Opinions - 22.10.2014

Si j'etais un dirigeant d'un parti civil…

Nous pouvons résumer la situation de la sphère politique tunisienne comme suit : nous sommes en présence de politiques opposés : un pôle, guidé par Ennahda, qui est théocratique et rétrograde d’une part, et un autre qui est civil, progressiste et plus ou moins démocratique d’autre part. Le premier pôle, uni et structuré, maîtrise l’art rhétorique et exploite à fond la méconnaissance de la plupart des tunisiens des vrais valeurs essentielles de l’Islam.

Quant au deuxième pôle, la plupart de leurs dirigeants ne maîtrisant pas l’art de la communication et aveuglés par leur égo excessif, ne semblent pas être suffisamment unis, structurés et stratèges pour faire face aux manœuvres rusées du premier pôle et à son projet diabolique : la somalisation de la Tunisie. Comme si tout cela ne suffisait pas, il est difficile de différencier les points clés de leurs programmes et de leurs engagements ce qui les affaiblit devant l’opinion publique : leur dispersion, face à des programmes qui se ressemblent, ne peut être interprétée que comme une preuve tangible du scramble au pouvoir.

Dans ces conditions, l’hypothèse du succès d’Ennahda dans les prochaines élections législatives n’est pas à écarter malgré ses nombreuses bavures ou plutôt malgré sa franche volonté (mais invisible pour la plupart) de détruire l’économie et l’Etat tunisien et d’œuvrer dans une voie diamétralement opposés aux objectifs de la révolution et à son propre beau discours.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer le présent article comme une invitation aux divers partis civils de réviser leur stratégie et leurs programmes afin de sauver la Tunisie des «griffes» d’Ennahda et d'emprunter un chemin efficace conduisant, à moyen et long terme, vers l’excellence. Il s’agit de présenter un programme  de nature à faire la différenciation avec les programmes presque identiques des partis civils et à instaurer à jamais la vraie démocratie, sans pour autant évoquer les points communs des partis, qui sont par ailleurs bien fondés. Ainsi, la question à laquelle je devais répondre est la suivante : si j’étais un dirigeant d’un parti civil, quels seraient les points clés et distinctifs de mon programme à adresser au citoyen lors de la compagne électorale?

Le premier point, barycentre et vecteur directeur du programme et de ma compagne électorale, consiste à dire aux citoyens tunisiens, de façon claire et franche, les deux choses suivantes : si vous attendez de mon parti un programme bien ficelé et énoncé sous formes de réalisations concrètes bien définies et chiffrées, ne votez pas pour mon parti et votez pour un autre : les dirigeants de mon parti Y (symbole du parti) ne prétendent jamais posséder une baguette magique ou pouvoir planifier de façon rigoureuse dans une situation d’anarchie et de confusion. Par contre, si vous attendez du parti Y un programme de valeurs universelles (donc non chiffré) à instaurer ensemble avec votre participation active où les programmes de réalisations concrètes (incluant les objectifs, les moyens, les modes et les actions concrètes de réalisation) devait être élaborés conjointement avec la collaboration du citoyen, des associations civiles, des organisations professionnelles, des partenaires sociaux (UGTT et l’UTICA), des experts et des médias, brefs de toutes les forces vives de la nation, alors je vous invite vivement à voter massivement pour mon Parti.

La question qui se pose maintenant est la suivante : Quels sont les principes ou les valeurs de notre programme?  Mais avant d’y répondre, faut-il au préalable présenter la philosophie et le fondement de notre programme de valeur.

Fondement du programme

Le programme proposé est fondé par les propositions premières et les postulats suivants :

