Hommage à ... - 16.02.2015

Moncef Melliti – ‘Cooper’

 Moncef Melliti – ‘Cooper’
Lorsque la Tunisie installe la télévision dans son salon au cours des années soixante, elle découvre un arrière latéral gauche révolutionnaire car très porté sur l’offensive, Terry Cooper, international anglais de la grande équipe de Leeds United. Et lorsque le Club Sportif Sfaxien atteint enfin les plus hautes marches des podiums nationaux, le public se rend compte que cette équipe possède elle aussi ‘son’ Cooper en la personne de Moncef Melliti, arrière offensif doté d’une technique de premier ordre capable de distiller des centres d’une précision redoutable à ses attaquants. Par la suite, le joueur qui aura été des premiers titres du CSS sera également d’une première continentale, en tant qu’entraîneur cette fois.
 
Au contraire de la plupart des joueurs de football de son époque (…et de bien d’autres), le natif du 18 juillet 1948 va parvenir à poursuivre sa scolarité jusqu’à la sanctionner d’un diplôme d’enseignant tout en menant une carrière remarquable des minimes aux séniors avec son club du CSS. Autre exception notable, son père l’encourage sur cette double voie du sport et des études et se révèle être son premier supporter et son second entraîneur.
 
…Car le premier entraîneur de toute une génération de joueurs sfaxiens, c’est Milan Kristic, maître-formateur, tacticien et pédagogue qui refaçonnera quasiment à lui seul le Club alors Tunisien. C’est lui qui repositionnera Moncef Melliti d’attaquant en défenseur dès les minimes, préfigurant ainsi son rôle (alors rarissime) de contre-attaquant tout en lui conservant ses qualités techniques. Car en sus de ces dernières, le nouveau défenseur se distingue par la finesse de ses interventions et ne recourt jamais -au contraire de nombre de ses pairs de la défense- à la brutalité ou à l’incorrection.
 
Après un parcours jalonné de titres chez les jeunes où le blé semé par Kristic lève sur plusieurs générations de cadets et de juniors, il intègre les rangs de l’équipe-fanion à moins de 18 ans et en devient rapidement l’un des éléments de base. Il remporte ainsi en 1969 le premier titre de champion du Club Sfaxien, après 21 saisons parmi l’élite unifiée du pays. 
 
Ce succès en appelle d’autres, et le jeune homme a, à titre personnel, la satisfaction d’être retenu pour un stage de la sélection à Prague, et d’y jouer pour la première fois pour l’équipe nationale face à une sélection de Sofia. L’équipe de Tunisie, encore traumatisée par son échec marseillais pour la Coupe du monde, se reconstruit, et il va y vivre quelques heures exaltantes, même s’il manquera toujours un brin de réussite à la sélection pour que les consécrations soient à l’arrivée.
 
Il va commencer par prouver son indispensabilité à Ameur Hizem, le sélectionneur… par son absence. Absent lors de deux rencontres amicales disputées à Tripoli, la défense tunisienne y concède cinq buts. Lorsqu’il réintègre la formation rentrante à Tunis face aux mêmes libyens, la sélection n’en concède aucun. Il dispute dans la foulée au printemps 1971 une double confrontation épique face à l’Egypte. La Tunisie remporte à l’aller sa toute première victoire face à cet adversaire, le laminant véritablement par 3-0. Moncef Melliti aura cependant fort à faire au retour, où son calme devant cent mille cairotes déchaînés et face au fameux Saïd Abderrazak (délicatement surnommé ‘Bazzooka’) permet de maintenir le score à 2-0. Six mois plus tard, ce seront les Jeux méditerranéens d’Izmir où la médaille d’argent est un véritable succès, quoiqu’au goût d’inachevé.
 
Entretemps, le Club Sfaxien et lui-même se seront adjugé un doublé historique que le grand club du sud mettra un quart de siècle à rééditer. Pour la première coupe de Tunisie inscrite à leur palmarès, ce sont les défenseurs sfaxiens qui se mettent en évidence : Abdelwahab Trabelsi, en marquant l’unique but du match d’entrée de jeu et depuis le milieu du terrain. Raouf Najar, en jouant blessé, tête bandée. Et Moncef Melliti, en devant juguler le meilleur joueur adverse, Temime Lahzami. Le reste est historique : la manifestation sportive tourne à l’émeute, l’EST est dissoute et le CSS remporte aisément le titre de champion.
 
A l’issue de la saison, Moncef Melliti se verra distingué lors du tout premier concours organisé par le journal L’Action en étant élu deuxième meilleur joueur 1971, derrière son pendant du flanc droit en sélection, Ahmed Zitouni. Il sera également retenu dans la sélection maghrébine qui sera constituée pour le tournoi inaugural de l’imposant stade du 5-Juillet à Alger. Ce seront là ses dernières consécrations car malheureusement, un match sans à Bamako coûtera par la suite à la sélection une place aux Jeux de Munich. Enfin, après une nouvelle et brillante qualification en éliminatoires de la Coupe du monde face aux Pharaons, un traquenard à Abidjan éliminera l’équipe nationale de la course mondiale. Totalement écœuré à l’issue de ce match au cours duquel il a été remplacé, il jette l’éponge sur le plan international, ratant ainsi de peu la confrontation historique face au Brésil. On ne pourra qu’imaginer ce que sa confrontation face à Paulo Cesar aurait donné…
 
Sa motivation est entamée, et le Club Sfaxien marque le pas. Sollicité par son métier d’enseignant, marqué par le durcissement du jeu (il souffrira d’une blessure assez sévère face à Amor Madhi du voisin du Sfax Railways), il décide de raccrocher avant son 28e anniversaire. Mais un joueur de talent, féru de football au point de ne pouvoir concevoir la vie sans le terrain et doué pour l’enseignement, ne pouvait que se tourner vers l’entraînement.
 
Si le CSS a été son unique club comme joueur, l’entraîneur Melliti va en revanche présider aux destinées d’une dizaine d’équipes, entre la Tunisie et la péninsule arabique. Là aussi, sa méthode et sa technique vont faire école –même si son palmarès ne s’enorgueillira que d’un seul trophée, mais lequel ! Après avoir menés les jeunes du CSS et de la sélection, il sera des premières saisons au plus haut niveau de l’Oceano Club de Kerkennah (lequel sera son club ‘récurrent’), bâtira une superbe équipe de la Jeunesse Kairouanaise que seules des décisions fédérales empêcheront d’aller au sommet, et remportera le premier titre continental d’une équipe tunisienne avec le Club Bizertin. 
 
Fidèle à sa méthode, il rajeunira la formation bizertine (Ahmed Bourchada, le jeune gardien, sera l’un des artisans du titre) et développera le potentiel offensif de ses défenseurs, les menant au succès en coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe le 3 décembre 1988. Cette première lui vaudra des jalousies, le CAB ayant réussi là ou des clubs plus huppés avaient échoué, et une notoriété qui lui permettra d’exercer son talent dans le Golfe durant une dizaine d’années. Il lui vaudra également un lien inaltérable avec la ville de Bizerte où il résidait et repose éternellement depuis le 4 janvier dernier.

Palmarès

Champion de Tunisie 1968-69, 1970-71
Vainqueur de la coupe de Tunisie 1971
Champion de Tunisie juniors 1966-67
Vainqueur de la coupe de Tunisie juniors 1967
28 sélections en équipe nationale
Médaille d’argent aux Jeux méditerranéens d’Izmir 1971
Soulier d’argent 1971
Vainqueur de la coupe d’Afrique des clubs vainqueurs de coupe en 1988 (comme entraîneur)