Opinions - 17.10.2014

La politique étrangère dans la vision de Ahmed Néjib Chebbi pour la Tunisie de demain

Dans l’atmosphère électorale qui règne actuellement en Tunisie et la course effrénée des candidats, tant aux sièges de la prochaine Assemblée du Peuple qu’au Palais de Carthage, les questions d’ordre intérieur semblent primer, attitude normale et légitime. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est l’absence presque totale dans la plupart des programmes électoraux et des débats en cours, de la dimension liée à la politique étrangère du pays. La négligence des aspects d’ordre international devient une grave défaillance quand il s’agit de candidats aux élections présidentielles, étant donné le rôle éminent que jouera le prochain Chef de l’Etat dans ce domaine , conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution. 

Pourtant, nombre de problèmes auxquels la Tunisie fera face dans les années à venir, trouvent leur origine dans notre environnement extérieur et leurs solutions seront largement déterminées par la façon avec laquelle nos futurs dirigeants sauront réagir face aux réalités du monde où nous vivons: Un monde qui, au cours des dernières années, a subi des bouleversements sensibles puisque les relations entre les pays ne sont plus dominées par les axes basés sur les idéologies des siècles passés, mais plutôt par des ententes liées aux intérêts nationaux et des valeurs devenues universelles telles que la démocratie, le respect des Droits de l’Homme et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme sous toutes ses formes.

Le prochain Président de la République Tunisienne sera jugé sur la compréhension qu’il a des mutations mondiales en cours, et sur la profondeur de la connaissance qu’il a des réalités politiques, économiques et sociales des différentes régions du pays et sa capacité à traduire cette connaissance en arguments solides pour défendre et promouvoir les intérêts du pays sur le plan international dans un langage moderne et modéré, en mettant à l’œuvre tous les outils d’une diplomatie efficace alliant les instruments publics –qu’il faudrait réhabiliter et renforcer-aux initiatives de la société civile et des opérateurs économiques dans un élan national cohérent et unifié.

Les observateurs un tant soit peu avertis, surtout ceux qui ont une certaine expérience des relations internationales, constateront que Ahmed Néjib Chebbi, l’un des candidats les plus en vue à la Présidence de la République, a établi une approche complète de la politique étrangère tunisienne pour les cinq prochaines années, approche qui s’inspire de sa vision globale de la Tunisie à l’horizon 2020 et se base sur sa longue expérience de militant, de démocrate convaincu et de fin connaisseur de la Tunisie et du monde. Cette approche a été annoncée très tôt dans l’allocution qu’il a prononcée lors du colloque organisé par le Cercle Diplomatique de son Parti Al Joumhouri le 2 juillet 2013, sous le thème « Quelle politique étrangère pour la Tunisie de demain ? ». Elle a été confirmée dans le discours de Kasserine du 3 août 2014 au cours duquel il a annoncé sa candidature, et a été affinée lors de la présentation officielle de son programme le 13 octobre 2014. Cette approche se décline en trois axes centraux qui, appréhendés ensemble, montrent à quel point la politique étrangère de Ahmed Néjib Chebbi sera une politique de respect des acquis de la Tunisie en la matière, tout en les renforçant et en corrigeant les déviations observées au cours des dernières années et qui ont coûté à notre pays une partie de son prestige sur le plan international et affecté ses intérêts, et ce malgré la reconnaissance du monde extérieur de notre rôle précurseur dans l’éclosion du «Printemps arabe».

Les axes en question se résument en ce qui suit :

  1. Garantie de la souveraineté de la Tunisie et préservation de la liberté de ses choix
  2. Défense de la sécurité et promotion des interêts de la Tunisie,notamment économiques et commerciaux
  3. Attachement aux principes traditionnels de la Tunisie en matière de relations extérieures et prise en compte des valeurs universelles dont la révolution tunisienne a fait une dimension nécessaire , en particulier, la promotion par des moyens pacifiques de la démocratie.

Ces axes se tiennent, se complètent et constituent ensemble une doctrine de politique étrangère pour un pays en développement ayant des traditions diplomatiques qu’il veut préserver et des aspirations qu’il veut réaliser; un pays attaché à ses appartenances géographiques et culturelles, mais ouvert sur le reste du monde.

