News - 26.12.2014

Loin de la fièvre Politique, la chimie à l'honneur pour un moment

Si la politique était une denrée comestible les Tunisiens seraient devenus obèses depuis longtemps, car cela fait quatre ans qu’elle constitue notre «pain quotidien» avec des conséquences parfois graves sur les relations entre les membres d’une même famille. Heureusement qu’il y a des domaines qui ne suscitent pas de rancoeurs familiales et permettent de s’épanouir intellectuellement, la chimie en est un. Elle a en effet défrayé la chronique localement pendant quelques jours à Monastir. Trois jours et demi durant, elle a été l’unique sujet débattu par près de 400 participants venus des quatre coins du Pays. Cette manifestation a été organisée dans un hôtel par la Société Chimique de Tunisie (SCT) du 21 au 24 décembre 2014 sous l’appellation «18e Journées Nationales de Chimie» (JNC 18 ou JNC 2014). Dans une atmosphère studieuse, dix sessions de communications orales se sont déroulées en parallèle dans 3 salles d’une aile isolée de l’hôtel.. Chaque semi-journée a démarré par une conférence plénière dispensée par un universitaire tunisien ou Etranger. Quatre sessions de présentation de posters réparties régulièrement au cours de ces Journées ont permis à de jeunes chercheurs d’exhiber leur talent en exposant leurs travaux par affichage (plus de détails dans la référence[1]).

Pour la quasi-totalité des jeunes chimistes, les Journées de Chimie constituent l’unique occasion dans laquelle ils s’exercent à faire la synthèse d’une partie de leurs travaux et à les condenser en vue de les communiquer oralement ou par affichage à un auditoire averti qui ne manquera pas de les ‘coincer’ par des questions sur les méthodes expérimentales utilisées, les résultats obtenus et les raisons qui les ont conduits à avancer certaines interprétations. Répété à plusieurs reprises cet effort de synthèse et de communication contribue considérablement à la préparation du jeune au métier d’enseignant-chercheur. Un aussi grand nombre de participants ne peut être rassemblé dans le cadre de manifestations de ce genre que localement], car le coût prohibitif des frais de déplacement, de séjour et d’inscription ne permet qu’à un nombre minime de nos chercheurs de participer à des congrès à l’étranger.

Il est étrange qu’une majorité d’encadreurs tunisiens brillent par leur absence à ces manifestations et se contentent d’envoyer leurs jeunes chercheurs. Certains ne daignent même pas corriger le résumé soumis ou le contenu de l’exposé oral ou par affiche, présenté par le jeune dont ils ont la charge. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas conscients de l’importance de ce genre de manifestations dans la formation de leurs doctorants.

L’organisation des Journées Nationales de Chimie constitue la cheville ouvrière, voire la raison d’être de la SCT. Cette gigantesque manifestation qui brasse tous les domaines de la Chimie, se teint tous les deux ans (les années paires) depuis la création de la SCT en 1978 et se termine par une assemblée générale au cours de laquelle les rapports moral et financier du Bureau sortant sont discutés et un nouveau Bureau est élu. Dans les années impaires, d’autres congrès plus spécifiques (Chimie Organique ou Chimie du Solide) rassemblent régulièrement depuis 2003 près de 150 chercheurs, en majorité Tunisiens, et des conférenciers de haut niveau  L’un de ces congrès a invité un prix Nobel de Chimie.

Cet effort de formation, bénévolement entrepris par une poignée de Chimistes dévoués, a été relaté à l’échelle Internationale [2]. Il n’est malheureusement pas reconnu à sa juste valeur par les hautes autorités du Pays, car si les Institutions Universitaires n’hésitent pas à accorder aux chercheurs les fais de participation, très peu parmi les responsables Ministériels qui se sont succédés sont conscients de la nécessité d’accorder à la SCT (aux Sociétés Savantes en général) un budget régulier destiné à soutenir financièrement ces manifestations et à subventionner les abonnements à des revues pédagogiques et à l’adhésion à des organismes Internationaux qui éditent des documents indispensables pour tous les Chimistes à travers le Monde, et ceci malgré les demandes formulées à plusieurs reprises auprès des responsables des différents Ministères concernés .. Le cas le plus récent est le refus du Ministère de l’Enseignement Supérieur de prendre en charge les frais d’adhésion de la SCT (près de 4 mille DT) à la très célèbre IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) qui édite depuis 1919, entre autres, des documents de standardisation des terminologies et des symboles ; documents utilisés par la quasi-totalité de la Communauté Internationale des Chimistes. 

A l’inverse des clubs de foot, les Sociétés Savantes sont les parents pauvres des Pays du tiers Monde. En dépit d’une indépendance acquise pour la plupart depuis plus d’un demi-siècle, force est de constater que très peu de responsables de ces Pays sont conscients que la Science constitue le seul salut pour sortir du sous-développement. Le cas le plus marquant chez nous est celui d’un ancien Ministre de l’E.S., le Professeur Rifaat Chaabouni, un scientifique de renom, qui a accordé au cours de son exercice, des subventions substantielles aux Sociétés Savantes.

Malgré ses nombreuses réalisations, la SCT vit, plutôt survit, grâce aux maigres subventions quémandées auprès des responsables des Institutions Universitaires et des Industries. Faut-il attendre un autre demi-siècle pour espérer une évolution du comportement de nos responsables ?

Pr. Mohamed Jemal

[1] voir le Document Préparatoire de ces Journées, édité par la SCT.ou lien : http://www.sctunisie.org/wp-content/uploads/2014/12/JNC18-book.pdf
 
[2] M. Jemal, ‘The Chemical Society of Tunisia, a necessity for a developing Country’ in ‘Chemistry International’, May-June 2010, p.8,9 


 

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