Hommage à ... - 18.02.2015

Edgard Naccache ou l’esprit aventureux

Edgard Naccache ou l’esprit aventureux

Edgar Naccache, né le 15 décembre 1917 à Tunis, s’est éteint le 27 mars 2006 à Paris où il vivait depuis 1962. Malgré cet exil, la Tunisie, son peuple, ses couleurs éclatantes, son ciel et ses paysages lumineux restaient indélébiles dans son cœur :

«J’ai été longtemps marqué par toutes les couleurs de la Tunisie; j’en ai gardé un souvenir coloré, exalté, fulgurant, ensoleillé, qui ne m’a pas quitté et qui ne me quitte pas. Par conséquent, c’est plus qu’un souvenir que j’ai transporté, c’est dans l’essence même de ma sensibilité que j’étais marqué par ces couleurs de l’enfance, de la jeunesse et c’est évident que je les retrouve en permanence dans mon oeuvre actuelle».

Edgard Naccache nous a confié ces mots à Paris lors  d’une interview (Cf. La Presse de Tunisie du 26 décembre 2003). Homme affable, d’une immense culture, il fut l’un des premiers à avoir adhéré à la devise de Pierre Boucherle, le directeur de l’Ecole de Tunis :
 «Tous libres mais unis, sans distinction confessionnelle ou idéologique. Amitié, solidarité et respect mutuel malgré les différences».

En janvier 2004, un hommage lui fut rendu dans son pays natal : une rétrospective réunissant 75 de ses tableaux lui a été consacrée à Tunis, retraçant depuis 1938 sa longue et brillante carrière artistique. Bien qu’il ait commencé à peindre dès 1934, Edgard Naccache se destinait au journalisme. C’est seulement en 1948, que sa carrière de peintre s’est affirmée. L’abbé Morel, un spécialiste de Picasso et de Rouault, de passage à Tunis, l’avait alors invité au salon de la Jeune peinture à Paris. Considéré dès lors comme le représentant de l’avant-garde de la peinture tunisienne, se fiant à sa seule intuition, Edgard Naccache prit de multiples chemins, à la recherche d’une formulation plastique définitive. Peu à peu, passant d’une période à l’autre, il délaissa la réalité pour inventer finalement une sorte de cubisme proche de l’abstraction. C’est là l’originalité fondamentale de sa peinture, une originalité déjà perceptible dans son “Fleurs et portraits” qui obtint en 1950 le Prix de la jeune peinture à Tunis. Tant il est vrai, comme il le dit lui-même, que “les yeux gardent les visions, les réutilisent, les transposent…”.

Edgard Naccache a commencé par peindre selon son intuition du moment, « sans avoir besoin de références de maîtres », loin des diktats de la mode. Mais, curieux, doué d’un « esprit aventureux », il éprouvait néanmoins le besoin de transformer la réalité qui s’offrait à ses yeux, d’où ces premières œuvres, comme ‘La barque bleue’ et ‘La Goulette’. L’intention de l’artiste de briser l’ordonnance naturelle des choses devient de plus en plus évidente durant la période dite des ‘marelles’, avec  ‘Lune marelle’, ‘Marelle Irlande’ et ‘Marelle grise’. Malgré une localisation spatiale épurée à l’extrême, l’absence de perspective et une surface plane, l’univers du peintre reste toutefois  temporel, comme l’illustrent ces affiches lacérées, pleines d’effets d’optique éloquents, notamment cet ‘Hommage à Latour’ ou encore ‘ ‘Marlène’. Le réel et l’imaginaire s’y mêlent et s’y rejoignent.

En mars 2005la mairie du 4e arrondissement de Paris a organisé une exposition intitulée les
«Peintres de Tunisie de 1900 à 1960». Edgard Naccache y figurait avec son impressionnant «Le poissonnier», et son délicat «Femme à l’enfant», en compagnie des peintres de la « Nouvelle figuration » comme Nello Levy, le fils de Moses, avec son «Epave rouge» ou encore Victor Journo (1917-1994), le disciple de Matisse, avec le délicieux «Thé en Tunisie» et «Le Marchand de jasmin».

En Mai-juin 2011 une « Rétrospective » d’Edgard Naccacheeut lieu dans le pays basque, à Ciboure, à la galerie ‘La Nivelle’, située face au pittoresque port de pêche de cette bourgade qui jouxte Saint-Jean- de Luz.Cette «Rétrospective» a offert un choix très éclectique, mais révélateur de cette  recherche sans limites, si caractéristique de la démarche d’Edgard Naccache. Ainsi, désireux de délaisser «  les vaines querelles entre abstraction et figuration et les étiquettes restrictives », les responsables de la galerie ‘La Nivelle’  ont tenu à ce que la ‘Rétrospective’ soitl’occasion d’exposer des œuvres conçues pour la plupart sur le tard maisqui témoignent de l’engagement d’un homme de plus en plus interpellé par l’actualité, comme cette immense rose sous un fil de fer barbelé, rappelant la souffrance du peuple chilien sous la dictature de Pinochet. Qu’aurait-il donc imaginé pour immortaliser la ‘Révolution du jasmin’ que vient de vivre son pays natal ?

 

Rafik Darragi

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