi un être... Parmi les vivants..!!

L'ignorance qu'un sol est aussi un être... Parmi les vivants..!!

Le sol, un milieu vivant composé d’éléments comme l’argile, le limon et les sables, de matière organique, de sels, d’eau, d’air et de micro-organismes.  Il est complexe et variable selon les régions et les climats et exerce de nombreuses fonctions dans les écosystèmes : production végétale, stockage, filtration par rapport à la nappe phréatique. L’Union Internationale des Sciences du Sol (IUSS) a déclaré une journée annuelle du sol le 5 décembre. Les Nations Unies ont proposé 2015, année mondiale du sol. Il est au cœur des défis de la sécurité alimentaire et du développement durable.
Les enjeux sont grands et sa survie est celle des hommes et de leur comportement devant cette ressource difficilement renouvelée dans les conditions actuelles (économiques et climatiques). Il est sollicité par la masse des agriculteurs et par tous les autres  usagers « ravageurs » pour un intérêt financier et des profits faciles : agriculture hyper-productiviste (mécanisation et traitements chimiques), artificialisation des sols et extension urbaine sauvage sur les terres fertiles.

Pour répondre à la demande alimentaire mondiale, 6M ha de terres agricoles supplémentaires seront nécessaires chaque année (estimations de l’ONU). Au lieu de cela, 12 M ha par an sont perdus par la dégradation. En Afrique, un peu plus d’1 Md ha – soit 73 % du total des terres arides – sont modérément ou gravement touchés par la désertification et la Tunisie n’y échappe pas. En Asie, le phénomène s’étend à 1.4 Md ha. Mais le problème n’affecte pas seulement les pays en développement. Au total, plus de 110 pays possèdent des terres arides plus ou moins sérieusement dégradées et improductives. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE 2003) estime que la désertification coûte au monde 42 Mds de dollars.

La connaissance du sol et l’utilisation de la terre sont peu ou mal enseignées aux enfants à l’école, contrairement aux autres aspects des sciences naturelles (végétal, organes du corps, …).De fait  le sol reste le grand oublié des facteurs fondamentaux de la vie.

Le capital sol est avant tout un héritage dont le renouvellement, sous les bioclimats méditerranéen et sahariens actuels, est négligeable. En Tunisie 46 % des cultures sont réalisées sur des terres à fertilité limitée ou très faible et près de 1 100 000 ha sont cultivés sur des terres sensibles à l’érosion. Les grandes cultures et l’arboriculture du Nord et du Centre détiennent le grand lot des surfaces cultivées totales évaluées à un peu plus de 5 M ha. Faibles rendements des sols céréaliers (en dessous de 30 quintaux à l’hectare en moyenne) et régression des pâturages (8 M ha dans les années 60 contre 4 millions ha actuellement) affectent la production végétale mais aussi la production animale.

Une étude de la FAO conclut à la sur-utilisation des terres cultivables (117 % du potentiel), d’autres études (BIRD et BEI) admettent une sous-productivité et une perte de productivité annuelle de 1 %. Les pertes en terres par les différents processus de la dégradation sont de l’ordre de 20.000 ha par an.

Ces constats reflètent les incohérences des modes d’occupation et le faible encadrement des agriculteurs des usagers. La mise en valeur de l’ensemble des terres cultivables et les pertes qualitatives et en superficie des terres arables maintiennent une pression constante sur la ressource. L’intensification des rendements par des intrants chimiques et/ou une irrigation mal conduite par des eaux chargées en sels (apparition de la salinisation et de l’hydromorphie) se présentent comme des processus dégradants à moyen et long termes : à l’exemple des plaines céréalières du Nord Ouest, basse vallée de la Méjerda, plaine de Kairouan, terres oasiennes….

Depuis plus de 50 ans, la FAO, pour appuyer le développement de la nutrition et de l’alimentation à l’échelle mondiale, s’est attachée à travailler sur l’aspect « sol » dans sa vocation et son aptitude culturale. Nombreux états, avec leur potentiel technique et scientifique, à l’image de la Russie, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Brésil, l’Argentine et les USA, ont fait des progrès dans le diagnostic des terres et les encouragements pour une  production intensive. Les nouvelles démarches des dernières années  plaidaient pour un développement de l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation qui prennent de plus en plus d’intérêt auprès des décideurs et du grand public. C’est l’emblème choisi pour cette année du sol : « un sol sain pour une vie saine »….

