Opinions - 31.08.2014

Les enfants Palestiniens sont-ils des insectes pour Israël? des survivants de l'holocauste répondent

« Je ne connais pas cette chose appelée Principes internationaux. Je jure que je brûlerai tout enfant palestinien qui sera né dans ce secteur. La femme palestinienne et son enfant sont plus dangereux que l’homme, parce que l’existence des enfants palestiniens implique que des générations continueront, mais l’homme cause un danger plus limité. »  Moshé Sharett, Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères israélien, lettre du 15 juin 1948 à Nahum Goldman, Président du Congrès juif mondial.

La malencontreuse mort du petit Daniel Tagerman, âgé de quatre ans, peu avant la trêve à Gaza, a secoué Israël.  Quant au Premier Ministre le plus militariste et le plus à droite de l’histoire d’Israël, il qualifie de « terreur » le décès de ce pauvre gosse.  Du côté des médias, on parle carrément de « meurtre ».

Gidéon Lévy dit comprendre, dans le quotidien israélien Haaretz (24 août 2014), que ses compatriotes puissent plus s’identifier à la mort de cet enfant qu’à celle d’autres. Mais il trouve absolument incompréhensible l’insensibilité des Israéliens à l’assassinat de 478 enfants palestiniens. Il écrit : « Nous devons admettre cette vérité : les enfants palestiniens sont considérés comme des insectes en Israël. Il s’agit là d’une horrible affirmation mais il n’y a pas d’autres moyens pour décrire l’humeur des Israéliens cet été… Quand, six semaines durant, des centaines d’enfants sont massacrés, leurs corps enterrés sous les gravats ou s’entassant dans les morgues, parfois même dans les cabines réfrigérées des marchés par manque d’espace, quand les parents horrifiés transportent les corps de leurs bambins et que les funérailles se répètent 478 fois, même le plus insensible des Israéliens ne devrait pas se permettre d’être aussi indifférent. Il faut se lever et hurler : assez. Tous les prétextes et toutes les explications ne serviront à rien. Un enfant qu’il est permis de tuer et un autre qu’il est défendu de tuer, cela ne peut pas exister.  Il n’y a que des enfants qui sont tués pour rien, des centaines d’enfants dont le sort n’affecte personne en Israël et un enfant, un seul, qu’Israël uni pleure. »
Mais ce qu’écrit cet homme de cœur est à l’exact opposé de ce que pense M. Elie Wiesel, pourtant  Prix Nobel de la Paix (1986).

Un prix Nobel de la paix …qui justifie l’assassinat d’enfants palestiniens!

M. Elie Wiesel, Prix Nobel de la Paix (1986), en dépit de ses déboires boursiers avec le fameux escroc Bernie Madoff (1), a encore les moyens, apparemment, de faire paraître un grand encart publicitaire dans des journaux comme The Guardian, The New York Times, The Wall Street Journal et The Washington Post - encart dont la publication a été cependant refusée par The Times de Londres. Dans ce texte ignoble, M. Wiesel justifie l’injustifiable : le massacre de centaines d’enfants palestiniens par l’armée israélienne. Ces enfants, pour ce monsieur, ne peuvent être que des kamikazes pour des attentats suicides ou pour servir comme boucliers de protection des résistants gazaouis. Pour Wiesel, l’agression israélienne de Gaza « est une bataille entre ceux qui célèbrent la vie et ceux qui sont les champions de la mort » et, grandiloquent, il ajoute : « C’est une bataille entre la civilisation et la barbarie» passant à la trappe l’occupation et la prison à ciel ouvert où sont enfermés 1,8 million d’êtres humains.

Mais ce que vise essentiellement ce philosophe à œillères, c’est qu’on arrête de critiquer l’armée israélienne - si chère à son cœur- qui se trouve, à l’en croire, devant « un  terrible choix » : « soit de tirer et risquer d’atteindre les boucliers humains ou de cesser de tirer et risquer la mort d’êtres chers. »

Factice drame cornélien ! Poudre aux yeux destinée à l’opinion internationale révulsée par les massacres israéliens des enfants de Gaza! Voilà ce que fait ce philosophe boursicoteur avec ces pseudo-raisonnements bibliques.

