News - 30.07.2014

Que dirait le monde libre «si on inversait les chiffres des morts palestiniens et israéliens à Gaza?»

Robert Fisk, 68 ans est un journaliste britannique connu et reconnu. Grand reporter du quotidien londonien «the Independent» au Proche Orient, il  a couvert de grands conflits de l’invasion de l’Irak à la guerre d’Afghanistan. Il a reçu plus de récompenses pour son travail qu’aucun autre journaliste britannique. Dimanche, il écrivait un article fort éloquent sur l’agression israélienne contre la bande de Gaza. On était alors à 800 morts palestiniens et 35 israéliens. Depuis on déplore plus de 1200 morts palestiniens et 53 israéliens. Il posait simplement la question et «si, qu’à Dieu ne plaise, on inversait les chiffres des morts des deux côtés,  que dirait le monde libre» ?

«Nous l’aurions appelé - à juste titre - un massacre, une atrocité, un crime pour lequel les tueurs doivent être tenus pour responsables. Oui, le Hamas doit être rendu responsable, aussi (...) Si les morts d'Israël ont égalé ceux des Palestiniens - et je le répète, Dieu merci, ce n'est pas le cas - je pense que les Américains auraient offert tout le soutien militaire à Israël  contre des "terroristes dangereux soutenus par l'Iran". Nous aurions exigé que le Hamas arrête (cette guerre). Mais nous ne le  faisons pas. Parce que ceux qui sont morts sont des Palestiniens».

Selon le journaliste, «le premier mot qui vient à l’esprit en voyant le massacre des palestiniens c’est celui de l'impunité. Huit cents morts palestiniens. Huit cents. C'est infiniment plus de deux fois que le total des victimes du vol MH17 (de la Malaysia Airlines abattu sur l’Est de l'Ukraine). Et si vous vous référez seulement à la mort d’"innocents" - c'est à dire pas de combattants du Hamas, mais les femmes, les enfants et les personnes âgées qui ont été abattus à Gaza  leur nombre dépasse celui des victimes du MH17.

Il ajoute «il y a quelque chose de très étrange, n'est-ce pas, quant à  nos réactions à ces deux statistiques scandaleuses de morts. A Gaza, nous plaidons pour un cessez-le feu, pour les laisser enterrer leurs morts dans les bidonvilles de Gaza mais on ne veut  même pas ouvrir un couloir humanitaire pour les blessés. Pour les passagers MH17, nous exigeons - immédiatement - l'enterrement et une prise en charge psychologique de  leurs parents. Nous maudissons les auteurs de l’acte à l’Est de l’Ukraine. Mais   nous ne nous soucions pas autant des Palestiniens. Nous ne nous soucions ni de la culpabilité d'Israël, qui est beaucoup plus grande en raison de la plus grand nombre de civils que l'armée israélienne a tués. Ni, d'ailleurs, de la capacité du Hamas (à faire du mal à Israël).

Il s’interroge ensuite: «quelle est la limite du nombre de morts palestiniens à atteindre avant que nous n’exigions un cessez-le feu? Huit cents? Ou 8000? Pourrions-nous avoir un tableau de bord? Ou devrions-nous simplement attendre jusqu'à ce que notre cœur se soulève au sang des victimes et dit assez, cela suffit ».
Et Robert Fisk de rappeler : «Du massacre de villageois arabes par la nouvelle armée d'Israël en 1948, au massacre de Sabra et Chatila, lorsque les alliés chrétiens libanais d'Israël ont assassiné jusqu'à 1.700 personnes en 1982, puis  le  massacre de Qana d’Arabes libanais dans un abri  de l'ONU - oui, l'ONU à nouveau - en 1996, à un autre, moins meurtrier à Qana aussi 10 ans plus tard. Puis le meurtre en masse de civils dans la guerre de Gaza 2008-09», le nombre de massacres n’a pas l’air de s’arrêter. «Après Sabra et Chatila, il y avait eu  des enquêtes, après Qana il y avait  eu une enquête et après Gaza en 2008-09, il y avait une enquête.» mais sans que  cela  n’aboutisse jamais  à des sanctions contre les assassins.

Le journaliste ne manque pas  de faire ses gorges chaudes de  «l’affirmation constante, répétée encore, encore et encore, qu'Israël dispose d’une armée qui  respecte  les normes morales les plus élevées de toute armée dans le monde et ne blesserait jamais les civils. Je me souviens ici des 17 500 morts en 1982 au cours  de l'invasion du Liban par Israël, dont la plupart étaient des civils. Avons-nous oublié tout cela?»

«En dehors de l'impunité, le mot bêtise vient ensuite  à l'esprit. Je vais oublier ici les arabes corrompus, les tueurs d’Elil (Etat islamique d’Irak et du Levant)  et les meurtres en  masse de l'Irak et de la Syrie. Peut-être leur indifférence envers la "Palestine" est à prévoir. Ils ne prétendent pas représenter nos valeurs. Mais que faisons-nous de John Kerry, Secrétaire d'Etat d'Obama, qui nous a dit la semaine dernière que les "questions sous-jacentes" de la guerre israélo-palestinienne doivent être abordées? Que diable faisait-il toute l'année dernière quand il a affirmait  qu'il allait bâtir  la paix au Moyen-Orient en 12 mois?»

«La vérité est que des centaines de milliers de personnes à travers le monde - je souhaite pouvoir dire des millions - veulent mettre un terme à cette impunité, la fin de phrases telles que «victimes disproportionnées». Disproportionnées par rapport à quoi? «Braves Israéliens, ils se sentent dans leur bon droit à en croire le quotidien israélien, Haaretz. Pendant ce temps, le monde arabo-musulman gronde de  colère. Et nous allons en payer le prix », conclut le journaliste cet article qui en dit long sur l’état d’esprit en Occident vis à vis des atrocités de l’agression israélienne contre les civils à Gaza.

Raouf Ben Rejeb

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