News - 04.03.2015

Béji Caïd Essebsi: La mission ... et le style

Béji Caïd Essebsi: La mission ...... Et le style

Comment Béji Caïd Essebsi conçoit-il son mandat de premier président de la deuxième République ? La nouvelle constitution en a fixé les modalités, mais c’est à lui d’imprimer son empreinte.

Les premiers signes sont là et la vision se révèle progressivement. «Le Président a bien réfléchi au cadrage stratégique, confie à Leaders l’un de ses proches conseillers. Il ne sera pas le gestionnaire d’un modèle préétabli, mais l’inspirateur d’un nouveau mode. Son thème central sera la liberté. Bourguiba avait libéré le pays, la femme... Sur la même lancée, Béji Caïd Essebsi entend ancrer le respect des libertés individuelles et collectives, promouvoir la liberté d’entreprendre, d’étudier, de travailler, libérer l’administration de ses carcans, libérer l’école de ses modèles désuets, libérer l’entreprise de tout ce qui plombe son élan... Tout un programme».

«Ses missions, poursuit-il, sont multiples. Au premier rang, la préservation de la souveraineté nationale et la restauration de la sécurité. Mais son rôle essentiel sera de garantir aux institutions de l’Etat les fondements de leur fonctionnement et au gouvernement, les moyens de sa réussite».

Financements extérieurs, soutien diplomatique et appui sécuritaire

Pour Béji Caïd Essebsi, la priorité est à la mobilisation des financements extérieurs indispensables à la réalisation des programmes sociaux, éducatifs, sanitaires et en faveur des jeunes, comme à l’équilibre des finances publiques et à la relance économique. Même s’il ne le mentionne pas clairement, au-delà des crédits pouvant être accordés à des conditions avantageuses, c’est surtout sur l’aide de pays frères et amis qu’il compte le plus. Des grandes promesses faites lors du Sommet du G8 à Deauville en 2011, seulement une infime partie a été concrétisée, avait-il rappelé récemment dans une interview au Financial Times. L’accession du parti islamiste au pouvoir après les élections du 23 octobre 2011 semble avoir refroidi les donateurs et découragé leur élan solidaire.  «Aujourd’hui, ils n’ont plus d’excuse, j’espère !», s’exclame-t-il. Sans en faire une demande expresse, le message est lancé.

La première réponse est venue des Emirats arabes unis qui ont dépêché auprès du président Essebsi la ministre de l’Economie, du Commerce extérieure et du Plan, Sheikha Lobna Al Kassimi, porteuse d’une invitation officielle. D’autres invitations arrivent à Carthage. Après le président Bouteflika, en février dernier, c’est François Hollande qui l’invite à se rendre en France. La date est déjà fixée pour les 6 et 7 avril prochain. Un voyage aux Etats-Unis est également au programme, pour la fin avril, début mai 2015.

Le soutien international n’est pas uniquement financier. Il est également diplomatique et sécuritaire. A Paris, BCE demandera à la France, premier partenaire économique de la Tunisie, plus et mieux de coopération dans tous les domaines, notamment sécuritaire. Le poids de la France au sein de l’Europe, dans les instances internationales et les institutions financières sera d’un appui précieux. Avec les Etats-Unis, l’ambition de la Tunisie est d’accéder au statut de pays «allié majeur non membre de l’Otan». Ce statut privilégié, déjà accordé à une quinzaine de pays dont l’Egypte et la Jordanie, permet de bénéficier d’une coopération renforcée, notamment dans le développement et la défense.

Le socle est posé. Béji Caïd Essebsi se concentre sur ce cadrage stratégique qu’il estime le plus approprié pour répondre aux urgences de la Tunisie. S’il y réussit, il aura balisé la voie au gouvernement et apporté au pays les fondements de la sécurité, de sa stabilisation et de son essor. BCE en fait sa mission fondamentale.

Accédant à la magistrature suprême, Béji Caïd Essebsi s’est révélé aux yeux des Tunisiens sous un autre visage, moins souriant, plus conscient des lourdes responsabilités qui lui incombent désormais. L’homme n’a pas changé, mais les gestes et le discours sont très contrôlés. Il parle peu, limite ses interviews aux médias tunisiens et étrangers, et fait de chaque audience qu’il accorde un message précis. La rareté de ses apparitions intrigue les Tunisiens : où est le Président ? Que fait Caïd Essebsi ? Pourquoi ne s’est-il pas rendu à chaud à Dhehiba et à Kasserine ? Les militants et cadres de Nidaa Tounès qui vivent mal son absence du parti le réclament : «Bajbouj nous manque» ! «D’un présidentialisme centralisateur sous Bourguiba et excessif sous Ben Ali, la Tunisie est passée avec Marzouki, sous la Troïka, à une banalisation de l’institution présidentielle qui a surtout défrayé la chronique par des sautes d’humeur», explique à Leaders un spécialiste. Avec la nouvelle constitution, poursuit-il, les attributions sont précises. En premier président de la 2ème République, Béji Caïd Essebsi doit en poser les marques. Cela peut prendre du temps et surprendre certains. A commencer par ses proches».