Car sa  théorie des boucliers humains a été constamment démentie par des observateurs respectables et par des officiels des Nations Unies (Voir le site de Leaders 4 août 2014) . Mais Wiesel s’y accroche… car il n’a aucune autre  justification de l’assassinat de tant d’enfants à avancer . « Comment dire que l’armée israélienne n’a pas voulu tuer ces enfants ? Elle ne l’a pas voulu 478 fois ? »  demande,  incrédule, Gidéon Lévy. 

Les menées d’Elie Wiesel vérifient   les propos de l’historien israélien  Zeev Sternhell –opposé aux ultranationalistes et à la colonisation- qui affirme, dans l’Express,  qu’Israël est menacé de l’intérieur par « la montée d’un  fanatisme nationaliste et religieux au sein de la société israélienne, auquel Netanyahou- ce Premier Ministre faible- ne semble guère résister.» La racoleuse et ignoble lettre de Wiesel est la preuve qu’Israël est fort isolé sur la scène internationale au point que …les Belges ont refusé de jouer à Bruxelles un match de football avec une équipe israélienne et que le festival du film de Bristol,  en Angleterre,  a refusé une partie de son financement par l’ambassade israélienne.(W. Le Devin et D. Albertini, « Les appels au boycott de produits israéliens ont-ils un effet ? », Libération, 29 août 2014)

Des personnes exemplaires

Réagissant à l’encart publicitaire ignoble d’Elie Wiesel, des survivants de l’Holocauste ont signé un appel « pour la justice à Gaza » et appellent à « au boycott total » d’Israël dont il condamne le racisme et la déshumanisation des Palestiniens.

Faisons connaissance d’abord avec quelques-uns des  327 signataires (40 survivants de l’Holocauste et 287 descendants de survivants et de victimes) (2)

1-Le Dr Hajo G. Meyer qui est né en 1924 en Allemagne mais a dû quitter ce pays en 1938 quand les Nazis l’ont empêché d’aller à l’école. En 1944, après une année dans la clandestinité, il a été envoyé à Auschwitz pour dix mois mais a pu se tirer de cet enfer nazi. Le Dr Meyer est hélas décédé le 22 août 2014, un jour avant la parution du texte dans le New York Times.

2- Mme Hedy Epstein est née en 1924 en Allemagne et a pu échapper en Angleterre aux rafles nazies. Ses parents ont été envoyés à Auschwitz où ils moururent. Après la guerre, Mme Epstein a travaillé pour le tribunal de Nuremberg qui a jugé les médecins allemands coupables d’avoir conduit des expériences sur les prisonniers des camps de concentration.

3- Mme Edith Bell est née en Allemagne en 1923. Sa mère est morte au camp de Theresienstadt et son père à Auschwitz. Elle-même a vécu les horreurs des camps de Westerbork, Theresienstadt, Auschwitz et Kurzbach avant d’être libérée par l’Armée Rouge en 1945. Après la guerre, elle vécut en Hollande puis partit en 1947 en  Palestine pour vivre dans un kibboutz. Depuis 1955, elle vit aux Etats Unis. Elle est membre depuis plus de 50 ans de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté. 

4- Maia Ettinger est écrivain et avocate aux Etats Unis, à Guilford (Connecticut). Née en Pologne, elle arriva aux EU à l’âge de 5 ans en compagnie de sa mère et de sa grand’mère qui, toutes deux, ont pu s’échapper du ghetto de Varsovie alors que les trains commençaient à transporter les juifs à Treblinka. Elevée comme une juive laïque fière de ses origines, elle a été un grand supporter d’Israël que sa mère visita lors de la guerre du Golfe.  Au passage d’un check point, elle téléphona à sa fille  pour lui dire : « Maia, c’est le ghetto. »

5- Mme Liliane Kaczerginski: Son père fut un grand résistant antinazi dans le ghetto de Vilnius en Lituanie. Elle a été, 14 ans durant, un membre actif du Matzpen (parti israélien de gauche socialiste antisioniste, disparu en 1984). Elle est actuellement un membre actif du Réseau International Juif Antisioniste.  Elle a récemment déclaré: «  Le sionisme déshonore le génocide des juifs européens » et ajouta : « Un Etat juif… signifie suprématie juive, nous disons non au nettoyage ethnique du peuple palestinien. » Elle  vit actuellement en France.