  1. La véritable démocratie est synonyme de progrès socioéconomique assurant au citoyen son bien être, son épanouissement et son bonheur. Sans véritable démocratie, on ne peut pas aspirer à un tel progrès ; tout ce qu’on peut atteindre, c’est le progrès économique (des chiffres fort éloquents et flatteurs) mais avec une répartition très inéquitable de la richesse. Le modèle chinois ou le modèle occidental lui-même (à commencer par les EU) n’est pas un bon exemple de la véritable démocratie.
  2.     Il est vrai que la plupart des tunisiens n’ont pas encore acquis l’esprit nécessaire pour pouvoir appliquer effectivement la démocratie. Mais cela n’est pas une raison plausible pour refuser la démocratie et retourner à la case de départ d’avant la révolution ou à celle proposée par les islamistes (la pire des dictatures). Sinon, on sera enfermé et prisonnier à jamais dans un cercle vicieux de tyrannie sans aucune dignité pour le citoyen. Il faut plutôt cultiver l’esprit de la démocratie, s’entraîner et l’apprendre par essais et erreurs. Il y a lieu alors de penser à un mode de transformation, d’entraînement et d’apprentissage collectif vers un esprit démocratique qui est à l’encontre de l’anarchie, de la violence, de la haine et de la liberté absolue. Faut-il rappeler la définition de la vraie démocratie : « Le gouvernement du peuple et pour le peuple » (Périclès, Vème siècle av. JC.).
  3. Le capital le plus précieux d’une nation est ses ressources humaines. Un pays, même dépourvu de ressources naturelles, telles que le pétrole et les mines, peut, moyennant un fort potentiel humain, créer de la richesse et s’élever au rang des grandes nations. Le Japon en fournit le bon exemple.
  4. Le travail est une valeur sûre et inestimable. Il est la première source du bien-être, d’épanouissement et du bonheur. C’est sous cet angle que la notion de travail devait être divulguée et non sous l’angle d’une obligation, d’une contrainte pour pouvoir répondre aux besoins vitaux de l’homme tels que la nourriture, le logement et la sécurité. Un travail, notamment bien accompli et novateur, est source d’estime et d’autoréalisation.
  5. L’entrepreneuriat est une denrée assez rare et d’une importance capitale dans le progrès socioéconomique. Créer une entreprise et réussir n’est pas à la portée de tout le monde. La création d’entreprise conditionne, dans une large mesure, la création de la richesse d’une nation. Encore, faut-il distinguer entrepreneuriat et management et arrêter de diaboliser l’entrepreneur. Il est vrai qu’il existe quelques entrepreneurs qui ne pensent qu’à accumuler de l’argent par tous les moyens et sans se soucier des droits d’autrui. Néanmoins, on trouve également des gens qui ont créé leur entreprise pour d’autres motivations telles que le haut rang social, l’autoréalisation, une contribution dans l’effort de création d’emploi et de richesse pour le bien du pays, etc. Ils sont d’abord très intelligents et ont des qualités rares et distinctives telles que le flair et l’intuition (ils peuvent par exemple convenablement lire l’environnement et saisir les opportunités sans aucune étude sérieuse préalable), le sens de l’initiative, la prédisposition à encourir le risque où l’échec (qui peut entraîner sa faillite) est considérée comme une occasion d’apprendre quelque chose (le risque du manager est insignifiant : perdre son job), et l’art de diriger les hommes (sans pour autant étudier la psychologie).
  6. Le capital et le travail ou l’économique et le social sont deux dimensions ou écueils complémentaires où l’un agit et fait enrichir l’autre  et aucunement opposés. Privilégier l’une de ses deux dimensions au détriment de l’autre c’est aller inéluctablement, du moins à long terme, à l’échec. Une simple lecture de l’histoire économique montre bien nos dires avancés.

le régime économique d’extrême droite, qui se préoccupe presque exclusivement à l’aspect économique, finit par se détruire lui-même par la dégradation continue du pouvoir d’achat de la plus grande part de la population affectant ainsi négativement la pierre angulaire de ce régime, à savoir la demande ;

  • le régime économique d’extrême gauche conduit dans les faits à répartir la pauvreté au lieu de répartir équitablement la richesse : objectif très noble mais non réaliste du socialisme. La négligence de la dimension économique (notamment la productivité) entraine un manque d’investissement au niveau social. L’on perd ainsi aussi bien au niveau économique qu’au niveau social.
  • Indépendamment de la désignation du régime (gauche modéré et moderne, droite modéré, centriste ou libéral social), dont il est très difficile de faire une distinction nette des nuances, l’essentiel est d’être convaincu franchement de la complémentarité de deux dimensions au niveau de la planification économique et au niveau du management de l’entreprise. Nous arrivons maintenant au contenu du programme

Contenu du programme

Le contenu du programmé peut être synthétisé et résumé par les valeurs et les postulats suivants :