Dès le départ, BCE a clairement affirmé qu’il entend assurer son mandat en président de tous les Tunisiens, sans distinction ni préférence. Cela a pu «choquer» certains membres de son parti qui croyaient pouvoir continuer à avoir accès direct et permanent à lui et bénéficier de postes de récompense. Ceux qui se sont présentés au palais de Carthage sans invitation ou rendez-vous préalablement pris en ont eu pour leurs frais et l’ont très mal pris. Mais, la règle est posée : la famille à la maison, tous les autres sur rendez-vous, quand c’est nécessaire et possible.

Chacun dans son rôle

Avec le chef du gouvernement, le principe est clair : chacun est dans sa fonction. La constitution l’a bien précisé, il va falloir s’y habituer désormais. Les relations personnelles, cordiales, épousent les nouvelles exigences de la République. Lorsque Habib Essid lui avait présenté le 23 janvier dernier la composition de son gouvernement, Béji Caïd Essebsi, en président de la République, en a pris acte sans émettre le moindre commentaire ou faire la moindre recommandation. La copie sera révisée et Essid reviendra avec une deuxième version incluant Ennahdha. BCE restera sur sa même ligne. Des émissaires du Palais étaient-ils intervenus? Sans doute. Mais, officiellement, chacun était dans son rôle. «Le Président m’a donné carte blanche, avait affirmé Habib Essid à Leaders, sans la moindre interférence, mais j’ai mené de larges consultations. Le moment le plus difficile, c’était lorsque je me suis enfermé seul pour figer la composition finale du gouvernement». Un nouveau style s’invente de part et d’autre. Chacun y tient courtoisement, respectueusement. Une belle illustration en a été offerte à l’occasion de la tenue, le 18 février dernier, du premier Conseil des ministres. En inscrivant à l’ordre du jour des questions relatives à la sécurité et aux relations extérieures, le gouvernement a invité le président de la République à y prendre part et, selon la constitution, le présider. Les questions de protocole étaient les premières à résoudre. Le Conseil doit-il se tenir à La Kasbah? Est-ce au chef de l’Etat de s’y rendre ? Le Conseil peut-il accepter l’invitation du président de la République et se réunir à Carthage? Pour de multiples raisons, nous dit-on, y compris celle de commodités en termes de parking et autres, le Conseil s’est réuni à Carthage.

Une autre question du même ordre : comment doivent s’ordonner les places autour de la grande table rectangulaire, légèrement effilée ? A la française, avec un président de la République qui fait face au chef du gouvernement ? A la tunisienne, le président étant seul en tête de table et le chef du gouvernement à sa droite ? Et, le chef de l’Etat ne devant pas assister à toute la réunion, comment procéder lorsqu’il se retire ? Est-ce que le chef du gouvernement, qui présidera alors les travaux, se mettra à sa place ? Les chargés du protocole ont tranché d’un commun accord : le président en tête de table, puis il passera le relais au chef du gouvernement. La deuxième République se met en place.

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1 Commentaire
Les Commentaires
T.B. - 04-03-2015 21:54

Il faut se decider si on est passé la transition démocratique ou on s´immobilise dans le passé. C´est tellement vrai que les Romains disaient déjà que le people veut du pain et des jeux. Ce qu´on imagine sur la fonction de president ce n´est rien d´autre que ce jeux dont parlent le Romains. Sachons que le citoyens de l´EU produit dix fois ce que produit un Tunisien, alors ya-t-il quelqu´un qui peut nous dire comment faire pour surmonter ce handicap, je rappelle ce que Kennnedy a dit aux américains pour rattrapper les Soviétiques dans la competition de l´Espace. La differences entre les peuples est d´ordre économique , le reste suit comme les lois, la diplomatie, la defense etc.. Et puis j´ai une Remarque sur la diplomatie avec les Etats Unis, je trouve que chercher á être un allié majeur non membre de l´OTAN n´est pas faire du nouveau en politique. Pourquoi ne pas faire comme la Suisse qui n´est satellite de pesonne, et ca ne marche pas mal en realité. Ce que la Tunisie toucherait le cas échéant des Etats Unis serait enlevé sur la portion que touchait l`Egypte et peut-être meme la Jordanie. Les Americais ne manqueraient pas de justification pour faire passer ce qu´il desirent. Ca n´est pas faire du nouveau en politique.

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