6- Mme Suzanne Weiss a survécu à l’Holocauste. Elle a été cachée par une communauté paysanne d’Auvergne en France. Sa mère est morte à Auschwitz en 1943. Elle vit actuellement en France.

7- Mme Margot Goldstein enseigne les sciences sociales à San Francisco depuis une dizaine d’années. Elle est la fille d’immigrants venus d’Argentine et d’Allemagne. Son grand-père a été enlevé par les Nazis au beau milieu de la nuit pour être conduit au camp de concentration de  Buchenwald mais a pu s’en échapper et mettre le cap sur la Bolivie où la famille a pu se retrouver.

8- M. Alex Safron est un éditeur de vidéos qui vit en Californie. Sa grand-mère maternelle a survécu au génocide organisé par les nazis allemands mais ses parents ont probablement péri dans un camp de concentration. Elle a été cachée avec d’autres juifs en Allemagne. Elle a pu s’échapper d’un camp de travail dans les Pyrénées comme elle a pu échapper aux limiers de Klaus Barbie et rejoindre la résistance française.

9- Mme Françoise Basch, petite-fille de Victor Basch, assassiné par la Gestapo et la Milice française en 1944. Son grand-père était agrégé de philosophie et professeur d’allemand et d’esthétique à l’Université de Nancy puis à celle de Rennes. Philosophe engagé, il soutint le Front Populaire et fut membre fondateur et président de la Ligue des Droits de l’homme. Une place du 14ème arrondissement de Paris porte le nom de ses grands-parents.

La lettre des survivants de l’holocauste

Voici maintenant la lettre, traduite de l’anglais et qui a paru sur les colonnes de Haaretz à Tel Aviv et du Guardian de Londres :

« Les survivants et les descendants de survivants et victimes du génocide nazi condamnent sans équivoque le massacre des Palestiniens à Gaza. Comme survivants et descendants de survivants juifs et des victimes du génocide nazi, nous condamnons sans équivoque le massacre de Palestiniens à Gaza, l’occupation continue ainsi que la colonisation de la Palestine historique. Nous condamnons en outre les Etats Unis pour fournir à Israël le financement nécessaire pour mener à bien cette attaque, et les pays occidentaux plus généralement, pour peser de tout leur poids diplomatique afin de protéger Israël de la condamnation.

Tout génocide commence par le silence du monde.

Nous sommes alarmés par l’extrême et très raciste déshumanisation des Palestiniens dans la société israélienne, qui a atteint un paroxysme. En Israël, les politiciens et les experts dans le Times d’Israël et le Jerusalem Post ont appelé ouvertement au génocide des Palestiniens, tandis que la droite israélienne arbore désormais publiquement des insignes néo-nazis. En outre, nous sommes dégoûtés et scandalisés par la violence d’Elie Wiesel pour justifier l’injustifiable : l’effort de guerre d’Israël consiste à détruire Gaza et à assassiner plus de 2000 Palestiniens, dont des centaines d’enfants. Rien ne peut justifier le bombardement des abris de l’ONU, des maisons, des hôpitaux et des universités ! Rien ne peut justifier de priver les gens d’électricité et d’eau.

Nous devons élever nos voix et utiliser notre pouvoir collectif pour mettre un terme à toutes les formes de racisme, y compris le génocide en cours du peuple palestinien. Nous demandons la fin immédiate du siège et du blocus de Gaza. Nous appelons au boycott économique, culturel et académique d’Israël. « Never again » doit signifier JAMAIS POUR PERSONNE. »

Chapeau bas devant ces 327 personnes courageuses et dignes qui ont parfaitement compris ce qu’enseignait Albert Einstein quand il affirme : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. »