Qu’avons-nous fait de nos sols  et  que proposons-nous?

Les futurs plans de gestion et de la politique durable tunisienne pourraient s’appuyer sur une stratégie  globale  des ressources en sols. Elle s’identifierait par une synthèse nationale reposant sur des études pédologiques de cartographie actualisée, de résultats d’analyse des sols et de données de recherche à grande échelle. La carte agricole régionale actuelle (peu efficace) doit être mise à jour. De même il faut faire prendre conscience de l’importance de la connaissance des terres et de la protection de leur qualité agronomique et environnementale par une augmentation de leur taux en matière organique et leurs bilans hydriques. Les différents programmes d’action des 2 stratégies nationales de la conservation de l’eau et du sol (1990-2001 ; 2002-2011) ont absorbé des crédits d’aménagement de bassins versants et de lutte contre l’érosion de plus de 1000 millions de DT. On est encore à des taux d’érosion dépassant parfois les 45 % (surface affectée par rapport à la surface totale) à l’image des gouvernorats de Siliana, du Kef et de Kasserine.

La promotion des services écosystémiques rendus par le potentiel actuel des terres agricoles évalué à 10,2 millions d’ha et leur biodiversité ressortent comme une nécessité. A cet effet un plan d’action permet de ressortir les priorités comme : Augmentation de la productivité des terres; et des parcours (amélioration de 2,2 millions ha), bonification des terres marginales (encroutées, salées, évaluées à 1 million ha de tout le territoire…). Par ailleurs la mise à niveau du régime foncier et le coté législatif demandent plus d’attention et une urgence signalée. Il est recommandé de promouvoir la réalisation d’exploitations agricoles viables économiquement. Le morcellement excessif des exploitations apparait comme une contrainte (inventaire par types d’exploitation, soutien et encouragement de l’agriculture familiale et périurbaine). La multidisciplinarité entre les départements de l’agriculture (production végétale/animale, environnement, ressources naturelles, facteurs socio-économiques) est exigée. La contribution de la coopération régionale et internationale en recherche/développement et transfert technologique sont des mécanismes qui soutiennent le succès des différents programmes. Enfin un système de suivi et d’évaluation accompagné d’actions de sensibilisation et de vulgarisation de l’information permettent la valorisation des résultats de la recherche scientifique tout en renforçant l’action de la société civile.

Pour conclure 3 défis majeurs s’imposent pour préserver nos ressources en terres fragiles et limitées dont dépend la qualité de la vie des citoyens et des générations futures:

  • Défi de la dégradation physique et chimique: soutien de la protection des sols (CES, techniques d’aménagement des bassins versants, agriculture de conservation (pour plus d’infiltration de l’eau et moins de ruissellement et érosion), techniques douces…, lutte contre la pression et les « probables » forages de gaz de schiste sur les terres agricoles….
  • Défi de l’utilisation et de l’amélioration de la productivité des sols en évitant l’épuisement des terres et en assurant la sécurité alimentaire (prévenir les émeutes de la faim !). les transferts technologiques associés aux systèmes de production et d’assolement selon les types de sols semblent essentiels dans les options d’aménagement agricole.
  • Défi du développement durable : Il repose sur une gestion de la durabilité des sols et des systèmes écologiques (enjeux de l’intégration des sols dans toutes les stratégies sectorielles du développement économique et des politiques publiques). Vivant les changements climatiques avec les gaz à effets de serre par la fixation du carbone dans les sols est aussi une priorité écologique dans une dimension planétaire. Les solutions biologiques contribuent à une agriculture qui respecte l’environnement, pour plus de rendement et plus de qualité avec la spécificité des terroirs tunisiens. La  lutte contre la désertification et l’attention particulière à la pauvreté des paysans des régions intérieures sont des prérogatives spécifiques liés à la dégradation des terres et les mécanismes du développement économique régional viable.

La terre nourricière et protectrice…..(Parlez-vous la terre, JM)

Amor Mtimet

 

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