  1. Le bonheur de l’Homme est le centre de gravité et la finalité de toute politique. Par suite les résultats économiques et financiers constituent un des moyens qui permettent d’atteindre le bonheur et d’investir en matière du social mais aucunement des objectifs en eux-mêmes.
  2. Le bonheur, la dignité et l’épanouissement de l’Homme ne peuvent être atteints sans véritable démocratie.
  3. Dans une véritable démocratie, la politique, rimée avec les valeurs universelles de la morale et de l’âme de l’Islam modéré, est au service de l’économie et du social. Dans une dictature, civile ou théocratique, c’est plutôt l’inverse. L’économique et le social (plus particulièrement la religion dans le régime théocratique) sont au service de la classe politique.
  4. Le Gouvernement ainsi que les trois autres pouvoirs ne sont que des structures et des moyens, parmi d’autres, permettant au citoyen de gouverner et d’arrêter les grands choix pour le bien-être et le bonheur du peuple.
  5. C’est à travers une tête bien faite que le citoyen puisse exercer le pouvoir avec discernement et savoir arrêter les bons choix stratégiques. Une tête bien-faite est synonyme avoir un esprit à la fois responsable, actif, critique et créatif. Sinon le peuple serait incapable d’assurer une bonne auto gouvernance et par suite son bon bonheur. Il suffit que le sens du devoir et de responsabilité lui fasse défaut pour que le droit chemin lui échappe à jamais.
  6. Nous arrivons maintenant à l’aspect pragmatique du programme, à savoir les décisions à prendre qui reflètent et traduisent notre système de valeurs. Faut-il d’abord préciser que l’instauration d’un tel système est un chemin de longue haleine exigeant un processus graduel d’un horizon à long terme (>5ans) et l’implication graduelle de toutes les forces vives de la nation. Pour un mandat qui ne dépasse pas les cinq ans, faut-il cibler une bonne démocratie et un état d’esprit conséquent mais sans pour autant atteindre la vraie démocratie et la tête bien faite (ou la tête frôlant l’idéale). Il s’agit d’une étape intermédiaire et nécessaire pour pouvoir accéder à un palier supérieur et atteindre à long terme « le gouvernement du peuple et pour le peuple » assurant son bien-être et son bonheur.

    Ainsi, chers citoyens, si vous adhérez au bien-fondé de nos valeurs et vous votez pour notre parti Y, il y a lieu de nous engager tous ensemble à bâtir, au bout de 5 ans, une bonne démocratie et de former un état d’esprit, chez la plupart de nos citoyens, à mi-chemin entre une tête bien faite et une tête mal faite (non responsable, passive, dogmatique et destructive), capable de bien comprendre les programmes et les options de chaque parti ainsi que leurs véritables projets, mobiles et objectifs, et par suite de savoir choisir le parti le plus apte à répondre à ses préoccupations et besoins

Toutes les forces vives de la nation s’accordent sur la nécessité d’une remise en cause et d’une rénovation de tous les systèmes : politique, économique et financier, sécuritaire ainsi que les systèmes de la santé, de l’éducation, de la culture et du sport. La transformation radicale d’un seul système exige des investissements très lourds. Or, les caisses de l’Etat sont vides et on a atteint les seuils critiques d’endettement extérieur. Il faut alors échelonner les chantiers de transformation et les grands investissements et adopter, dès l’instauration du gouvernement, des actions de court terme qui exigent plutôt des petits budgets ou dépenses.

Nous proposons trois paliers successifs d’investissement : un palier de 2 ans touchant le système sécuritaire et le système et financier, un autre palier de deux ans où les investissements porteront sur les systèmes de la santé, de l’éducation et de la culture, et un dernier palier d’un an pour investir dans le domaine sportif. C’est l’occasion également de réaliser une post évaluation des résultats des quatre premières années de gouvernance ainsi que les actions correctives conséquentes et d’entamer la conception et la préparation des esquisses du programme du mandat suivant (5ans) visant l’instauration de la véritable démocratie et le bonheur du citoyen.

Dans une période de possibilités de financement difficiles et limitées, il est d’une priorité primordiale d’investir en premier temps dans les domaines permettant de déclencher et de relancer la roue économique afin de créer la richesse et d’augmenter ainsi la capacité d’autofinancement. Ainsi, la priorité première est d’investir en matière d’infrastructure économique et financière, de façon à permettre la génération d’un processus dynamique et rapide de création d’entreprises, de richesses et d’emplois.

Comme un article ne peut être aussi long, l’aspect actionnel et décisionnel de chacun des paliers d’investissement et de réforme radicale peut faire en lui-même l’objet d’un article spécifique.

Nebli Youcef

 

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