«Génocide» ou les assassinats d’enfants palestiniens

L’assassinat de centaines d’enfants à Gaza a été qualifié de « jeunocide » par Sébastien Boussois, chercheur associé à l’Université de Bruxelles et au Centre Jacques Berque au Maroc. Il explique que le mot « jeunocide » a été tiré de l’idée de « « politicide » qui avait été utilisée dans les années 2000 pour désigner la façon dont Israël avait traité Yasser Arafat : son enfermement à la Mouquata, son harcèlement permanent et l’étouffement par l’occupation israélienne de toute vie politique palestinienne. Ce que je fais est un constat : les enfants de la bande de Gaza sont les principales victimes de la guerre faite par Israël aux habitants de ce territoire Et je ne suis pas seul à la faire et c’était déjà vrai en 2008… Médecins Sans Frontières estime dans un rapport que 373 000 enfants auront besoin d’une aide psychologique après cette guerre…… Ils ont vu leurs écoles et leurs maisons détruites, des membres de leurs familles tués ou blessés. Ils ont vécu et vivent encore dans la peur. Ce que je dis, c’est que rien n’a été fait par Israël pour éviter cela. C’est une violation flagrante de la Convention Internationale sur les droits de l’enfant. Dans un espace où la population est aussi concentrée… les militaires israéliens se sont conduits comme un troupeau d’éléphants dans un magasin de porcelaine. Ils ont tiré dans le tas. Le résultat est qu’ils ont tué plus d’enfants que de militaires du Hamas. C’est une stratégie dévastatrice inadmissible qui débouche sur un échec militaire et politique. » (Entretien réalisé par Françoise Germain-Robin, l’Humanité, 25 août 2014, p. 14)

Que risque Israël pour tous ces crimes de guerre ? Que risque Israël pour l’occupation militaire de la Cisjordanie, pour le blocus économique de Gaza, pour la colonisation croissante, pour le Mur de l’apartheid, pour les routes réservées aux Israéliens, pour l’arrachage des oliviers, pour le manque d’eau potable planifié par la société de distribution israélienne de l’eau Mekorot?

Pas grand-chose dans ce monde injuste où la force prime le droit. Serge Halimi note de son côté : « …Entre 1967 et 2003, plus du tiers des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies ont été transgressées par un seul Etat, Israël, et que souvent elles concernaient la colonisation des territoires palestiniens… » (Le Monde Diplomatique, août 2014, première page). Pour  Régis Debray, on est face à  un « racisme civilisationnel : je dis le droit parce que je suis le plus fort. » (Le Monde, 18 juillet 2014, p. 18-19).

Mais Israël n’arrivera pas à étouffer ainsi la résistance palestinienne car dit Debray « tout ce qui s’impose par la force suscite une résistance et le recours à des contre-valeurs. »
 

Le Dr Hani Jamah, - un dentiste palestinien vivant en Californie – a perdu 30 membres de sa famille dans un bombardement israélien à Gaza -  affirme à propos de l’appel des survivants: « Quand Israël a commencé ses bombardements sur Gaza, j’ai découvert en suivant les nouvelles que 30 de mes tantes et de mes cousins ont été tués dans une seule et unique explosion. Joindre ma voix à celles des 40 survivants du génocide nazi donne du poids à notre appel et prouve que nous devons travailler de concert pour que justice soit rendue à Gaza. »
Quant à Monadel Harzallah, membre de la Communauté Palestinienne des Etats Unis, il affirme : « Avec le nombre croissant de personnes qui demandent qu’Israël rende des comptes pour les crimes de génocide qu’il a commis, j’applaudis à cette courageuse déclaration des survivants de l’Holocauste et de leurs familles qui sont du côté de la justice. Nos enfants et nos petits enfants à Gaza méritent une vie où croire à « Plus jamais ça » signifie « Plus jamais ça  pour tout un chacun, partout et tout le temps. »

Mohamed Larbi Bouguerra

(1) Mark Seal, « Madoff, l’homme qui valait cinquante milliards », Editions Allia, Paris, 2010.
(2) Les noms de tous les signataires sont donnés sur le site en anglais de l’International Jewish Anti-Zionist Network (http://ijsn.net/press-release-jewish-holocaust-survivors-from-around-the-world-call-for-justice-in-gaza/)



 

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