En effet, que vaut  une diplomatie pour un pays comme le nôtre si elle ne garantit pas la souveraineté nationale chèrement payée, et si elle soumet, par conviction ou par inadvertance, ses positions ou ses relations avec autrui aux choix idéologiques ou aux ambitions nationales d’autres pays, tout frères ou amis qu’ils soient? Le militantisme et l’opposition de Ahmed Néjib Chebbi tout au long de son parcours politique à la dictature et au despotisme, ainsi que son refus , malgré le large éventail de ses amitiés, de s’inscrire dans une logique d’alliance avec des forces extérieures, seront la meilleure assurance pour que la Tunisie de demain entretienne des relations normales de coopération avec les pays proches et lointains et avec les organisations régionales et internationales ainsi que les instances financières mondiales, sur la base du respect mutuel le plus absolu.

De telles relations seront sans exclusion-sauf pour ce qui est de l’entité sioniste qui refuse au peuple palestinien son droit inaliénable à un état indépendant- mais n’écarteront pas les liens spéciaux avec des pays proches de nous ou présentant une importance particulière pour notre sécurité ou notre développement. En effet, préserver la sécurité du pays en cette période où le terrorisme frappe de plein fouet, et aider par la diplomatie à faire face aux nombreuses contraintes économiques et sociales du pays seront les principaux défis de la politique étrangère de la Tunisie, et nécessiteront l’établissement de liens ciblés ne négligeant aucun partenaire traditionnel ou potentiel allant des pays arabes, notamment limitrophes et membres de l’UMA, à ceux de l’Europe, sans oublier le Japon et les Amériques, ainsi que les pays « émergents », notamment les « BRICS ». Les à priori, et les considérations idéologiques, personnelles ou partisanes ,qui ont largement déséquilibré nos relations extérieures au cours des dernières années, ne devront plus être de mise dans la politique étrangère de la Tunisie de demain.

Enfin, ces objectifs n’auront de sens que si notre action repose sur des principes et des valeurs universelles, si nécessaires à un pays comme le nôtre aux moyens limités, alors que les alignements d’antan sur deux camps opposés ont perdu leur raison d’être et que les nouveaux alignements préconisés ici et là sont manifestement problématiques. Dans ce domaine, la Tunisie ne part pas du néant. Les principes de modération, de non-intervention dans les affaires intérieures des autres pays, de respect de la légalité internationale, entre autres, ont bien servi notre pays depuis son indépendance, et chaque fois que l’on s’en est écarté des conséquences graves  en ont découlé .Ces principes n’appartiennent à aucun gouvernement ni à aucun régime .Ils  sont ceux de la Tunisie éternelle car ils émanent de la personnalité et du génie de notre peuple. Il faut les préserver et les compléter par des valeurs universelles dont certaines ont été négligées dans le passé et que la révolution tunisienne a ressuscitées, telles le respect des Droits de l’Homme et du libre arbitre des peuples par le biais de la démocratie participative. Contribuer à propager ces valeurs  dans le respect de la souveraineté des pays concernés, sans contraintes et surtout sans recours aux  moyens illégaux de coercition, devrait être l’un des objectifs de la diplomatie tunisienne .Par desssus tout,et Ahmed Néjib Chebbi n’a cessé de le répéter ,rien dans cette politique ne devrait nuire aux rapports corrects de l’Etat tunisien avec les autres Etats dûment établis.

Ainsi, souveraineté, intérêts nationaux d’ordre sécuritaire et économique, mais également principes et valeurs universelles : Ce sont là les maîtres-mots de l’approche de politique étrangère pour la Tunisie de demain que Ahmed Néjib Chebbi adopte comme composante essentielle de sa vision globale pour notre pays dans la perspective de 2020.

Cette approche a l’avantage de la cohérence et d’être clairement et ouvertement présentée. Il s’agit de la «nouvelle diplomatie» qu’il appelle de ses vœux afin de «réhabiliter l’image de la Tunisie dans le monde».

Ali  Hachani
Ancien Ambassadeur

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